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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 septembre 1998

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Nous pouvons commencer. Vous êtes également conscients du fait qu'il y aura peut-être à 10 h 30 un vote qui viendra interrompre brusquement nos délibérations.

[Français]

Bonjour, mesdames et messieurs. Nous commençons notre étude du projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.

[Traduction]

Nous avons un éventail assez large de témoins qui ont gentiment accepté de comparaître devant notre comité pour nous parler de la réglementation.

J'aimerais rafraîchir la mémoire des membres du comité concernant une chose dont nous avons parlé en juin dernier. À l'époque, nous nous sommes en quelque sorte aperçus qu'il existait une directive du Conseil du Trésor sur la rédaction des règlements, ce qui a surpris certains d'entre nous, notamment moi-même. Sur la Colline, il faudrait être au courant de tout. Le greffier a eu la gentillesse de nous obtenir la directive du Conseil du Trésor, dont nous avons tous reçu un exemplaire. Le document s'intitule «Politique de réglementation 1995» et, comme je l'ai dit, a été publié par le Conseil du Trésor. Cette politique établit les règles de rédaction des règlements, ceux-ci devant être rédigés selon les critères contenus dans ce document.

• 0910

Dans le cadre de notre étude du projet de loi, collègues, il semble être souhaitable que nous apprenions comment les règlements sont rédigés. Il est extrêmement important de le comprendre, car nous savons, comme nous l'avons appris par expérience, que parfois les règlements vont au-delà des pouvoirs que prévoit la loi. C'est une question sur laquelle le comité des règlements se penche depuis des décennies. Le comité compte des membres très distingués, notamment l'ancien sénateur Forsey. Il s'agit d'une tâche qui, naturellement, doit intéresser tout particulièrement les parlementaires et le gouvernement afin de s'assurer qu'on ne va pas au-delà de la volonté du Parlement.

Par conséquent, la séance d'aujourd'hui s'inscrit dans cette tradition établie permettant de veiller à ce que les règlements reflètent fidèlement la portée et l'objet de la loi sans aller au-delà ni en deçà de celle-ci. C'est pourquoi cette question nous intéresse tout particulièrement dans le cadre du projet de loi C-32.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants du Bureau du Conseil privé, du Conseil du Trésor, du ministère de la Justice et d'Environnement Canada. Je suis certain qu'ils aideront les membres de notre comité à mieux comprendre les conséquences de cette politique récente.

Nous sommes également très heureux d'accueillir M. Peter Victor, doyen des études environnementales à l'Université York et ancien sous-ministre adjoint du ministère ontarien de l'Environnement.

Cela étant dit, je vais vous demander de commencer sans plus tarder. Vous avez la parole, monsieur Redling. Je vous demanderais de nous indiquer l'ordre des interventions. Encore une fois, bienvenu à notre comité.

M. George Redling (secrétaire adjoint, Comité spécial du Conseil, Bureau du Conseil privé): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle George Redling. Je travaille pour le Bureau du Conseil privé. Mes collègues et moi-même sommes ici à la demande du comité afin de vous expliquer la politique de réglementation dont vous avez parlé, ses conséquences et la façon dont les règlements sont rédigés.

Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Jody Aylard et de M. Richard Foserooke du Conseil du Trésor; de M. Jacques Desjardins du ministère de la Justice; de M. Harvey Lerer d'Environnement Canada et de M. Peter Victor.

Dans le cadre des présentations, j'aimerais résumer comme suit les rôles respectifs des hauts fonctionnaires qui sont ici. Le Secrétariat du Conseil du Trésor est responsable d'élaborer la politique de réglementation et d'aider les ministères à respecter ses exigences. Le ministère de la Justice rédige les règlements et s'assure de leur validité juridique. Le Bureau du Conseil privé veille à ce que l'information et les documents requis soient fournis aux ministres afin qu'ils puissent examiner les projets de règlements; il est chargé également d'enregistrer les règlements et de les publier dans la Gazette du Canada. Les ministères réglementants ont eux eux-mêmes un rôle clé à jouer, car il leur incombe au bout du compte de satisfaire aux exigences de la politique de réglementation et de justifier le projet de règlements.

Je crois comprendre que mes collègues feront eux aussi de brèves observations liminaires, à commencer par Mme Jody Aylard du Conseil du Trésor. Merci.

Mme Jody Aylard (analyste principale, Affaires réglementaires, Secteur économique, Conseil du Trésor du Canada): Je vais vous parler de la politique de réglementation et de la façon dont elle dicte le processus d'établissement des règlements.

Comme vous l'avez mentionné, la politique de réglementation est une politique du gouvernement fédéral approuvée par le Conseil du Trésor. La politique en vigueur a été approuvée en 1995, mais les principes et les objectifs sur lesquels elle s'appuie sont quasi identiques à ceux que l'on retrouve dans le premier énoncé de politique qui date de 1986.

La politique a pour objectif de faire en sorte que le gouvernement exerce ses pouvoirs de réglementation de manière à procurer à la société canadienne les avantages nets les plus grands possible. Il est clairement précisé, au début de l'énoncé de la politique, que la réglementation dans les domaines de la santé, de la sécurité, de la qualité de l'environnement et du bien-être économique et social s'inscrit dans la responsabilité du gouvernement qui consiste à veiller à l'intérêt public. La politique affirme cette responsabilité et engage le gouvernement à exercer son pouvoir de réglementation lorsque c'est la meilleure façon d'atteindre les objectifs d'ordre public.

• 0915

La politique établit un cadre d'analyse qui sert à déterminer s'il faut opter pour la réglementation et comment s'y prendre. Elle engage également le gouvernement à travailler en association avec tous les intervenants. Il en découle une marche à suivre pour aviser les parties intéressées, assurer la participation du public et obtenir les vues des intervenants sur le problème et les solutions proposées.

Le processus prévoit également des modalités permettant de fournir les renseignements voulus aux décideurs pour qu'ils puissent prendre de bonnes décisions dans l'intérêt du public.

Les principaux éléments de la politique sont les suivants: s'assurer que le problème est compris—et selon la politique, le risque d'atteinte à l'environnement ou autre constitue un problème de la catégorie visée; s'assurer que l'on tient compte de la gamme d'outils d'intervention dont on dispose pour s'attaquer au problème et que l'on recourt à la solution qui convient le mieux et est la plus efficace; s'assurer que les Canadiens sont consultés; s'assurer que les avantages d'une intervention sous la forme d'un règlement l'emportent sur les inconvénients; s'assurer que les coûts sont le moins élevés possible et, lorsque le gouvernement décide d'intervenir, s'assurer que les ressources qu'il y consacre vont aux secteurs où elles procureront les plus grands avantages.

Comment fonctionne la politique dans la pratique? Je pense que le déroulement du processus de réglementation permet de l'illustrer le plus clairement. Le processus s'amorce lorsque le gouverneur en conseil ou un ministre en particulier est autorisé, par une loi, à prendre un règlement. Comme le précise la politique, l'étape suivante amène le ministère réglementant à prouver qu'il existe un problème ou un risque et à déterminer si l'intervention du gouvernement est justifiée.

Le ministère envisage ensuite d'autres solutions pour résoudre le problème ou dissiper le risque. L'idéal est que les consultations débutent à ce moment-là auprès des personnes susceptibles d'être touchées et se poursuivent pendant tout le processus d'élaboration du règlement.

Lorsque le ministère arrive à la conclusion que la réglementation constitue la meilleure solution, il lui incombe de travailler avec le ministère de la Justice pour rédiger le règlement. Le ministère réglementant doit également préparer un Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, communément appelée un REIR. Le REIR est un document important. Il démontre aux ministres et au public que la politique de réglementation est appliquée.

La politique est un cadre qui sert à l'analyse d'un problème et à l'étude des solutions possibles. Le REIR explique au public et aux ministres comment les fonctionnaires ont procédé pour effectuer cette étude, pourquoi ils ont opté pour le régime réglementaire proposé, qui a été consulté et ce que les intervenants pensent de la réglementation recommandée.

Le REIR peut être utilisé à toutes les étapes des consultations tenues auprès des intervenants, mais il est particulièrement important pendant la dernière étape des consultations publiques—la publication préalable. Une fois la version initiale du règlement et du REIR terminée, elle est soumise au gouverneur en conseil. Ainsi, les ministres du Cabinet peuvent effectuer un premier examen de la proposition visant un nouveau règlement et de l'analyse qui l'accompagne.

Si le gouverneur en conseil est d'accord, les documents sont publiés dans la Partie I de la Gazette du Canada. C'est l'étape de la publication préalable. La publication préalable d'un projet de règlement et d'un REIR permet d'informer les intervenants de la façon dont le ministère a tenu compte, dans sa proposition, des consultations tenues antérieurement, et elle leur offre une autre occasion de se prononcer en faveur de la proposition ou de faire d'autres suggestions visant à l'améliorer.

La période minimale de publication préalable est de 30 jours. Certaines lois, comme la LCPE, peuvent exiger une période plus longue. Si l'initiative doit faire l'objet d'une notification en vertu d'un accord commercial dont le Canada est signataire, la publication préalable doit s'étendre sur une période d'au moins 75 jours.

Après la publication préalable, le ministère examine les observations reçues, apporte les modifications qui s'imposent au règlement et, au besoin, au REIR. Le ministère de la Justice doit examiner, d'un point de vue juridique, toutes les révisions apportées au règlement.

Le règlement et le REIR sont ensuite présentés au gouverneur en conseil pour son approbation définitive. S'il est approuvé, le règlement est inscrit dans un registre par le Bureau du Conseil privé et publié, avec le REIR, dans la partie II de la Gazette du Canada. Une fois publié, le règlement est renvoyé au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, qui procédera aux vérifications nécessaires.

Voilà le processus. Il est essentiellement dicté par la politique de réglementation. Les exigences de la politique sont exposées dans le REIR. Ce document est la preuve, aux yeux des ministres et du public, que la politique de réglementation a été suivie.

Comme vous l'aurez constaté, plusieurs ministères sont appelés à jouer un rôle au sein du processus. Le Conseil du Trésor est chargé d'élaborer et de mettre à jour la politique fédérale de réglementation. Le Secrétariat du Conseil du Trésor aide les ministères en leur donnant des conseils généraux sur la marche à suivre pour satisfaire aux exigences de la politique et du processus. Le SCT voit également au renforcement des capacités au sein du gouvernement. Par exemple, il a élaboré des normes de gestion du processus de réglementation. Il s'agit de normes d'assurance de la qualité qui régissent les activités de réglementation du gouvernement et s'apparentent, sur le plan conceptuel, aux normes ISO 9000 communément appliquées au sein du secteur privé. Tous les ministères appliquent ces normes pour gérer leur processus de réglementation. Le secrétariat prépare également des guides sur le processus et ses exigences; nous organisons des séminaires sur les pratiques exemplaires lorsqu'il est possible d'échanger des expériences d'apprentissage.

• 0920

Le ministère de la Justice est chargé de rédiger les règlements et de fournir des conseils sur les aspects juridiques. Le Bureau du Conseil privé voit à ce que les documents et les renseignements nécessaires soient fournis aux ministres pour qu'ils puissent examiner les projets de règlement. Le BCP inscrit également tous les règlements dans un registre et les publie dans la Gazette du Canada.

Enfin, et surtout, les ministères réglementants sont en fin de compte responsables des projets de règlement. Il leur incombe de satisfaire aux exigences de la politique. Ils doivent avoir des systèmes en place pour respecter les normes de gestion du processus de réglementation. Ils sont tenus de mener les consultations qui s'imposent ainsi que les analyses requises, et de fournir les motifs qui sous-tendent le règlement qu'ils proposent. Finalement, ils doivent proposer des règlements valables qui permettront d'atteindre les objectifs stratégiques auxquels le Parlement a donné son aval en approuvant la loi habilitante.

[Français]

Le président: Monsieur Desjardins, à vous la parole.

M. Jacques Desjardins (premier conseiller législatif adjoint (Réglementation), Direction des services législatifs, ministère de la Justice): Je m'appelle Jacques Desjardins et je suis le premier conseiller législatif adjoint responsable de la gestion de la Section de la réglementation du ministère de la Justice.

Le ministère de la Justice a créé la Direction des services législatifs, qui comprend deux sections, l'une responsable de la rédaction des projets de loi et l'autre responsable de la rédaction des projets de règlement. Je suis le gestionnaire responsable de cette dernière section. On m'a demandé de venir vous dire quelques mots sur le mandat de la Section de la réglementation et de situer ce mandat dans le contexte global du processus réglementaire. C'est ce que je vais faire au cours des deux ou trois prochaines minutes.

Je vous ai distribué un document qui vous donnera un aperçu plus détaillé du rôle de la Section de la réglementation dans le processus réglementaire. De façon générale, le mandat de la Section de la réglementation découle de la Loi sur les textes réglementaires. Nous devons nous assurer que tous les projets de règlement passent deux tests: un test juridique et un test rédactionnel.

En ce qui concerne le test juridique, on doit s'assurer que tous les projets de règlement sont autorisés en vertu de la loi habilitante, qu'ils n'empiètent pas indûment sur les droits et libertés des individus, qu'ils ne contreviennent pas à la Charte canadienne des droits et libertés et qu'ils ne constituent pas un usage inhabituel du pouvoir.

En ce qui concerne le test rédactionnel, on doit s'assurer que tous les projets de règlement sont rédigés de façon à être compris des personnes qu'ils visent. Lorsque nous faisons l'examen de ces projets de règlement, s'il y a des problèmes, que ce soit de nature juridique ou rédactionnelle, qui ne peuvent pas être résolus avec les ministères-clients, nous devons en aviser le greffier du Conseil privé.

Le moment où nous intervenons dans le processus varie. Parfois, nous intervenons au tout début du processus, alors que les ministères-clients élaborent leurs politiques, de façon à pouvoir les guider tout au long du processus. Parfois, on n'intervient qu'à la fin du processus, après que les ministères-clients ont rédigé un projet de règlement. Mais, que ce soit au début ou à la fin, on doit toujours s'assurer que chaque projet de règlement passe les deux tests que j'ai mentionnés plus tôt.

Somme toute, la Section de la réglementation du ministère de la Justice est responsable de conseiller le gouvernement sur l'aspect juridique et rédactionnel des projets de règlement. Notre intervention peut avoir lieu à n'importe quel moment du processus, selon les besoins des clients.

Le président: Merci, monsieur Desjardins.

[Traduction]

Monsieur Lerer.

M. Harvey Lerer (directeur général, Bureau de la LCPE, ministère de l'Environnement): Merci, monsieur le président et membres du comité.

L'objet des mesures de réglementation d'Environnement Canada en application de la LCPE est la protection de l'environnement et de la santé humaine. La science joue un rôle clé pour déterminer s'il y a un risque justifiant une intervention.

Lorsque l'on envisage la possibilité de prendre un règlement, la politique fédérale de réglementation guide nos décisions et nous appliquons cette politique pour consulter les intervenants et les parties intéressées; pour examiner les autres solutions possibles, y compris le recours à un règlement, à des instruments économiques et à des initiatives volontaires, ou à d'autres instruments; pour tenir compte des impacts socio-économiques et des conséquences de la gamme de mesures envisagées; pour établir quelles sont les «personnes»—et je mets ce mot entre guillemets parce qu'il est utilisé dans le sens juridique—les plus aptes à intervenir et, enfin, pour définir le rôle précis que le gouvernement fédéral serait appelé à jouer dans le cadre d'une intervention.

• 0925

Au moment d'exposer et de documenter un problème en vue de l'établissement d'un règlement, ce ne sont pas les considérations socio-économiques qui entrent en jeu, mais les questions d'ordre scientifique, y compris l'analyse des causes et des effets du problème. L'objet des analyses socio-économiques est d'aider à déterminer comment parvenir aux résultats souhaités de la façon la plus efficace et efficiente possible.

Environnement Canada cherche à élaborer et à appliquer des mécanismes qui permettront de protéger l'environnement et la santé humaine, et nous tenons compte de toute la gamme des moyens et des possibilités d'action qui s'offrent pour parvenir à ce résultat.

Le président: Vous n'auriez pas pu être plus sibyllin, mais merci beaucoup.

Qui est le suivant? Monsieur Victor, s'il vous plaît.

M. Peter Victor (doyen, Études environnementales, Université York): Messieurs, j'ai préparé les notes de mon intervention, qui ont dû vous êtes distribuées.

Mon exposé ne concerne pas particulièrement le projet de loi dont vous êtes saisi; il porte plutôt sur mon expérience de sous-ministre adjoint au ministère ontarien de l'Environnement, où je suis intervenu sur de nombreuses questions qui nécessitaient l'élaboration de nouveaux règlements. Je voudrais attirer votre attention sur cette expérience, en espérant que mes propos vous seront utiles dans vos délibérations actuelles. Je ferai également quelques commentaires sur la politique de réglementation de 1995 qui vient de nous être décrite.

Les deux exemples dont j'ai choisi de parler sont tout d'abord la déclaration ontarienne des droits en matière d'environnement, et deuxièmement, la Stratégie municipale et industrielle de dépollution.

La première page, où il est question de la déclaration des droits en matière d'environnement, vous indique une suite d'événements qui a commencé en octobre 1991, lorsque le gouvernement a constitué un groupe de travail multipartite pour rédiger la déclaration. Il était inhabituel de faire appel à des gens de l'extérieur du secteur public pour rédiger une loi. Il leur a fallu huit ou neuf mois pour produire une ébauche de déclaration, qui a alors été soumise au public. Après une période de consultation, le groupe de travail a fait de nouvelles recommandations au gouvernement et la déclaration a été présentée en première lecture en mai 1993. Elle a été promulguée en 1994.

Au départ, les fonctionnaires, dont je faisais partie, ont beaucoup travaillé pour que tous les éléments du secteur public accordent suffisamment d'appui à la déclaration, tout en préservant le consensus au sein du groupe de travail.

Ce que je voudrais surtout dire ici, c'est que les démarches ont été très rapides. Le groupe de travail a été constitué en 1991 et la loi a été promulguée en 1994, soit moins de deux ans et demi plus tard. L'opération a été non seulement rapide, mais en outre, il s'agissait d'une mesure législative très complexe.

La page suivante vous présente les principales dispositions de la déclaration. Je ne vais pas vous les présenter en détail, mais je voudrais vous les énumérer: il y a des définitions normatives et des objectifs; ensuite, on exige de tous les ministères des énoncés de valeurs environnementales; les propositions de politiques, de lois, de règlements et de textes réglementaires doivent être conformes à la déclaration; on crée un registre des mesures environnementales grâce auquel le public est informé à l'avance des mesures prises et peut faire des commentaires; les citoyens peuvent demander la révision d'une politique ou d'une loi ou le déclenchement d'une enquête; de nouvelles possibilités de poursuite sont offertes; les dénonciateurs sont protégés et on a prévu des dispositions particulières concernant le pouvoir de réglementation.

Vous voyez donc qu'il s'agit d'une mesure législative très complexe, qui a pourtant été adoptée en deux ans et demi. En fait, c'était la première grande mesure environnementale adoptée en Ontario en 15 ans.

Voilà ce que je voulais surtout dire à propos de cette déclaration. C'est une initiative du gouvernement. En tant que fonctionnaire, j'ai voulu indiquer très clairement que le gouvernement tenait à l'adoption de cette mesure législative et qu'il voulait la faire adopter dans des conditions qui maintiennent le consensus parmi tous ceux qui étaient intervenus au cours des étapes préparatoires.

Ce message très explicite que nous avons reçu nous a permis de négocier efficacement avec les différents intervenants—j'en ai dressé une liste partielle au bas de la page consacrée aux leçons tirées de l'adoption de cette déclaration. Nous avons négocié avec les Premières nations, avec les agriculteurs, avec les industriels et surtout avec d'autres ministères, dont un certain nombre n'étaient pas très enthousiastes et considéraient cette déclaration comme une intrusion dans leur précarré et comme une source de problèmes. Le ministère de l'Environnement était relativement jeune et on lui demandait en quelque sorte de surveiller les autres ministères. Il y a donc eu une certaine résistance de l'intérieur.

• 0930

À mon avis, si les choses se sont aussi bien déroulées, c'est parce que le gouvernement a été très explicite quant à ses intentions. Et cela nous ramène à la question des rapports entre la loi et la réglementation. Je pense qu'un fonctionnaire peut adopter de bons règlements si la loi habilitante est suffisamment explicite quant à la finalité ultime des règlements d'application.

Mon deuxième exemple est bien différent. Il s'agit de la Stratégie municipale et industrielle de dépollution. Cette initiative a été lancée en 1986. Encore une fois, on s'est efforcé de convaincre tous les intervenants. Des comités techniques mixtes ont été constitués dans neuf secteurs industriels. Il y a eu un comité consultatif multipartite, mais l'ensemble de la démarche a duré neuf ans et finalement, on a procédé par la voie réglementaire.

Il y a eu deux phases de réglementation. En 1990, quatre ans après le lancement de l'initiative, le gouvernement a promulgué des règlements concernant le contrôle des déchets industriels, et quatre ou cinq ans après, un règlement a fixé les limites pour les différents secteurs industriels. Par ailleurs, ce règlement accordait aux industries un délai de mise en conformité de trois ans.

Je voudrais rapidement vous présenter les principales dispositions de cette mesure. Elles visent à contrôler les déversements dangereux et conventionnels d'origine municipale ou industrielle. Comme je l'ai dit, il existe un règlement spécifique concernant le contrôle des effluents, qui est fondé sur les meilleurs moyens technologiques disponibles à des coûts non prohibitifs, et qui exige que les effluents ne soient pas toxiques.

Quelles leçons peut-on tirer de l'expérience de cette stratégie? Tout d'abord, elle représente un changement d'orientation majeur. Il est difficile d'effectuer un tel changement en faisant uniquement appel à des règlements, et c'est sans doute une procédure à éviter dans le cas d'un changement majeur. C'est pourquoi les fonctionnaires, et moi en particulier, ont dû jouer un rôle différent. Les négociations avec les différents secteurs industriels ont été d'autant plus difficiles que le gouvernement n'avait pas donné une indication très précise de ses véritables intentions.

Les industriels ont eu d'autant plus de facilité à résister à l'élément réglementaire de cette stratégie. Ils ont parfois fait de louables efforts pour nous présenter une information nouvelle et plus complète, mais bien souvent, ils nous présentaient aussi des menaces, en nous disant: si nous n'obtenons pas ce que nous voulons par la négociation, nous passerons tout simplement à un autre niveau et nous pourrions très bien aller au niveau politique. Les hauts fonctionnaires n'aiment pas... Tout d'abord, personne n'aime se faire menacer, ni, à plus forte raison, voir des menaces exécutées.

Parfois, les menaces prenaient la forme de propos de ce genre: si vous fixez la limite à tel niveau, ma société cessera d'investir dans cette province. Vous savez que les gens ont tendance à bluffer, et l'on est jamais sûr de ce qui est vrai ou de ce qui ne l'est pas.

Ce que je veux dire ici, c'est qu'il n'est jamais facile de négocier lorsque le gouvernement n'a pas clairement indiqué ses intentions. C'est un élément à prendre en considération en ce qui concerne votre mesure législative. Dans le cas de la stratégie en question, des règlements ont été adoptés à l'endroit de neuf secteurs industriels, mais il n'y a jamais eu de règlement concernant le secteur municipal jusqu'à ce jour, du moins à ma connaissance.

Je voudrais tirer de ces deux exemples des conclusions qui vont un peu au-delà des éléments de mon exposé. On peut avoir différents points de vue sur la façon de recourir à la réglementation. Le premier point de vue, qui me semble assez sain, consiste à recourir à la réglementation pour réagir à des informations nouvelles, à un changement de circonstance et pour éviter de réouvrir la loi, ce qui est parfois problématique. Dans le domaine de l'environnement, on reçoit constamment des informations nouvelles et les circonstances changent en permanence. En plus des informations environnementales nouvelles, les circonstances propres à chaque secteur industriel réglementé évoluent également, et il faut en tenir compte.

J'ai déjà signalé qu'un changement de politique par voie de règlement peut causer des problèmes. C'est bien la leçon qu'on a tirée de cette stratégie. Mais ma troisième conclusion c'est qu'en faisant la part trop belle à la réglementation, on risque de saper l'autorité du Parlement, et le président signalait tout à l'heure qu'il y a deux possibilités à cet égard. Il peut y avoir des règlements qui vont au-delà de la portée de la loi habilitante, mais généralement—et c'est, je crois, ce que nous a dit le ministère de la Justice—il existe des mécanismes qui préviennent un tel risque. En Ontario du moins, ainsi qu'à Ottawa, pour autant que je puisse voir, on vérifie la conformité des règlements avec leur loi habilitante.

• 0935

Je me préoccupe plutôt du cas inverse, à savoir que l'adoption de nouveaux règlements peut se heurter à toutes sortes d'obstacles, et j'en ai évoqué quelques-uns dans le cas de la Stratégie municipale et industrielle de dépollution. Si le Parlement est déterminé à protéger vigoureusement l'environnement, il doit l'indiquer très clairement dans la loi, à défaut de quoi on ne pourra rien faire au niveau réglementaire.

Je compléterai mon intervention par quelques commentaires sur les normes de gestion du processus de réglementation en me fondant exclusivement sur ma lecture du document. Je sais bien qu'en pratique, les documents de ce genre ne sont pas nécessairement suivis à la lettre et que par conséquent, ceux qui peuvent apparaître à première vue comme un problème se révèlent souvent moins importants en pratique. Cependant, à la lecture du document, je dois faire le commentaire suivant.

Il me semble que cette politique exige que tout projet de règlement soit soumis à un test coûts-avantages. On le constate à deux endroits. À la page 2 de la politique, si vous me permettez d'attirer votre attention sur ce passage, on voit au point 3 que «les organismes de réglementation doivent»—et la formulation est très contraignante—«s'assurer que, pour les Canadiens, leurs gouvernements et leurs entreprises, les avantages l'emportent sur les coûts.»

Par la suite, cet argument est explicité à la page 14. Vous voyez un paragraphe intitulé «analyse des avantages, des coûts et du fardeau réglementaire». Le passage qui a attiré mon attention est le suivant: «Il faut montrer que les avantages des exigences réglementaires l'emportent sur les coûts.» Et si ce n'était pas suffisant, on ajoute: «Lorsque les règlements visent la protection de la santé, de la société, de l'économie ou de l'environnement, il y a également lieu de montrer que les efforts sont consentis là où ils sont susceptibles de procurer les plus grands avantages.»

J'ai une grande expérience des analyses coûts-avantages. Avant d'arriver au gouvernement provincial, j'ai travaillé comme expert-conseil et je faisais beaucoup d'études de ce genre. J'ai étudié l'économie et je suis donc habilité à faire les commentaires suivants.

Je m'inquiète d'une exigence aussi astreignante dans le cas des règlements environnementaux pour les raisons suivantes. J'ai ici un acétate qui résume mon argumentation.

La méthode d'analyse des coûts et des avantages n'est pas transparente. Pour le comprendre, il faut avoir consacré un certain temps à l'étude de cette méthodologie. On ne peut se contenter de considérer simplement les avantages et les coûts, quelle que soit la démarche adoptée. La norme fixe à cet égard une exigence très onéreuse.

Elle tend à favoriser le statu quo, car normalement, dans une analyse coûts-avantages, on suppose que ceux qui vont bénéficier du règlement sont prêts à payer pour les avantages qu'ils en retireront, et on compare cet élément avec les coûts supportés par ceux que le règlement pénalise. Il faut donc toujours prouver que l'avantage est plus important pour ceux qui profitent du règlement. C'est comme si l'on prétendait que les avantages du règlement vont être vendus sur le marché, et que l'on se demande s'ils vont trouver acquéreur.

Par contre, on peut concevoir le test exactement inverse, même si c'est rarement la façon dont on procède. On pourrait interroger ceux qu'on envisage de réglementer—autrement dit, ceux qui contaminent l'environnement—et leur demander ce qu'ils sont prêts à payer pour avoir le privilège de continuer à polluer, auquel cas on demanderait à ceux qui subissent la pollution ce qu'ils sont prêts à accepter à titre d'indemnité. Mais ce n'est pas ainsi que l'on procède dans les analyses coûts-avantages concernant les règlements. Voilà pourquoi ces analyses ont tendance à favoriser les pollueurs, et non pas ceux qui subissent les conséquences de la pollution.

• 0940

Comme l'analyse coûts-avantages applique dans presque tous les cas le test de la disposition à payer, elle favorise les personnes à revenu élevé, car ceux qui sont prêts à payer ont généralement les moyens. Pour prendre un exemple hypothétique, si l'on a le choix entre la protection d'un lac fréquenté par des pêcheurs à faible revenu et la protection d'un autre lac fréquenté par des pêcheurs à revenu élevé, l'application de la même méthode vous fera opter en faveur de la protection du lac fréquenté par les pêcheurs à revenu élevé. Voilà comment s'applique le principe.

L'analyse coûts-avantages se préoccupe d'efficacité et essaye de déterminer les cas où les avantages l'emportent sur les coûts, alors que la protection de l'environnement pose souvent des questions d'équité, de droit et de justice. L'analyse coûts-avantages convient très mal pour la prise en compte de telles considérations.

Finalement, je voudrais ajouter que dans un pays où l'on a délibérément retiré les soins de santé du domaine de l'économie de marché, en ce sens que l'on n'applique pas les tests du marché pour décider si un patient a droit à des soins, on peut se demander s'il est bien approprié de réintroduire ce critère du marché pour la réglementation environnementale, surtout que ses principaux avantages concernent souvent la santé.

Pour toutes ces raisons, je suis très étonné de voir le gouvernement adopter une politique officielle qui assujettit l'adoption de la réglementation environnementale au critère de l'analyse coûts-avantages.

Je voudrais vous quitter sur un dernier commentaire. Malgré mes critiques à l'endroit de la méthode de l'analyse coûts-avantages, je crois qu'elle peut jouer un rôle positif en donnant une orientation et des indications utiles dans certaines situations; c'est là un point de vue que partagent de nombreux économistes. Je vous renvoie à ce propos à un article publié dans le magazine Science en 1997. J'en ai ici quelques exemplaires. C'est un article de Kenneth Arrow, lauréat du Prix Nobel d'économie, et il a pour cosignataires un certain nombre d'éminents spécialistes, qui reprennent le même argument. Ils disent par exemple:

    Les organismes devraient être tenus d'effectuer des analyses coûts-avantages avant de prendre des décisions importantes, et ils devraient expliquer pourquoi ils ont choisi des mesures à propos desquelles des éléments de preuve irréfutables indiquent que les avantages escomptés sont sensiblement inférieurs aux coûts escomptés, mais le critère de l'analyse coûts-avantages ne devrait pas avoir de caractère obligatoire pour les organismes.

On y trouve un certain nombre d'autres affirmations du même genre.

Voilà ce que je voulais dire, et j'espère que cela vous sera utile.

Le président: Monsieur Victor, vous pouvez ajouter à vos cinq excellents arguments une sixième affirmation, à savoir qu'il est beaucoup plus facile, dans une analyse coûts-avantages, de chiffrer les coûts que les avantages; j'invite ceux qui en douteraient à soumettre le fait d'élever un enfant à une analyse coûts-avantages.

Nous avons le temps de faire un premier tour de questions avant 10 h 30; on en fera un deuxième après le vote, si chaque député essaye de s'en tenir à cinq ou six minutes par question, de façon qu'on puisse faire un tour complet.

Monsieur Gilmour, suivi par Mme Kraft Sloan.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Je ne sais pas vraiment de quel domaine relève ma question. Au cours de la dernière législature, l'ancien projet de loi sur la protection de l'environnement n'a pas été adopté et on y a apporté un certain nombre de changements. Est-ce le ministère qui en décide? Qui décide de modifier l'ancienne loi et de faire aboutir les démarches? Pouvez-vous nous dire en quoi le projet de loi actuel est préférable à celui qu'on a présenté pendant la dernière législature?

M. Harvey Lerer: Eh bien, monsieur Gilmour, c'est grâce à l'attention portée, à la concertation et aux délibérations tenues par le Parlement. Nous consultons constamment les intervenants et nous suivons attentivement les débats parlementaires. Entre les présentations des projets de loi C-74 et C-32, nous avons consulté un certain nombre de personnes, nous avons reçu les amendements que le gouvernement envisageait de présenter à ce comité lors de l'étude article par article. Nous avons eu l'occasion d'apporter des changements, que nous avons ensuite soumis au Parlement.

• 0945

M. Bill Gilmour: Monsieur Victor, vous avez parlé de la volonté exprimée par le gouvernement ou le Parlement. Quelle est cette volonté en ce qui concerne la LCPE? Est-elle suffisamment forte? Où la voyez-vous apparaître?

M. Peter Victor: Je ne peux prétendre être très bien informé sur la LCPE, c'est pourquoi j'hésite à vous donner une réponse. Ce que j'ai voulu dire dans mon commentaire, c'est qu'il faut bien faire la part des choses entre ce qui doit figurer dans la loi et ce que l'on va confier à l'autorité de réglementation; il faut indiquer très clairement dans la loi quelle sera la portée des règlements d'application. Pour reprendre l'exemple de la Stratégie municipale et industrielle de dépollution, si l'on estime que les industries ne doivent déverser aucun produit toxique dans l'environnement, il faut le dire dans la loi. Le règlement pourra traiter des détails. Je ne connais pas le contenu de l'ébauche de la LCPE, mais en tout cas, voilà le genre d'énoncé qui me semble souhaitable.

M. Bill Gilmour: Les autres témoins peuvent-ils dire si dans sa version actuelle, la LCPE est formulée en termes suffisamment vigoureux pour qu'on puisse espérer des règlements concis, ou si au contraire elle est trop vague?

M. Harvey Lerer: Je crois que le projet de loi dont vous êtes saisis est suffisamment ferme pour qu'on puisse rédiger des règlements d'application très précis et concis.

M. Bill Gilmour: Ce point de vue est-il partagé par les autres ministères?

Mme Jody Aylard: Je ne peux me prononcer sur la teneur du projet de loi.

M. Bill Gilmour: C'est tout pour l'instant, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Gilmour.

Madame Kraft Sloan, s'il vous plaît.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): J'ai une série de questions à poser. Tout d'abord, restons sur la question de la clarté, qui vient d'être soulevée. Le préambule de la LCPE indique que la prévention de la pollution constitue l'un des principes fondamentaux du projet de loi. Or, un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le comité nous ont dit que la prévention de la pollution n'apparaît pas vraiment dans la loi au plan opérationnel, et qu'il y est plutôt question de contrôle de la pollution. À titre d'exemple, on cite la définition de la quasi-élimination.

D'après ce qu'ont dit certains témoins, il me semble donc que la loi manque de précision et qu'il y a contradiction entre le préambule et le corps du projet de loi. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

M. Harvey Lerer: Je pourrais peut-être commencer. Le principe de la prévention de la pollution est indiqué dans le préambule, comme vous l'avez dit, de même que le principe de prudence. On trouve tout au long du projet de loi des énoncés comme celui qui figure à l'article 65, je crois, où il est question non seulement de danger mais également de danger imminent ou de menace imminente, ce qui permet de prendre des mesures en cas de soupçons. Je pense donc que la prévention de la pollution et le principe de prudence sont énoncés efficacement dans le projet de loi par des affirmations de ce genre. Voilà un exemple que je peux vous donner.

Mme Karen Kraft Sloan: Il est possible que de telles affirmations existent dans le projet de loi. Cependant, il y en a d'autres qui l'éloignent d'une véritable prévention de la pollution, d'après ce que des témoins ont dit au comité. Il y a là une forme de contradiction quant aux objectifs du projet de loi. Je ne fais que répéter ce que nous ont dit des témoins.

M. Harvey Lerer: Vous m'excuserez, mais vous n'avez pas posé de question.

Mme Karen Kraft Sloan: Ce n'est pas un problème.

Je voudrais revenir à la page 2 du guide sur la politique de réglementation. On y parle des avantages qui doivent l'emporter sur les coûts pour les Canadiens, leurs gouvernements et leurs entreprises. Dans une autre partie consacrée à l'économie, il est question des coûts pour les entreprises et du respect des ententes intergouvernementales.

• 0950

En ce qui concerne la page 14, le doyen, M. Victor, a signalé que lorsqu'on étudie les risques pour l'environnement et pour la santé, il faut s'assurer que l'effort de réglementation porte sur les domaines où il est susceptible de produire les meilleurs avantages. On fait référence aux ressources limitées du gouvernement, mais en tant que parlementaire, je tiens toujours compte du fait que pour le gouvernement, l'objectif ultime est la santé et le bien-être des Canadiens. Lorsque je vois des exigences de politique... lorsque les organismes de réglementation doivent prendre de telles précautions, rien n'indique, à mon avis, qu'il faille préserver ou améliorer la santé des Canadiens et de leur environnement naturel.

Il est donc beaucoup question des coûts, des coûts pour l'industrie, mais pas pour ce qui est de l'environnement et de la santé. Je me demande comment cette politique a été élaborée et énoncée dans ce guide. Je me demande pourquoi on a omis d'y inclure le maintien de certaines normes de santé ou d'hygiène du milieu. N'est-ce pas ce que le gouvernement est censé faire?

Mme Jody Aylard: Je pourrais peut-être commencer à répondre. La première page indique certainement que les activités du gouvernement en ce qui concerne la réglementation de la santé, de la sécurité et de la qualité de l'environnement s'intègrent dans ses responsabilités, son obligation de veiller sur l'intérêt public et cela fait donc partie, je pense, de l'énoncé de la politique de réglementation.

Pour ce qui est de l'évaluation des coûts et avantages, la politique envisage de les mesurer tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif. Il s'agit d'évaluer à la fois les conséquences qualitatives et quantitatives de toute initiative de réglementation avant de prendre une décision et c'est ainsi que la politique envisage l'analyse des coûts et avantages. Chaque ministère doit toutefois adopter sa propre méthodologie en fonction des objectifs stratégiques qu'il tente d'atteindre au moyen d'une mesure législative. Je ne peux pas dire comment Environnement Canada procède à son analyse des coûts et avantages, mais ce n'est pas seulement une question de chiffres.

Mme Karen Kraft Sloan: L'énoncé de politique qui figure à la page 1 ne s'apparente-t-il pas au préambule d'une loi, et ne doit-il pas être suivi d'un énoncé des obligations? J'aurais davantage confiance dans ce processus s'il y était dit que le principal objectif est d'assurer la santé et le bien-être des Canadiens. Cela ne figure pas ici.

C'est peut-être ce qui se passe, mais la lecture de ce document ne me rassure pas beaucoup. On semble beaucoup insister sur le fait que toute mesure prise au nom de la santé des Canadiens, de leur bien-être et de l'environnement doit s'accompagner d'un minimum d'interventions et du coût le plus bas possible. Lorsqu'il y a des coûts à court terme et à long terme, ce n'est pas toujours mesuré et pondéré comme il faut.

Pour ce qui est de l'analyse coûts-avantages, vous dites que chaque ministère a sa propre méthodologie. Je me demande comment vous tenez compte des coûts sur le plan de la santé, de l'environnement, etc. Quelqu'un peut-il en parler? Comme notre président l'a souligné, ce sont des choses très difficiles à quantifier. Vous avez parlé de mesures qualitatives et je me demande quelle est l'approche adoptée ici.

M. Harvey Lerer: Cela peut paraître un peu simpliste, mais notre approche est celle qui donne des résultats.

Ce sont parfois des analyses quantitatives, mais toujours. Nous nous sommes fixé un objectif pour ce qui est de la protection de l'environnement et de la santé et nous procédons à ces analyses. Ce sont parfois des analyses économiques et très souvent des analyses mixtes. L'analyse économique pourrait consister, par exemple, à établir quel sera le coût de refabrication d'un produit donné. Mais pour ce qui est d'établir des objectifs, cherchons-nous à quantifier la valeur de l'environnement pour les Canadiens? Non. Il s'agit d'une valeur inhérente fixe. C'est la même chose pour ce qui est de la santé. Nous ne faisons pas d'analyses actuarielles des avantages sur le plan de la santé, contrairement aux compagnies d'assurances.

• 0955

Par conséquent, pour ce qui est de la politique, faisons-nous des analyses coûts-avantages? Certainement. Sont-elles toujours quantitatives? Cherchons-nous à les faire de façon quantitative? La réponse est non.

Mme Karen Kraft Sloan: De quelle façon le principe de prudence s'intègre-t-il dans les exigences de la politique qui sont énoncées à la page 2?

Mme Jody Aylard: Je pense que la politique et le principe de prudence, tel que je le comprends, ne présentent aucune contradiction. La politique reconnaît que si l'on détermine qu'il existe un risque ou un problème, l'intervention du gouvernement est justifiée. Si le ministère veut proposer un règlement, cela justifie son intervention.

Le président: Pourriez-vous nous dire où le principe de prudence est mentionné dans ce document?

Mme Jody Aylard: Le principe de prudence comme tel n'est pas mentionné, mais à la page 2 de la politique, la première exigence porte que les organismes de réglementation doivent démontrer qu'il existe un problème ou un risque.

Le président: Et alors? Cela n'a rien à voir avec le principe de prudence, à moins que vous n'en ayez pas la même définition.

Madame Kraft Sloan, je suis désolé d'empiéter sur votre temps de parole.

Mme Karen Kraft Sloan: Non, non, c'est très bien.

Mme Jody Aylard: Tel que je comprends le principe de prudence, ceci n'empêche pas d'invoquer le principe de prudence pour procéder à la réglementation.

Le président: Le fait qu'il ne soit pas interdit de l'invoquer ne veut pas dire qu'il en soit fait mention.

Mme Jody Aylard: Non, ce n'est pas ce que je voulais dire.

Le président: Il y a une grosse différence entre les deux.

Mme Jody Aylard: Oui. Je n'ai pas laissé entendre que ce principe était intégré dans notre politique.

Mme Karen Kraft Sloan: Je voulais seulement ajouter que, si l'on examine la première exigence, cela n'interdit pas d'appliquer le principe de prudence, mais ce libellé peut quand même présenter un obstacle. Le libellé n'est pas clair. Quand vous dites qu'il faut démontrer l'existence d'un problème ou d'un risque, cela peut être très discutable. Il serait utile d'inclure les mots «principe de prudence», comme le président l'a souligné, quelque part dans ce document.

Le président: Monsieur Laliberte, s'il vous plaît.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Cette question suscite beaucoup d'intérêt et il s'agit là d'un processus d'apprentissage. C'est une sorte de cours «règlement 101» et vous devez vous familiariser avec ce processus avant de le mettre en place.

Vous mentionnez les critères juridiques. Où se situent les définitions et l'interprétation?

M. Jacques Desjardins: En fait, pour ce qui est des définitions et de l'interprétation, elles interviennent lorsque vous analysez les fondements juridiques. Tout d'abord, chaque article de chaque règlement doit être autorisé par l'autorité habilitante. Mais quand vous analysez ces dernières, vous devez vous reporter à tout le contexte de la loi. Vous devez avoir une bonne idée de la loi dans son ensemble. Et pour cela, vous devez vous servir des définitions et de l'interprétation.

M. Rick Laliberte: Merci. Pour en revenir à l'exposé d'Environnement Canada, il est dit au deuxième paragraphe que «la science joue un rôle clé».

M. Harvey Lerer: Oui.

M. Rick Laliberte: La LCPE contient une terminologie assez étrangère au processus suivi jusqu'ici par Environnement Canada, si j'ai bien compris. Le principe de prudence en est un exemple—il s'agit d'un nouveau principe—de même que la quasi-élimination ou encore la définition de la toxicité. Quel est le rapport avec la science? Si vous prenez le principe de prudence, cette façon de procéder mène à l'édulcoration des données scientifiques.

• 1000

M. Harvey Lerer: Si j'ai bien compris votre question, monsieur, je ne vois pas comment le principe de prudence édulcore le besoin de données scientifiques exactes et précises.

Le principe de prudence signifie pour moi que nous n'attendrons pas d'avoir des données scientifiques complètes, des certitudes scientifiques, avant d'envisager les mesures qui s'imposent. La science sur laquelle se fonde toute intervention est exacte et complète en soi. Mais nous n'attendrons pas d'avoir la totalité des données scientifiques, de tout comprendre, si l'on a de bonnes raisons de croire qu'un danger existe. Je ne vois donc pas de contradiction entre la nécessité d'obtenir des données scientifiques précises et le principe de prudence.

Ai-je bien compris votre question, monsieur?

M. Rick Laliberte: Oui. Cela revient à dire que le principe de prudence porte sur les mesures rentables, ce qui nous ramène à l'énoncé de M. Victor sur les analyses coûts-avantages.

Comme vous le dites, le principe de prudence est bon pour la personne qui a l'argent. C'est cette personne qui fait l'objet de votre analyse visant à déterminer les risques ou les avantages pour elle. L'industrie joue un rôle clé dans ce cas-ci. On peut donc dire que le préambule souligne le principe du pollueur-payeur. Je parle donc de choses liées au préambule.

Ma question est la suivante: Une fois les travaux terminés, quels résultats a-t-on obtenus? Ces principes valent-ils la peine... dans la LCPE, ou faut-il alors...?

Pour ce qui est de la quasi-élimination, on parle dans le préambule de prévention de la pollution, puis de contrôle et de gestion. Le contrôle et la gestion semblent définir la quasi-élimination. On ne parle pas d'interdiction, mais ne faudrait-il pas parler d'interdiction ou d'élimination totale avant de parler de quasi-élimination? L'objectif devrait-il être l'élimination totale d'abord, puis, si l'on ne l'atteint pas, si la flèche frappe trop bas, on peut alors dire qu'il y a eu quasi-élimination? Mais l'objectif devrait être d'éliminer la toxicité de toutes les substances.

M. Harvey Lerer: Ce sont là des possibilités d'action qui s'offrent.

L'une d'elles consisterait en une interdiction absolue prévue par la réglementation. Des mesures de ce type ont été prises. L'étape suivante que l'on peut envisager serait de s'assurer que rien n'est rejeté dans l'environnement, ce qui représente essentiellement la quasi-élimination. La troisième possibilité est un système de gestion qui est instauré de façon à s'assurer que les risques sont réduits à un point tel qu'il n'y a aucun danger ou tort imminent.

Ce sont donc là trois mesures que le projet de loi nous permet de prendre. Il y a, dans la loi actuelle ainsi que dans d'autres mesures législatives du Parlement, des exemples de situation où ces trois mesures ont été mises en vigueur.

M. Rick Laliberte: Si je peux lire entre les lignes de l'exposé de M. Victor, pour ce qui est de l'autre aspect de la création d'un projet de loi, je pense que vous avez laissé entendre que la volonté du gouvernement est d'une importance capitale. Il ne sert à rien de rédiger un projet de loi si le gouvernement ne veut pas...

Mais comment évaluer cela? Appartient-il au ministère d'interpréter cela, ou vous attendez-vous que le comité soit celui qui prenne la mesure de la volonté du gouvernement? Sommes-nous chargés de cette responsabilité, d'aller jusqu'à la limite pour savoir dans quelle mesure ce gouvernement est prêt à agir?

M. Peter Victor: Ce que j'envisage, c'est une situation où la mesure législative est adoptée et où les fonctionnaires doivent cesser de travailler à la préparation des règlements. C'est alors là que tout va se jouer pour certains éléments de la LCPE. L'efficacité avec laquelle ils pourront travailler à la préparation de ces règlements, surtout dans un climat où de nombreuses consultations seront nécessaires, dépend beaucoup du texte législatif.

• 1005

Dans certaines mesures législatives environnementales, on prévoit des interdictions qui permettent, par exemple, que des entreprises ou des municipalités qui polluent soient tenues responsables, même si elles ne contreviennent pas à un règlement. C'est une possibilité. Toutefois, si l'interdiction n'est pas inscrite, la seule chose qui compte sera ce qui figure dans le règlement.

Si la loi offre un énoncé clair qui est considéré comme représentant la volonté du Parlement, ce que c'est d'ailleurs, on peut beaucoup plus facilement négocier certains règlements que si le principe n'est pas clairement énoncé. C'est la meilleure réponse que je puis vous donner.

Si vous permettez, j'aimerais revenir à votre question. Cela nous ramène également à une question que le président a soulevée lorsqu'il a dit qu'il est d'habitude beaucoup plus facile d'évaluer les coûts que les avantages. Il faut également ajouter à cela que beaucoup des renseignements que l'on obtient lorsqu'on évalue les coûts proviennent des entreprises. Il est difficile d'obtenir ailleurs les renseignements nécessaires.

Si l'on assujettit un règlement à une analyse coûts-avantages et si l'on obtient beaucoup de renseignements sur les coûts auprès des entreprises, vous imaginez bien le genre de renseignements qu'il s'agit. Il y va de leur intérêt. Elles auront plutôt tendance à vous dire que le respect de cette disposition coûtera cher. On discute avec des entreprises d'un règlement que l'on entend présenter dans le cadre d'un processus politique. Or, ce sont elles qui fournissent les données sur le coût. Elles sont donc bien susceptibles de vous dire que c'est plus coûteux à respecter que vous ne le pensez.

Par ailleurs, on dispose de bien peu d'information sur les avantages. Il ne sera donc pas facile de procéder à une analyse coûts-avantages pour un tel règlement. Il faut donc que la loi même prévoie certaines mesures contraignantes, faute de quoi vous risquez de vous retrouver avec un règlement très faible ou même avec une absence totale de règlement.

Le président: Monsieur Laliberte, une dernière question.

M. Rick Laliberte: Plus vous traitez de cette analyse de coûts-avantages... il y a un trait d'union, un trait d'union bien clair. Il s'agit bien d'une analyse des avantages et des coûts.

M. Peter Victor: Exactement.

M. Rick Laliberte: Donc, dans le principe de prudence, on parle de retarder les mesures de coûts-efficacité. Peut-être faudrait-il que cela soit également pris en compte; il faudrait parler de mesures de coûts-avantages et de coûts-efficacité. Cela permet d'équilibrer les deux aspects.

M. Peter Victor: Parfaitement.

Le président: Merci, monsieur Laliberte.

[Français]

Je cède la parole à M. Charbonneau, puis au président, à moins que d'autres députés soient prêts à poser des questions.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): J'aimerais poser une question qui tire son origine de la politique de réglementation. Je voudrais parler en particulier de cette partie de la politique où on fait état des six exigences de la politique. C'est surtout la sixième qui a attiré mon attention. On y dit que les organismes de réglementation doivent démontrer:

    6. que des systèmes sont en place pour gérer efficacement les ressources de la réglementation; en particulier, les organismes de réglementation doivent s'assurer:

Je voudrais m'arrêter au troisième point:

    - que des ressources ont été approuvées ou sont suffisantes pour s'acquitter efficacement des responsabilités en matière d'application des règlements et pour permettre l'observation de règlements lorsque ces derniers s'appliquent au gouvernement.

Est-ce que l'organisme responsable de la politique de réglementation doit s'assurer auprès du ministre des Finances ou du Conseil du Trésor que les ressources appropriées sont prévues pour l'application des règlements lorsque ceux-ci s'appliquent au gouvernement? Par exemple, dans le cas de certains règlements, les ministères doivent faire la preuve qu'ils se conforment au règlement en matière d'environnement ou de gestion des déchets dangereux. Quelle est la portée exacte de cette exigence?

• 1010

Est-ce que l'organisme responsable de la politique de réglementation doit, par exemple, prendre note du rapport que notre comité a produit il y a quelques mois et qui fait la preuve qu'il est bien loin d'avoir les ressources nécessaires en matière d'environnement pour appliquer les règlements convenablement? Le vérificateur général était aussi d'avis que nous n'avions pas les ressources. Est-ce que vous devez prendre note de cela lorsque vous préparez de nouveaux règlements? Quelle est la portée de cela? Il me semble que cette portée est très, très large, selon la première lecture que j'en fais.

[Traduction]

M. Harvey Lerer: Devons-nous nous demander si nous pourrons ou non nous acquitter de nos obligations une fois la réglementation adoptée? Sans équivoque, la réponse est oui. Votre rapport a fait état de ce que le comité considère comme des carences et, si je ne m'abuse, le gouvernement répondra à ce rapport en octobre.

Pour répondre à votre question précise, à savoir si le ministère doit s'assurer qu'il est capable de faire respecter les règlements qu'il propose, la réponse est oui.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Mais le vérificateur général a émis des commentaire à cet égard. Le commissaire à l'environnement et au développement durable a fait savoir qu'il y avait beaucoup de lacunes du côté des ressources et des tarifications de règlement. Comment peut-on à la fois dire que les organismes de réglementation se sont assurés qu'il y avait des ressources et constater qu'il y a peu de ressources ou des ressources qui diminuent constamment?

[Traduction]

M. Harvey Lerer: Désolé, je ne connais pas les détails du rapport du vérificateur général sur le respect des dispositions. Je ne participe pas non plus à la préparation de la réponse au rapport du comité. Si je comprends bien, le rapport a porté à l'attention du gouvernement l'existence possible de certaines difficultés. Je ne connais pas les détails, et je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à ces questions.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Si je comprends bien, vous êtes en train de répondre aux observations de notre comité. Vous êtes en train de préparer la réponse à notre rapport, mais vous n'avez pas en tête les commentaires faits par le commissaire à l'environnement ou le vérificateur général.

[Traduction]

M. Harvey Lerer: Non, je ne voulais pas vous donner cette impression. Ce que je vous dis, c'est que je ne connais pas bien les observations du vérificateur général sur les mesures d'application ni la réponse que le comité recevra au sujet de son rapport. Je n'ai simplement pas compétence pour répondre.

Le président: Nous passons maintenant à M. Casson. Je poserai ensuite mes questions.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser ma question à Jody Aylard. Elle porte sur le résumé de l'étude d'impact de la réglementation. Vous dites que les fonctionnaires doivent préciser comment ils ont fait leurs analyses, à qui ils ont parlé, qui ils ont consulté et qui sont les intervenants qui ont participé. Nous avons entendu un bon nombre de témoins nous dire qu'ils n'ont pas été satisfaits de leur participation au processus de consultation.

Si, dans le résumé de l'étude d'impact de la réglementation, on indique qu'il y a eu certaines lacunes dans l'élaboration de la politique, quel est le processus qui en découle? Si l'on dit clairement que certaines méthodes n'ont pas été entièrement respectées, qu'arrive-t-il? La réglementation est-elle renvoyée? Le ministère conseille-t-il qu'elle soit révisée? Qu'arrive-t-il?

Mme Jody Aylard: S'il y a manifestement eu manque de renseignements, nous travaillons avec les ministères pour tâcher de corriger la situation. En définitive, les ministres ne vont pas approuver une réglementation s'ils ne disposent pas de tous les renseignements nécessaires sur lesquels fonder leur décision.

M. Rick Casson: Ainsi, si vous repériez une lacune, vous la signaleriez au ministre.

Mme Jody Aylard: Nous la signalerions au ministère.

• 1015

M. George Redling: J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, que le règlement prévoit une procédure de publication préalable, et je crois comprendre que vous faites allusion à deux éléments. D'abord, le ministère peut tenir une première consultation pour connaître l'avis des groupes d'intervenants. Il y a aussi l'étape de la publication préalable, où tous les groupes ont la possibilité de réagir au projet de règlement. Les fonctionnaires analyseraient les résultats des deux consultations afin de cerner la position des intervenants et afin de déterminer si la consultation a été suffisante et si la position adoptée par la suite est équilibrée.

M. Rick Casson: Ainsi, les intervenants doivent faire connaître leur position de leur propre initiative sans avoir reçu de demande officielle de la part du ministère?

Mme Jody Aylard: La publication préalable fait partie intégrante du processus de consultation et tous les documents sont rendus publics à cette étape-là, bien que la plupart des ministères entreprennent leurs consultations bien avant cette étape-là. Cependant, c'est à ce moment-là que le projet de règlement lui-même est publié ainsi que le résumé de l'étude d'impact de la réglementation, et tous les renseignements remis aux ministres sont rendus publics afin que les parties intéressées puissent prendre connaissance de l'information présentée aux ministres.

M. Rick Casson: Ainsi, si des témoins viennent nous dire qu'ils n'ont pas été consultés ou qu'ils n'ont pas pu participer au processus; ils sont en partie responsables du fait qu'ils n'ont pas pris l'initiative de demander à être entendus.

Mme Jody Aylard: Oui. Ils ont un rôle dans le processus, absolument, mais aussi une responsabilité.

M. George Redling: Le processus est censé être transparent et la publication préalable doit contribuer à assurer cette transparence afin que tous les intervenants puissent analyser les projets de règlement et faire connaître leurs réactions. Ainsi, les intervenants doivent se renseigner et réagir comme bon leur semble.

M. Rick Casson: C'est bien. Merci, monsieur le président.

Le président: Avant de passer au deuxième tour de table, j'aimerais faire quelques commentaires. Après avoir relu ce document, il me semble—et mes commentaires s'adressent surtout aux fonctionnaires du Conseil du Trésor—que ce document n'est guère équilibré.

Il me semble que ce serait plus convaincant si à la page 7, en plus des obligations énumérées au no 1, on avait aussi inclus d'autres obligations. Qu'en est-il de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique? Qu'en est-il de la Convention de Bâle? Qu'en est-il du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, etc.? Les obligations mentionnées au no 1 sont essentiellement univoques. Elles concernent à toutes fins utiles uniquement le commerce. Ainsi, j'estime que la crédibilité du document est plutôt douteuse.

En ce qui concerne le no 2 il me semble—et cela se rattache au premier point—qu'il n'est nullement mention dans ce document de valeurs environnementales. Il n'est pas question de valeurs environnementales. Vous pouvez lire le document aussi attentivement que vous le voulez, puis la page 2, point no 1, mais il faudrait énormément d'imagination pour y retrouver ne serait-ce qu'une mention oblique du principe de la prudence. Il n'en est nullement question dans tout le document. Il n'est pas non plus question de développement durable. Il n'est pas question de prévention de la pollution.

Je le répète, on remarque cette absence de toute une autre dimension de la question, à savoir l'environnement et le développement durable, malgré l'engagement pris par l'ensemble du gouvernement et exprimé lors d'une déclaration publique signée par le premier ministre et les membres du Cabinet en 1995 à l'époque où l'on préparait ce document. On pourrait croire que le Conseil du Trésor fonctionne à l'intérieur d'une bulle, totalement isolé des engagements pris par le gouvernement du jour, un engagement ferme au développement durable.

Troisièmement, on ne peut s'empêcher de conclure que ces documents reflètent les intérêts du secteur des affaires et non pas l'intérêt public. Mes collègues ont déjà analysé et exprimé certaines des raisons qui expliquent pourquoi il est si difficile de préparer une analyse coûts-avantages qui tienne compte de l'intérêt public.

• 1020

Quand vous faites une analyse coûts-avantages, comme vous le faites à la page 12, quatrième paragraphe, quel sera l'horizon retenu? Le long terme ou le court terme? Je vous pose cette question parce que lorsque vous faites une analyse pour le court terme, vous obtenez des conclusions tout à fait différentes de celles que vous obtiendriez si vous faisiez l'analyse pour le long terme.

Le principe de la prudence sera-t-il inclus dans l'analyse coûts-avantages? Et comment, comme nous l'a déjà dit M. Victor, pouvez-vous obtenir une analyse coûts-avantages satisfaisante et fiable quand—et c'est le cinquième paragraphe—les soins de santé ne sont pas fonction des signaux du marché? C'est un point très important puisque vous n'avez pas suffisamment de données pour inclure les coûts liés à la santé. Ils sont extrêmement difficiles à déterminer pour certaines conditions épidémiologiques, notamment l'asthme ou les admissions à l'hôpital en raison du smog et des niveaux élevés de pollution.

Maintenant si vous me le permettez, j'aimerais me reporter au cinquième paragraphe au haut de la page 13. Permettez-moi de demander qui déterminera ce qui est essentiel? Qui déterminera ce qui entraîne les coûts les moins élevés possible? Quelle est cette instance? Quelle sera la source de cette sagesse? Comment peut-on être objectif lorsque l'on s'acquitte de ce mandat en particulier? Comment peut-on déterminer ce qu'est le coût le moins élevé possible pour l'installation d'un feu de circulation? Quel est le coût d'un feu rouge? Est-ce que cela représente le coût le moins élevé possible pour l'entité réglementée? Non. C'est un coût, certainement. Mais ce feu empêche que le sang ne soit répandu partout et vous installez ce feu de circulation parce que vous appliquez vraisemblablement le principe de la prudence. Vous ne réalisez pas une analyse coûts-avantages quand vous installez un feu de circulation ou une barrière à un passage à niveau.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Une bosse antivitesse.

Une voix: Un pendule avertisseur.

Le président: Un pendule avertisseur? On les installe parce que l'on suppose que dans un cas sur un million, il pourrait y avoir perte de vie humaine sans ce feu de circulation. Et quel est le coût de cette vie humaine? Quelqu'un peut-il le dire?

Alors vous voyez, il y a quelques autres lacunes dans ce document, et pas uniquement en ce qui a trait à sa mise en oeuvre. Comme vous le constatez, je n'ai pas beaucoup de questions à poser, je ne fais que formuler quelques observations. Ce document n'est pas équilibré dans son préambule, dans ses exigences. Il ne comporte aucune valeur environnementale lorsqu'il s'agit de l'élaboration de la politique et de l'analyse. Il fait beaucoup de place à l'analyse coûts-avantages, dont la valeur est remise en question par de nombreuses personnes.

L'expérience nous a montré que lorsque l'on s'en tient au court terme, l'analyse coûts-avantages donne des résultats diamétralement opposés à ceux que l'on obtiendrait en faisant une analyse pour le long terme. Le développement durable, comme politique adoptée par ce gouvernement, prend pleinement en compte l'importance et la valeur du long terme. Voilà l'essence même du développement durable. Autrement, on n'utiliserait pas l'adjectif «durable».

• 1025

Or, comment pouvons-nous utiliser des instruments, ou des projets d'instrument, version révisée de novembre 1995—qui ne reflètent pas parfaitement la politique adoptée par ce gouvernement, à savoir la politique du développement durable? Je vous pose la question, comment pouvez-vous agir ainsi au Conseil du Trésor ou encore au Conseil privé? Voilà ma question.

Mme Jody Aylard: J'aimerais tout simplement préciser que chaque ministère s'inspire de cette politique dans le but d'atteindre les objectifs des lois qu'il a pour mandat d'administrer. La politique de réglementation vise à accorder une certaine souplesse aux ministères afin qu'ils agissent dans l'intérêt public sous réserve des directives et des objectifs qui sont les leurs. Alors, je comprends bien ce que vous dites mais...

M. Richard Foserooke (analyste principal, Affaires réglementaires, Secteur économique, Conseil du Trésor du Canada): J'ajouterais qu'il n'y a rien dans cette politique qui empêcherait d'avoir recours à des mécanismes comme la Convention de Bâle. Des règlements ont été approuvés l'année dernière, si je ne m'abuse, concernant le mouvement transfrontalier des BPC et il est évident qu'ils tenaient compte des obligations du Canada aux termes de la Convention de Bâle.

Donc, tout ce que vous avez mentionné, monsieur, peut à coup sûr être inclus dans cette politique...

Le président: Mais pourquoi n'est-ce pas inclus?

M. Richard Foserooke: C'est probablement parce que cela a été omis lorsque le document a été préparé mais je ne pense pas que c'était intentionnel. C'est vraisemblablement seulement une omission. L'essentiel à ce moment-là ou dans ce chapitre était d'attirer l'attention sur le fait que le Canada a des obligations qui découlent d'ententes commerciales internationales.

Mais d'autres choses ont été mentionnées. Je crois qu'il est question du fait que l'ALÉNA fait allusion à des mesures sanitaires et phytosanitaires et à la Convention sur la sauvegarde de la vie humaine en mer ainsi qu'à l'Organisation maritime internationale.

Il est évident que dans toute révision de cette politique, il faudrait tenir compte des points que vous avez soulevés.

Le président: Cette politique est-elle en vigueur ou non?

M. Richard Foserooke: Oh, certainement. Mais, comme je le disais, cela n'empêche pas de reconnaître ni d'inclure dans les règlements les points que vous avez indiqués.

Le président: Mais il est question ici de la façon dont vous appliquez actuellement cette politique et non pas du moment où vous réviserez ce document.

M. Richard Foserooke: C'est vrai, mais aujourd'hui, je le répète, il est question dans les règlements de nos obligations aux termes de la Convention Bâle.

Ce n'est donc pas exclu. Ce n'est pas parce que ce n'est pas mentionné dans cette politique—je suppose qu'il y a beaucoup d'autres ententes qui ne sont pas mentionnées dans cette politique—que les ministères ne sont pas tenus d'en tenir compte et d'y faire allusion lorsqu'ils préparent des règlements.

Le président: Peut-être alors, monsieur Foserooke, pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez eu la prévoyance d'inclure l'OMC dans les obligations générales, les OTC—obstacles techniques au commerce, l'ALÉNA, et l'Accord canadien sur le commerce intérieur, mais pas tous les autres. Pourquoi cette omission? Est-ce par hasard ou simplement une étourderie?

M. Richard Foserooke: Je n'étais pas là lorsque ce document a été rédigé mais je sais que dans d'autres versions de la politique de réglementation, on avait insisté sur les obligations du Canada dans les ententes commerciales, simplement pour alerter les ministères que lorsqu'ils préparent des règlements, ils doivent être au courant de nos obligations vis-à-vis de nos partenaires commerciaux. Mais, comme je le disais, cela n'exclut pas ce que vous avez dit et qui est très vrai.

Le président: Merci, monsieur Foserooke.

Le vote est dans un quart d'heure. Nous reprendrons dès que ce sera terminé. Nous aurons un deuxième tour de questions, et commencerons soit par Mme Kraft Sloan soit par M. Gilmour.

La séance est suspendue. Merci.

• 1029




• 1109

Le président: Messieurs dames les membres du comité, comme vous le savez, M. Gilmour a une motion à présenter et nous devons pour cela avoir le quorum. J'attendrai donc que nous ayons les huit membres requis. M. Gilmour nous a indiqué qu'il souhaite présenter sa motion aujourd'hui. Il veut demander que le nouveau sous-ministre comparaisse devant le comité d'ici environ un mois. Nous allons donc attendre d'être suffisamment nombreux pour débattre de la question.

Nous commençons le deuxième tour de questions afin de donner à ceux qui n'ont pas eu l'occasion de poser des questions au premier tour de le faire maintenant et de permettre à ceux qui n'avaient pas terminé de le faire aussi. Monsieur Gilmour, voulez-vous commencer?

M. Bill Gilmour: Merci, monsieur le président.

• 1110

Je vous interrogeais tout à l'heure sur la force de la loi dans le contexte d'une réglementation stricte. Avec tout le respect que je dois au directeur du Bureau de la LCPE, je suppose que vous répondrez que ça va très bien. Toutefois, j'aimerais que le Conseil du Trésor ou la Justice nous dise si à leur avis le libellé est suffisamment fort pour que l'on prenne des règlements stricts ou si au contraire il y a certains domaines dans lesquels le libellé pourrait être renforcé afin que les règlements puissent eux aussi être assez musclés. Cette réponse pourrait-elle être communiquée au comité dans les deux prochaines semaines?

M. Jacques Desjardins: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Ce que vous voulez que nous fassions, c'est d'examiner le pouvoir de réglementation—je répète ce que vous disiez afin de m'assurer d'avoir bien compris—pour voir si cela permet l'établissement de règlements musclés. C'est bien cela?

M. Bill Gilmour: Je reviens sur ce que disait M. Victor, à savoir que si le libellé du projet de loi est vague, la réglementation qui en découlera le sera aussi. Ce que j'aimerais donc que vous nous disiez, c'est si le libellé vous semble suffisamment précis pour qu'il puisse en découler un règlement solide.

M. Jacques Desjardins: D'accord.

M. Bill Gilmour: Le comité doit savoir si en fait certaines parties du texte devraient être renforcées ou modifiées de façon à ce que la réglementation qui va découler de ce projet de loi soit également ferme.

M. Jacques Desjardins: Très franchement, je n'ai pas étudié dans le détail le libellé du projet de loi C-32 et je n'ai pas participé à sa rédaction. Toutefois, d'après l'expérience que j'ai, ce n'est pas parce qu'un projet de loi n'est pas très précis que les règlements manqueront eux aussi de précision. En fait, les règlements doivent stipuler très clairement comment doivent se comporter les citoyens canadiens. Si vous avez un projet de loi très peu clair—et ce n'est pas l'adjectif que je devrais choisir, mais peut-être plutôt assez vague ou imprécis—cela ne veut pas nécessaire dire que la réglementation manquera aussi de précision. Les règlements devront être clairs.

M. Bill Gilmour: Monsieur Victor, vous pouvez peut-être donner votre avis. Je n'ai pas l'impression que l'on comprend ce que je j'essaie de dire.

M. Jacques Desjardins: Désolé.

M. Peter Victor: Je pense qu'il s'agit de plusieurs choses. Il faut considérer l'objet du projet de loi dans le contexte de la politique de réglementation. Ce n'est donc pas simplement une question de pouvoir de réglementation.

J'ai le texte sous les yeux. Il est question du gouverneur en conseil qui est habilité à prendre des règlements qui spécifient la concentration minimum, moyenne et maximum d'un contaminant. La question est de savoir si un tel règlement satisferait au critère énoncé dans la politique de réglementation, selon lequel il doit y avoir un avantage net pour les Canadiens. C'est là le dilemme. Beaucoup ont dit ce matin que cette politique est en fait appliquée de façon très souple, chaque ministère ayant sa propre méthodologie. Tout cela n'est pas indiqué dans la politique. Je ne doute pas que ce soit vrai, mais ce n'est pas indiqué. Tout ce que je dirais, toutefois, c'est que l'on a reconnu que cette politique est très stricte en ce qui concerne la réglementation environnementale qui viserait à limiter la concentration d'une substance.

Je suggérerais donc qu'avec des interdictions peut-être plus générales dans la loi elle-même, on ait plus de chance d'avoir des règlements plus stricts. D'après mon expérience pratique, nous avons certainement réussi à défendre une réglementation plus stricte lorsque nous avons pu nous appuyer soit sur un libellé clair soit sur une déclaration de principe claire. Nous parlons là d'une question assez complexe. C'est cette interaction entre la loi et cette politique de réglementation qui est en cause, ainsi que la façon dont cela va vraisemblablement fonctionner dans la pratique.

• 1115

M. Bill Gilmour: Merci.

Le président: Nous avons maintenant Mme Kraft Sloan, suivie de M. Lincoln, suivi à son tour de Mme Torsney.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.

Je voulais simplement revenir à la question de l'annexe A. Avant la pause, un des témoins a dit qu'il n'y aurait aucun problème à inclure la Convention sur la diversité biologique. Le titre est: «Obligation des organismes de réglementation en vertu des accords commerciaux».

À la page 10, il est question de contrôle et je cite:

    Le Secrétariat du Conseil du Trésor vérifie la conformité de toutes les propositions de réglementation à la politique du Conseil du Trésor et avise AECI et IC de toute violation possible des obligations du gouvernement en vertu des accords commerciaux.

Qui serait avisé s'il y avait des infractions par exemple à la Convention sur la diversité biologique ou à la Convention de Bâle?

M. Richard Foserooke: De façon générale, ce que nous essayons d'organiser dans le cas des grandes initiatives de réglementation, et d'ailleurs de la plupart de ces initiatives, c'est un genre de consultation interministérielle de façon à ce que, par exemple, le projet de règlement soit examiné par des représentants des ministères qui pourraient être touchés ou que cela pourrait intéresser. Les ministères sont également des intervenants.

Dans ce cas particulier, je crois qu'Environnement Canada ou Affaires étrangères et Commerce international, qui est chargé du commerce international et d'autres accords internationaux, seraient probablement les ministères qui seraient retenus à ce stade parce qu'il est évident que les gens du Conseil du Trésor ne peuvent pas connaître dans le détail toutes les politiques gouvernementales. En tout cas, je ne prétendrai personnellement jamais les connaître toutes.

Il revient ainsi aux intervenants, qu'il s'agisse d'autres ministères ou d'autres secteurs, comme le grand public dans bien des cas qui connaît très bien ce genre de choses, de nous donner leur avis. C'est à eux de nous dire ce qui pourrait poser des problèmes dans tel ou tel contexte. Et c'est alors porté à l'attention du ministère qui propose le règlement en question.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais pourquoi faites-vous particulièrement allusion aux ministères des Affaires étrangères et Commerce international et à Industrie Canada? Pourquoi ne diriez-vous pas les ministères appropriés ou touchés seraient avisés? Comme le disait tout à l'heure le président, on semble beaucoup insister sur les ententes et accords économiques et commerciaux sans pratiquement mentionner la santé, la politique sociale et la politique environnementale.

Il me semble que même si vous parlez de souplesse et d'un tas de choses à propos de ce guide, lorsque vous mettez cela devant quelqu'un de très occupé qui lit dans l'annexe A qu'il doit aviser le ministère des Affaires étrangères ou Industrie Canada s'il y a des risques d'infraction aux ententes internationales—cela ne lui rappelle pas pour autant qu'il doit aussi téléphoner à Environnement Canada ou à Santé Canada.

M. Richard Foserooke: Ma foi, vous avez peut-être raison. Je crois qu'il revient en particulier au ministère qui doit émettre le règlement d'aviser les autres ministères. À la page 13, que l'on vient de signaler, il est dit très clairement que: «il faut respecter entièrement les accords commerciaux internationaux et interprovinciaux pertinents».

Je dirais que la responsabilité revient aux ministères préparant les règlements. Ils doivent s'assurer qu'ils sont conformes soit à nos obligations en vertu d'accords commerciaux, soit à nos obligations liées aux langues officielles, ou encore à nos obligations concernant l'équité en matière d'emploi, nos obligations environnementales... Comme vous l'avez dit, il y a tout un éventail de politiques et d'obligations qui jouent sur la rédaction des règlements et il appartient au ministère qui prépare ces règlements de s'assurer que les différents accords et ententes sont bien respectés. Et si pour ce faire, il doit avoir recours à d'autres ministères, à d'autres intervenants, qu'il s'agisse de groupes de défense de l'environnement, de groupes du secteur privé, de municipalités—quiconque peut aider le ministère à rédiger ces règlements—il les informe parce quÂil y a beaucoup d'éléments en cause.

• 1120

Mme Karen Kraft Sloan: Pour revenir au chapitre sur le contrôle, qui prévoit les dernières vérifications nécessaires pour s'assurer que le ministère n'a pas négligé quelque chose, je vois AECI et Industrie Canada et nous pourrions continuer à discuter de la question.

Revenons maintenant à la page 3; au no 5, je lis: «que les accords intergouvernementaux ont été respectés et qu'on a tiré pleinement avantage des possibilités de coordination...», etc. On revient à l'annexe et on lit, si je ne m'abuse, à propos des accords: «...et autres accords conclus par le Canada...». Cela inclurait-il l'Accord d'harmonisation qui a été négocié par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à propos de la gestion de l'environnement—de l'inspection, du choix de normes, de l'évaluation de l'impact sur l'environnement?

M. Richard Foserooke: Nous le supposons, oui.

Mme Karen Kraft Sloan: Cela signifie-t-il que l'Accord d'harmonisation l'emporterait sur le pouvoir de réglementation prévu dans la LCPE?

M. Richard Foserooke: La loi l'emporte. Je crois que maintenant la LCPE l'emporte sur toute autre politique. S'il y a une loi, elle prime.

Mme Karen Kraft Sloan: Qu'arrive-t-il alors si l'agence décidait de faire quelque chose qui semblerait contraire à nos obligations dans le cadre de l'OMC?

M. Richard Foserooke: Il y aurait alors deux lois et dans ces circonstances, je crois que ce que l'on essaie de faire, si je peux faire appel à l'expérience du passé, c'est de trouver un compromis pour que les obligations imposées par les deux lois soient respectées.

M. Karen Kraft Sloan: D'accord, merci.

Le président: Vous pourrez avoir un troisième tour si vous le souhaitez.

Monsieur Lincoln, puis Mme Torsney.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): J'aimerais poser une question d'ordre général au sujet de l'incidence de la loi, avec ou sans règlement?

Conviendriez-vous que ce projet de loi, sans règlements, est en fait assez creux? Il paraît bien—il semble très long et c'est un beau document.

Prenez l'exemple de la Loi sur le MMT, qui à toutes fins pratiques, interdisait l'importation du MMT au Canada. Il est vrai que le gouvernement a pu, d'un seul coup sans revenir au Parlement, qui avait adopté la loi, l'abroger grâce à une petite échappatoire qui stipulait que sans règlements la loi n'a aucun intérêt.

Cela ne prouve-t-il pas que sans règlements ces lois ne signifient pratiquement rien?

M. Jacques Desjardins: Très franchement, je ne puis vous répondre dans ce cas particulier. Je ne connais pas suffisamment le projet de loi. Mais il y a des cas où...

M. Clifford Lincoln: Parlons du projet de loi sur le MMT.

M. Jacques Desjardins: Ma foi, je ne le connais pas non plus. Désolé.

M. Clifford Lincoln: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui est au courant?

M. Harvey Lerer: Non, je ne le connais pas non plus.

M. Jacques Desjardins: Mais il y a certains projets de loi—c'est rare mais cela arrive—qui ne s'appliquent qu'avec les règlements. Sinon, à toutes fins pratiques, ils ne servent à rien. C'est extrêmement rare.

Dans la plupart des cas, on peut organiser les choses jusqu'à un certain point et ce sont les détails qui figurent au règlement. Ceux-ci en fait comblent les lacunes. Dans la plupart des cas—et je me répète—l'essentiel peut être mis en application sans règlements.

M. Clifford Lincoln: N'est-il pas vrai que si vous considérez ce projet de loi ou beaucoup d'autres lois importantes, il est dans chaque partie question de règlements, sans exception?

• 1125

Je regardais simplement les articles sur l'application administrative. Dans ce cas, le gouvernement canadien s'efforce d'établir des normes nationales de qualité environnementale—«s'efforce». Il s'efforce de protéger l'environnement et la diversité biologique. Il s'efforce d'évaluer la toxicité de certaines substances.

Par contre, lorsqu'on en arrive aux ententes intergouvernementales, et notamment l'Accord d'harmonisation, il ne «s'efforce» plus; il «agit». Il ne s'agit plus de «s'efforcer». Il faut veiller à ce que les règlements fédéraux «sont considérés de façon complémentaire afin d'éviter le double emploi et d'assurer une protection efficace et globale»—il n'est plus question de «s'efforcer» là. Lorsqu'il s'agit de donner des informations, là, il s'efforce.

Par contre, aux termes du paragraphe 2 de l'article 2 sur l'application administrative, cette loi, qui était autrefois une loi globale, une loi horizontale, devient presque une loi secondaire, donnant au ministre de l'Environnement et au ministre responsable d'une autre loi le pouvoir de décider ensemble «si les mesures prévues par celle-ci sont adéquates et suffisantes pour régir la question.»

Je voudrais relier cela à la politique de réglementation de 1995. Considérant seulement un exemple, la coordination intergouvernementale:

    Les organismes de réglementation doivent chercher à savoir s'il existe déjà une réglementation dans ce domaine et quels ministères, organismes ou gouvernements elle implique. Ils doivent ensuite s'efforcer d'harmoniser la nouvelle réglementation avec la réglementation existante afin d'en accroître le plus possible l'efficacité et d'éviter les dédoublements [...] Il faut respecter entièrement les accords commerciaux, internationaux et interprovinciaux pertinents.

Vous devez également tenir compte de tous les obstacles qui ont été intégrés dans la nouvelle LCPE, comme la consultation sans fin des gouvernements provinciaux, l'Accord sur l'harmonisation des mesures environnementales, le fait que lorsque le gouvernement devrait faire quelque chose, on lui demande simplement de chercher à faire quelque chose; je demande combien il faudra de temps, dans le cadre de ce système, pour développer un cadre réglementaire pour la nouvelle LCPE. Est-ce que ce sera possible? Il faudra des années, compte tenu des mesures prévues dans la loi actuelle et dans la nouvelle loi, n'est-ce?

M. Harvey Lerer: J'essayerai de répondre à vos questions et commentaires dans l'ordre dans lequel vous les avez faits.

Si j'ai bien compris, la loi doit établir les objectifs visés, puis assurer l'habilitation et les pouvoirs nécessaires au processus réglementaire comme vous l'avez décrit. C'est l'objet de la loi.

Vous avez parlé du processus de consultation. Le fait est que cela prend du temps—je suis d'accord avec vous—il faut déterminer quelle sorte de consultation s'impose pour trouver la solution à un problème particulier ou atteindre les objectifs visés.

Quant à l'Accord sur l'harmonisation des mesures environnementales, l'harmonisation et l'offre de consulter les gouvernements et les autres intéressés, et non seulement les gouvernements, à mon avis, aucune des dispositions de l'Accord sur l'harmonisation ne mine les pouvoirs dont dispose la ministre soit dans la loi actuelle ou dans le projet de loi à l'étude. Aucune limite n'est imposée en ce qui a trait à l'exercice de ces pouvoirs. Cependant, la ministre est tenue de consulter les intervenants, comme on le prévoit dans les lignes directrices et dans la politique.

M. Clifford Lincoln: Très bien.

La LCPE prévoit déjà des mesures quant aux dispositions équivalentes, n'est-ce pas?

M. Harvey Lerer: C'est exact.

M. Clifford Lincoln: Très bien. Il y a donc des mesures visant les dispositions équivalentes précisant que si le règlement d'une province est équivalent à celui prévu en vertu de la LCPE, ce règlement peut être mis en oeuvre. C'est déjà prévu. C'est déjà prévu dans la LCPE actuelle, en 1998.

• 1130

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on nous impose un retard supplémentaire. S'il existe déjà une disposition sur l'équivalence dans la loi, et qu'il existe une disposition semblable dans le nouveau projet de loi, pourquoi faut-il imposer de nouvelles restrictions au pouvoir de la ministre fédérale de l'Environnement, alors que la Cour suprême s'est déjà prononcée sur la question?

Pourquoi avons-nous besoin de toutes ces complications? Jadis il appartenait aux provinces de démonter qu'elles avaient des règlements équivalents. Dorénavant le gouvernement fédéral devra dire qu'il dispose d'un règlement, mais ce dernier ne pourrait être appliqué que lorsque le fédéral vous aura consulté et que vous aurez approuvé ce règlement. Je ne sais pas si vous êtes d'accord, mais je crois qu'au point de vu politique, la ministre fédérale se retrouvera dans un merdier si demain, quatre, cinq ou six provinces, comme cela s'est produit plusieurs fois auparavant, décident qu'elles ne sont pas d'accord. Je sais qu'elles conservent les pouvoirs qui lui avaient été accordés, mais je crois qu'ils sont quelque peu minés par ces dispositions supplémentaires. Qu'en pensez-vous?

M. Harvey Lerer: Je ne parlerai pas, enfin je ne devrais pas le faire, des problèmes politiques qui pourraient se poser. Je crois que cela ne serait pas approprié. Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit. Je crois que les offres de consultation, qu'il s'agisse du gouvernement ou des intervenants, sont des éléments positifs. Je ne partage pas votre opinion, monsieur; je ne crois pas que cela mine, au point de vue juridique ou pratique, les pouvoirs de la ministre. Pas du tout. Je laisserai quelqu'un d'autre parler des problèmes politiques qui pourraient se poser.

M. Clifford Lincoln: Avez-vous lu le rapport du comité sur l'Accord sur l'harmonisation des mesures environnementales?

M. Harvey Lerer: Oui.

M. Clifford Lincoln: D'après ce que vous dites, vous n'êtes pas d'accord ni avec l'orientation du rapport ni avec les recommandations qui y sont formulées.

M. Harvey Lerer: Non, monsieur. Vous avez fait des commentaires sur certains domaines qui ne sont pas aussi noirs ou blancs que vous l'avez décrit.

Cependant je me souviens que lorsque la ministre et les fonctionnaires ont comparu devant le comité, ils ont accepté certaines des recommandations que vous aviez formulées et ont en fait intégré dans l'Accord sur l'harmonisation l'obligation de revoir l'efficacité de l'Accord deux ans après son entrée en vigueur. Je m'en souviens clairement parce que cela me touchait directement. Je ne me souviens pas très bien des autres recommandations.

Suis-je personnellement d'accord avec toutes les suggestions et recommandations du comité? Je n'en suis pas certain. Je me souviens de certaines des recommandations, et je crois que ma ministre a pris des mesures qui donnent suite à ces propositions.

M. Clifford Lincoln: Il existe une disposition sur l'équivalence qui autorise déjà les provinces à formuler des règlements; j'ai travaillé très fort au niveau provincial pour qu'il y ait une disposition en ce sens parce qu'à mon avis c'était très logique. Il ne s'agit pas d'opposer le palier fédéral au palier provincial. Je me suis battu pour obtenir cette disposition parce que j'étais d'avis que si l'on pouvait prouver qu'un règlement provincial était l'équivalent d'une norme fédérale, il n'était pas nécessaire d'avoir deux règlements. Puisque cette disposition existe, pourquoi miner l'impact de la LCPE en ajoutant plusieurs dispositions, qui au point de vue pratique empêcheront quasiment le gouvernement fédéral d'agir?

M. Harvey Lerer: Je ne crois pas que l'offre de consulter empêche de quelque façon que ce soit la ministre d'agir au point de vue opérationnel ou juridique, monsieur Lincoln. C'est la seule réponse que je puisse donner à votre question.

Le président: J'ajouterai votre nom à la liste des intervenants pour la prochaine ronde de questions, monsieur Lincoln. Nous entendrons maintenant Mme Torsney, M. Jordan puis le président.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Monsieur Victor, ce n'est pas que je ne partage pas votre opinion, mais je crois que si l'on compare les normes prévues dans la SMID à une charte des droits environnementaux, il y a un élément qui manque, c'est le désir manifesté par le public pour des changements dans ce domaine.

• 1135

Lorsque la SMID a été adoptée, Jim Bradley était le ministre et beaucoup de gens n'étaient pas conscients de l'importance des lois environnementales et des avantages qu'elles pouvaient présenter. Il s'est butté à l'opposition du grand public ainsi que de l'industrie. Cependant lorsque M. Rae est passé au pouvoir, les gens disaient qu'ils voulaient des mesures législatives dans le secteur et qu'ils voulaient que le gouvernement agisse dans le domaine de l'environnement.

N'y a-t-il pas un quatrième facteur qui devrait entrer en ligne de compte, soit la participation du public? Ne devrait-il pas y avoir une forme de soutien pour le genre de choses que vous faites?

M. Peter Victor: C'est un commentaire intéressant. Je crois que le programme environnemental du Canada dépend dans une large mesure de l'appui du public.

En passant, la SMID existait déjà avant que Bradley ne soit nommé ministre. En fait cette stratégie a été en oeuvre pendant trois gouvernements. Ils ont tous mis la main à la pâte.

Mme Paddy Torsney: Mais cela n'a rien donné.

M. Peter Victor: Eh bien, il y a eu des règlements qui ont été adoptés en 1994-1995.

J'ai choisi l'exemple de la SMID parce que c'est un cas où les gouvernements successifs ont essayé d'apporter des modifications importantes à la gestion environnementale en Ontario simplement en adoptant des règlements. C'est donc un exemple de ce qui se produit si vous dépendez trop de la réglementation pour apporter des modifications importantes aux politiques. Évidemment vous avez parfaitement raison de dire qu'il faut connaître l'opinion du public sur le secteur.

Mme Paddy Torsney: Merci.

Le président: Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan (Leeds—Greenville, Lib.): Je n'étais pas présent lors de la première session, je m'en excuse.

Je voudrais parler de la section portant sur l'analyse avantages-coûts. Il s'agit de la page 12 du document décrivant la politique de réglementation.

Je pars finalement du principe qu'il s'agit là d'un élément assez critique de ce dont nous parlons aujourd'hui, car je suppose que tout le monde essaie de faire avancer la cause, en quelque sorte. Je crois que tout dépend finalement de la façon dont on définit les avantages et de la façon dont on définit les coûts.

Si je me reporte à la section en question, j'y lis: «Pour tous les projets de réglementation, les organismes de réglementation doivent avoir recours à une analyse coûts-avantages pour évaluer leurs répercussions éventuelles, comme l'incidence sur l'environnement». Puis, on me renvoie à une note à la fin du document, où on dit que Développement des ressources humaines est en train d'élaborer un test, à savoir un test de l'impact sur le milieu de travail. Ne sachant pas en quoi consiste ce test, je suppose qu'il y est question des pertes d'emplois éventuelles attribuables à la loi. Cette supposition est-elle juste? Non? Il y a plus que cela?

M. Richard Foserooke: En règle générale, quelle sera l'incidence du projet en question sur ceux qui se trouvent dans le milieu de travail... Il ne s'agit pas vraiment des pertes d'emplois éventuelles.

M. Joe Jordan: Il s'agit donc de l'incidence sur leur santé?

M. Richard Foserooke: Sur leur santé ou sur leur bien-être en quelque sorte.

M. Joe Jordan: Bon, d'accord. Ce test de l'impact a-t-il été préparé?

M. Richard Foserooke: Il existe une ébauche. Je ne sais pas ce que Développement des ressources humaines Canada en a fait.

M. Joe Jordan: D'accord. Pensez-vous que le document serait déjà public?

M. Richard Foserooke: Il me semble qu'il doit effectivement être public, car il a été élaboré de concert avec le milieu ouvrier.

M. Joe Jordan: Je devrais donc m'adresser à DRHC pour en obtenir un exemplaire.

M. Richard Foserooke: Oui.

M. Joe Jordan: Très bien. Puis, on indique: «Voir le chapitre 7: l'impact sur les consommateurs, *ucGuide*uf de l'analyse avantages-coûts pour les programmes de réglementation». Encore là, je pars de la même hypothèse naïve. S'agit-il du prix des biens et de leur incidence sur le pouvoir d'achat des consommateurs? Est-ce de cela qu'il s'agit? Ou s'agit-il de la santé des consommateurs?

M. Richard Foserooke: Je ne connais pas le guide en question, alors je dois...

Mme Jody Aylard: Nous pouvons vous en fournir un exemplaire.

M. Joe Jordan: Oui, je vous en serais reconnaissant.

Puis, on lit: «Test de l'impact sur les entreprises, Secrétariat du Conseil du Trésor, à paraître». Ce document existe-t-il déjà? Le test de l'impact sur les entreprises est-il une mesure économique de l'incidence de la réglementation à l'étude sur l'activité commerciale?

M. Richard Foserooke: De manière générale, ce test invite les entreprises à définir l'incidence du projet en question sur leur fonctionnement et leurs coûts et à indiquer si elles en tireront des avantages, s'il y a certaines choses qui seront avantageuses pour elles.

M. Joe Jordan: En fin de compte, il s'agit essentiellement d'évaluer l'incidence sur les forces du marché libre.

M. Richard Foserooke: Oui.

• 1140

M. Joe Jordan: J'ai tout simplement l'impression que la balance penche légèrement d'un côté. Je serais curieux de savoir pourquoi on parle d'analyse avantages-coûts dans la version anglaise. J'ai été trois ans à l'école de commerce, et en règle générale, on parle d'analyse coûts-avantages.

Il me semble qu'on fait un excellent travail pour ce qui est de protéger les intérêts économiques, mais je m'inquiète un peu du fait qu'on ne semble pas accorder la même importance à la santé et à l'environnement. Si je dis cela, c'est parce qu'il suffit de voir ce qui se passe dans le domaine environnemental ces jours-ci, à l'échelle mondiale... Vous savez, on peut toujours nier le phénomène du changement climatique, mais on ne saurait nier l'existence des étangs bitumeux de Sydney. On ne saurait nier qu'il y a des coûts au Canada qui passent par les mailles du filet et qui ne sont pas pris en compte dans l'analyse avantages-coûts.

Si nous nous intéressions à ce problème et que nous veillions à nous entendre sur ce qui constitue un avantage... Le temps est aussi un facteur qui entre en ligne de compte ici. Une des stratégies ou une des conséquences de cette analyse avantages-coûts, c'est que ce sont les générations futures qui se trouveront à payer la note.

Si nous pouvions l'élargir quelque peu et faire en sorte que cette analyse ou ces différentes composantes soient ou bien en cours d'élaboration ou bien déjà élaborées, nous pourrions alors, au lieu de traiter ce qui me semble être une vaste gamme de symptômes, nous attaquer au problème central.

Peut-être que M. Victor pourrait donner une réponse en premier et que les autres pourraient répondre ensuite.

M. Peter Victor: Vous avez abordé bien des points dans votre intervention. Je peux peut-être répondre à deux ou trois d'entre eux.

Tout d'abord, on parle souvent de cette analyse comme d'une analyse coûts-avantages, mais les deux termes sont utilisés dans les ouvrages sur la question. Il s'agit du même type d'analyse dans les deux cas.

Il ne s'agit pas, à mon avis, d'une façon arbitraire et peu rigoureuse d'évaluer les avantages et les inconvénients, mais bien d'une méthodologie assez bien définie qui est maintenant utilisée depuis 60 ans. Quand on parle d'analyse avantages-coûts, on suppose que les avantages et les coûts seront mesurés à l'aide d'un ensemble de méthodologies.

Pour mesurer les avantages, même s'il s'agit avantages environnementaux, on cherche normalement à déterminer ce que les gens seraient prêts à payer pour ces avantages s'ils avaient la possibilité de se prononcer là-dessus. Ainsi, on pourrait dans une analyse avantages-coûts recourir à un sondage fait au moyen d'un questionnaire. On pourrait analyser le comportement récréatif afin de déterminer de façon approximative ce que les gens payent effectivement pour avoir droit à l'avantage que procure un environnement vierge.

M. Joe Jordan: Oui, je comprends cela, mais le degré de connaissances du public n'est-il pas un facteur déterminant?

M. Peter Victor: Bien sûr. Mais on pourrait alors dire que la valeur de tout ce qu'on mesure en fonction du prix que les gens sont prêts à payer dépend des connaissances du public. Le prix que les gens sont prêts à payer pour du dentifrice dépend de leur degré de connaissances. C'est un test de ce genre-là. Alors, pour ce qui est de votre question concernant la façon dont nous définissons les avantages, tout ce que je peux vous dire, c'est que l'analyse avantages-coûts permet de répondre à cette question exactement comme je l'ai expliqué.

Il a été question du court terme et du long terme, et vous avez soulevé ce point. Encore là, l'analyse avantages-coûts permet de répondre à cette question. Elle part du principe de l'actualisation, un procédé arithmétique que vous avez sans doute étudié à l'école de commerce que vous avez fréquentée et qui consiste à considérer que les avantages qui se feront sentir dans un avenir lointain doivent avoir moins d'importance dans les décisions que nous prenons aujourd'hui que les avantages immédiats.

Ainsi, quand on a une réglementation qui se traduira par des coûts considérables à court terme pour les industries qui devront s'y conformer, mais qui entraînera des avantages pour l'environnement et pour la santé qui ne se feront sans doute pas sentir dans un avenir rapproché, la méthodologie de l'analyse avantages-coûts nous amène automatiquement à réduire l'importance accordée à ces avantages, avec pour conséquence que le coût l'emportera sans doute sur les avantages.

M. Joe Jordan: Je suppose que l'intérêt cumulatif est en partie à l'origine de cet argument. Il me semble très dangereux d'essayer de comparer l'incidence à long terme sur la santé et l'environnement à la valeur actuelle nette afin de réduire l'importance de ces avantages. Au bout du compte, il me semble qu'on se retrouvera avec une réglementation à très court terme. Je dis cela avec assez d'assurance parce que je constate que c'est exactement ce qui se passe.

J'ai une dernière courte question à poser. On dit ici, et cela m'intrigue, que, dans le cas des risques pour la santé et pour l'environnement ainsi que des risques socio-économiques, il doit aussi être démontré que l'effort réglementaire doit porter sur ce qui risque d'être le plus avantageux.

• 1145

Je me demande s'il y a un certain mécanisme d'évaluation? Si quelqu'un invoque ce critère et dit que tel règlement n'est pas nécessairement mauvais mais que, à son avis, ce n'est pas la réglementation de l'élément en question qui serait la plus avantageuse, existe-t-il une forme quelconque de contrepoids pour s'assurer que la réglementation porte alors sur l'élément qui procurera le plus grand avantage, ou est-ce tout simplement un moyen de se débarrasser de la réglementation? Réglementer un élément vaut mieux que de ne rien réglementer du tout.

M. Harvey Lerer: Oui. Je peux peut-être essayer de répondre à cette question de la façon suivante: dans l'analyse qui est faite au moment où un règlement ou une mesure est proposé, on tient compte de la durée de vie dans l'économie de divers produits et substances. On essaie de décider et on décide effectivement, où se situe le niveau critique, de façon à s'assurer que l'exposition à une substance en particulier, par exemple, est effectivement minimisée. Le point de départ et le point d'arrivée dépendent de l'analyse de l'information. Ainsi, pour éviter toute exposition au plomb dans l'essence, on a interdit l'utilisation du plomb dans l'essence. Il ne servait à rien d'essayer de... C'était là le niveau critique par excellence. On a donc procédé à une analyse de ce genre.

L'autre chose que je tiens à dire au sujet des avantages, si vous le permettez, c'est qu'il n'est absolument pas nécessaire de calculer les avantages—voire les risques—de façon quantitative. Il y a des choses qui ont une valeur inhérente et nous ne tentons pas, du moins pas à ce moment-ci, d'après mon expérience, de les mesurer de façon quantitative. Cette façon de faire est parfaitement acceptable. L'expérience que j'ai de l'application des lignes directrices énoncées par le Conseil du Trésor le confirme.

Le président: Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): J'espère que mon intervention ne sera pas considérée comme redondante par rapport à celle de M. Jordan, mais du point de vue de l'impact sur l'entreprise, l'analyse avantages-coûts que nous avons faite tenait compte des conséquences qu'il y aurait à ne prendre aucune mesure. J'ai écouté attentivement ce qu'il a dit du court terme et du long terme, mais d'un point de vue strictement commercial, je tiens compte de l'impact qu'il y aurait pour mon entreprise, par rapport à mes compétiteurs, de ne pas prendre une mesure donnée. Comment donc tenir compte de cette inaction dans le contexte environnemental?

M. Harvey Lerer: Cela fait partie de l'analyse.

Mme Aileen Carroll: Oui, tout à fait.

M. Harvey Lerer: Cela fait partie de l'analyse, mais...

Le président: Il n'en est pas question dans le document.

M. Harvey Lerer: C'est bien possible, mais cela fait partie de l'analyse qui est effectuée par Environnement Canada—à savoir quelle conséquence il y aurait à ne prendre aucune mesure.

Mme Aileen Carroll: Je me suis rendue récemment en Nouvelle-Écosse et, dès mon arrivée là-bas, j'ai constaté que le problème avait fait la une de l'édition nationale du Globe and Mail. Il y a ensuite eu toute une couverture de suivis au cours de la semaine sur les conséquences de la situation à Sydney, et sur ce qu'il en coûtera—sur le plan humain, économique et sur tous les autres plans—pour dépolluer les sites en question. Je ne peux faire autrement que de me dire que le coût de l'inaction dans ce dossier environnemental en particulier à ce moment-ci serait énorme.

Nous voici donc en train d'étudier une nouvelle loi et une nouvelle réglementation. Comme bien d'autres, je tiens à éviter que pareille catastrophe ne se reproduise, alors je dois avoir l'assurance qu'il sera tenu compte de cela dans toute analyse avantages-coûts qui sera effectuée en vertu de la réglementation qui accompagnera la nouvelle LCPE.

Mme Jody Aylard: Je crois que l'intention était que cela soit prévu sous les solutions de remplacement. Le maintien du statu quo est certainement une possibilité quand on cherche à déterminer l'opportunité d'intervenir—on tiendrait compte dans l'analyse de ce qui arriverait si on laissait les choses telles quelles en même temps qu'on utiliserait les autres instruments applicables, qu'il s'agisse d'un règlement ou d'une mesure gouvernementale quelconque. Je me reporte à la politique de réglementation.

Mme Aileen Carroll: Oui, je sais bien.

Monsieur Victor, pourquoi ai-je cette préoccupation quand je vois le terme statu quo? Voulez-vous dire quelque chose en réponse à mes préoccupations, monsieur Victor?

M. Peter Victor: Oui, je ferai de mon mieux.

• 1150

Le test en question oblige la partie qui propose l'adoption d'un règlement de démontrer que les avantages l'emporteront sur les coûts. Dans la comparaison, il faudrait aussi tenir compte de la possibilité de ne rien faire. C'est pourquoi je suis d'accord avec ceux qui ont dit que le maintien du statu quo est automatiquement pris en considération dans l'analyse, car il faut dans ce cas-là montrer qu'il vaut mieux faire quelque chose que de ne rien faire du tout.

Si je soutiens que cette façon de faire privilégie le statu quo, c'est qu'il faut montrer que les avantages que retireront ceux qui bénéficieront de la mesure l'emportent sur les coûts. La mesure que nous utilisons consiste à déterminer d'abord si on est prêt à payer le prix, et ensuite combien on est prêt à payer pour ces avantages comparativement aux coûts, n'est-ce pas?

On pourrait toutefois choisir comme point de départ l'autre terme de l'équation. Au lieu de supposer implicitement que ceux qui déversent des contaminants dans l'environnement—car il s'agit ici de règlements visant à réduire la contamination—auront à assumer les coûts alors que ce sont les autres qui profiteront des avantages, on pourrait procéder à l'inverse pour faire l'analyse. On pourrait demander combien les industries seraient prêtes à payer pour pouvoir continuer à polluer l'environnement et demander ensuite ce que ceux qui y perdraient seraient prêts à accepter pour leur permettre de continuer ainsi à polluer l'environnement.

C'est que l'analyse avantages-coûts est en fait une opération commerciale simulée. La question est de savoir qui est l'acheteur et qui est le vendeur? Normalement, dans une analyse de ce genre, on part du principe que les victimes de la pollution sont l'acheteur et qu'elles doivent payer le prix pour avoir droit à de l'air pur. Elles ne seraient pas tenues dans les faits de verser un montant quelconque, mais l'analyse vise à déterminer combien elles seraient prêtes à payer si elles devaient le faire.

Si donc on partait du principe inverse, la situation serait différente. Imaginez que quelqu'un, par exemple, ne soit prêt à débourser que 100 $, parce qu'il n'a pas beaucoup d'argent—c'est notre cas à tous—pour faire en sorte qu'un site soit décontaminé ou nettoyé. Si toutefois on demandait à cette personne combien elle serait prête à accepter en contrepartie de cette contamination de son environnement, elle répondrait peut-être 1 000 $, ou elle pourrait dire qu'aucun montant ne serait suffisant.

Dans l'analyse avantages-coûts, nous partons donc du principe qu'il incombe aux bénéficiaires de montrer qu'ils seraient prêts à payer un prix assez élevé pour indemniser les perdants, en l'occurrence les industries. Quand on procède à l'inverse, on obtient un résultat différent, et c'est pourquoi j'ai dit que cette façon de faire tend à privilégier le statu quo.

C'est compliqué, mais j'espère l'avoir bien expliqué.

Mme Aileen Carroll: Vous m'avez éclairée. Merci.

Le président: Avant que nous ne passions au deuxième tour, j'ai moi-même deux ou trois questions à poser.

Il est intéressant de noter que le terme «coût» figure à plusieurs endroits dans le document intitulé «Politique de réglementation 1995». C'est une préoccupation importante. Il en est même question dans le préambule du projet de loi. Je me reporte en particulier au dernier paragraphe de la page 1 du projet de loi C-32, où l'on peut lire:

    Attendu que le gouvernement du Canada] s'engage à adopter le principe de la prudence, si bien que l'absence de certitude scientifique absolue ne peut être inavouée comme motif pour différer la prise de mesures efficientes visant à prévenir la dégradation de l'environnement lorsque celui-ci risque de subir des dommages graves et irréversibles;

On qualifie donc «mesures» en leur accolant l'adjectif «efficientes», et on ne saurait nier la pertinence de cet adjectif relativement au document dont nous discutons aujourd'hui.

L'adjectif «efficientes» figure aussi à l'article 2 du projet de loi, à la page 3, au premier point sous «Application administrative»:

    2.(1) Pour l'exécution de la présente loi, le gouvernement fédéral doit, compte tenu de la Constitution et des lois du Canada:

      a) prendre des mesures préventives et correctives efficientes...

Le terme «efficientes» est donc le facteur prédominant, ou en tout cas le principal facteur. Ce sont là, à mon avis, les deux nouvelles dispositions les plus importantes que nous aurons à examiner quand nous entreprendrons l'étude article par article, car la mention «efficientes» renforcera en quelque sorte l'application de cette politique de réglementation si nous ne nous montrons pas très prudents.

• 1155

Je préférerais que les représentants du Conseil du Trésor ne soient pas là et que cela reste entre nous, mais il est important de le dire publiquement parce qu'il s'agit d'une question d'intérêt public importante. «Les coûts les moins élevés possible», voilà ce que dit le document du Conseil du Trésor à la page 2, point 4.

Il est intéressant de noter—et cela m'inspire un nouveau monologue—que sous le titre «Fardeau de la réglementation»... Je me suis trompé tout à l'heure quand j'ai dit qu'il n'était pas question de développement durable dans ce document; il en est question. Il en est question au chapitre du «Fardeau de la réglementation» à la page 13, et je cite: «[Il faut] démontrer que les répercussions négatives sur le développement durable du Canada... ont été réduites au minimum». Je vous pose donc la question: pourquoi les réduire au minimum? Si nous sommes sérieux en ce qui concerne le développement durable, il ne suffit pas de réduire au minimum les répercussions négatives pour régler la question. Ce qu'il faut, c'est supprimer.

Pourquoi dire «réduire au minimum», monsieur Lerer? Qu'en pensez-vous? Je sais que vous n'avez pas rédigé ces documents, je ne peux donc vous tenir pour responsable, mais il serait intéressant de connaître votre position, c'est-à-dire celle d'Environnement Canada.

M. Harvey Lerer: Ma réaction est une réaction d'appréhension et de trépidation—de premier abord du moins.

Le président: Non, non, nous ne sommes pas méchants.

M. Harvey Lerer: Non, et je suis là pour apporter mon aide.

L'expression «réduire au minimum» ne me choque pas. Lorsqu'on vise à une élimination ultime, on peut progresser par étapes, en commençant par réduire au minimum. Cela dit, à l'usage je me suis aperçu qu'à Environnement Canada on n'avait pas de problème à éliminer quelque chose lorsque c'est nécessaire, il suffit de commencer par en déterminer la nécessité, par le justifier. Je laisserai d'autres que moi discuter des aspects politiques du document.

Le président: Est-ce que quelqu'un du Conseil du Trésor peut nous rassurer comme M. Lerer vient de tenter de le faire?

Mme Paddy Torsney: De le faire avec un certain manque d'ambition.

Une voix: Peut-être avec divers degrés de succès.

Mme Jody Aylard: Je n'ai pas d'autres observations.

Le président: Nous allons donc commencer le tour suivant, mais auparavant, comme nous avons le quorum, nous pourrions nous occuper de la motion de M. Gilmour qui ne devrait pas poser de difficulté.

Mme Paddy Torsney: Est-ce qu'il n'y pas une autre motion également?

Le président: Une motion de qui?

Mme Paddy Torsney: Celle dont nous avons tenté de discuter la semaine dernière, au sujet du budget de recherche.

Le président: Oui. Dans ce cas-là la discussion risque d'être plus longue.

Mme Paddy Torsney: D'accord.

Le président: Le greffier peut-il nous lire la motion?

Le greffier du comité: Motion de M. Gilmour:

    Conformément aux règlements 32(6) et 110(1), que le Comité permanent de l'environnement et du développement durable convoque M. Len Good, sous-ministre de l'Environnement, à comparaître au plus tard 30 jours après le 24 septembre 1998.

Le président: Merci. C'est une motion qui ne nécessite pas d'explications. Avez-vous des questions? Puis-je passer au vote?

M. Bill Gilmour: Pourrions-nous en discuter?

Le président: Si vous voulez en discuter, certainement.

M. Bill Gilmour: Une ou deux observations seulement. Si j'ai demandé qu'on invite M. Good, c'est parce que, comme vous le savez sans doute, il a été sous-ministre de l'Environnement. Ce qui m'intéresse notamment, c'est sa position en ce qui concerne la gestion de ce secteur, en particulier parce que l'administration à laquelle il appartenait disposait d'un budget passablement plus élevé que le budget actuel. Il suffirait donc d'une heure ou une heure et demie pour lui demander quelle est sa position. Il va participer activement à la rédaction du projet de loi sur les espèces menacées et j'aimerais savoir quelle est sa position.

• 1200

Le président: Vous voulez dire qu'étant passé de la misère à la prospérité, il serait intéressant de savoir comment il va survivre?

M. Clifford Lincoln: Vous voulez dire de la prospérité à la misère.

Le président: C'est ce que je voulais dire.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Lorsque le président aura fini de poser ses questions à M. Lerer, nous pourrions peut-être demander aux autres témoins ce qu'ils en pensent également.

Le président: Ce sera aux députés d'en décider, lorsque le sous-ministre comparaîtra.

    (La motion est adoptée)

Le président: Au troisième tour nous avons Mme Kraft Sloan, M. Lincoln, M. Jordan, et peut-être Mme Carroll.

Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur le président, je n'ai pas demandé à être inscrite sur la liste au troisième tour.

Le président: Je croyais que si.

Monsieur Lincoln.

M. Clifford Lincoln: Je vois à l'annexe A du guide à l'intention des gestionnaires que les différents ministères, Agriculture, Environnement et Santé, par exemple, doivent être dotés de systèmes qui respectent les normes dès le 31 décembre 1996 et procéder à un premier examen interne avant le 31 décembre 1999. Est-ce qu'on trouve ces systèmes dans des documents préparés par ces ministères? Est-ce que ces documents ont été déposés auprès du Conseil du Trésor, ou bien est-ce que les ministères doivent les conserver?

Mme Jody Aylard: Excusez-moi, je ne suis pas certaine d'avoir entendu votre question au complet. Vous parlez des documents qui prouvent que les normes sont en place?

M. Clifford Lincoln: Oui.

Mme Jody Aylard: Nous n'avons pas encore reçu de documents officiels des ministères en ce qui concerne les normes de gestion réglementaires. Par contre, nous avons travaillé en collaboration avec les ministères pour déterminer dans quelle mesure leurs systèmes se rapprochaient des normes. Nous avons travaillé en collaboration avec leurs services de vérification et d'examen et, ensemble, nous tentons de rectifier les lacunes lorsqu'il y en a. Cela dit, nous sommes encore loin de la date limite pour la présentation d'un rapport, et les ministères ne nous ont pas fait savoir où ils en étaient à l'heure actuelle.

M. Clifford Lincoln: D'après ce document, les ministères ont deux ans de retard pour présenter des pièces justifiant la façon dont ils respectent les normes.

Mme Jody Aylard: Non. Les ministères ont mis en place les normes de gestion, mais ils n'ont pas encore effectué leur examen interne ni soumis des rapports au Secrétariat du Conseil du Trésor. Cela ne sera pas nécessaire avant 1999.

M. Clifford Lincoln: Dans ces conditions, est-ce qu'au 31 décembre 1999 tous ces ministères auront un document expliquant comment, individuellement, ils entendent atteindre ces normes...

Mme Jody Aylard: Non. Ils sont censés présenter un rapport sur la façon dont ils ont mis ces normes en pratique, sur la façon dont ces normes sont observées. Autrement dit, c'est un examen interne des processus mis en place en vue de respecter les normes, et cela doit se faire d'ici 1999.

M. Clifford Lincoln: Ce que j'aimerais savoir c'est à quel moment nous, qui avons un intérêt immédiat pour ce genre de choses, pourrons voir des documents comme celui-ci, des documents nous expliquant comment, par exemple, le ministère de l'Environnement ou de la Santé aborderont la question des coûts-avantages, par exemple. Ce sera particulièrement important dans les secteurs où vous pensez que le risque est un facteur clé. D'ailleurs, sous le titre «Généralités» on lit: «déterminer si l'ampleur des risques relatifs et absolus...».

Ce que j'aimerais savoir, c'est comment les ministres de la Santé ou de l'Environnement ont interprété le risque? Par exemple, je considère que la présence de manganèse dans l'essence est inacceptable, mais de leur côté le ministre de l'Environnement ou celui de la Santé ne semblent pas considérer que c'est un tel problème. Est-ce que la limite actuelle pour le soufre est justifiée? Quelle est la limite justifiée? Quels sont les avantages? Quels sont les risques?

Pour revenir à ce que M. Jordan et Mme Carroll, entre autres, ont abordé, il me semble que si nous ne savons pas comment les ministères de l'Environnement et de la Santé—en particulier ces deux ministères—définissent le risque et les coûts-avantages, nous ne pourrons pas non plus comprendre si la LCPE qu'ils nous présentent est acceptable.

• 1205

J'aimerais donc que vous me disiez, ou bien encore les ministères, si nous ne pouvons nous attendre à recevoir, très vite après le 31 décembre, un document sur la position de ces ministères, en particulier sur ces questions-là.

Mme Jody Aylard: La politique exige déjà que les ministères fournissent des exemplaires de leurs rapports au président du Conseil du Trésor, des exemplaires de leurs rapports d'examen des normes de gestion du processus réglementaire.

M. Clifford Lincoln: Je peux donc demander aux ministères concernés, en particulier à ceux de la Santé et de l'Environnement, si après le 31 décembre 1999 nous pourrons obtenir de la documentation indiquant comment vous abordez le contenu de ce document, en particulier la question de l'évaluation des risques et de la détermination de ce qui constitue un avantage et ce qui constitue un coût.

M. Harvey Lerer: Je peux vous dire que nous essaierons de transmettre au comité, en vertu du processus normal, les résultats de l'examen qui serait requis en vertu des lignes directrices du Conseil du Trésor.

M. Clifford Lincoln: Il y aura donc un document dans lequel on traitera de ces questions.

M. Harvey Lerer: Je ne sais pas exactement de quelles questions précises vous voulez qu'on traite dans ce document, mais nous vous transmettrons par la filière habituelle le rapport que nous remettrons au Conseil du Trésor, comme nous l'avons dit. Je ne sais pas avec certitude si le rapport traitera des questions précises que vous avez posées, monsieur.

M. Clifford Lincoln: Vous est-il possible de vous enquérir auprès du ministère et de nous faire savoir si ces questions seraient incluses?

M. Harvey Lerer: Certainement.

M. Clifford Lincoln: Merci.

M. Harvey Lerer: Je transmettrai ces informations au comité par la filière normale.

M. Clifford Lincoln: Puis-je poser la même question au représentant du ministère de la Santé? Y a-t-il quelqu'un ici de ce ministère?

Une voix: Non, il n'y a personne.

Le président: Merci, monsieur Lincoln.

Monsieur Jordan, vous avez la parole.

M. Joe Jordan: Pour en revenir à la question de l'analyse coûts-avantages, sur le plan de la concurrence, je pense qu'étant donné les forces du marché, il y a autosurveillance et dans la plupart des cas, cela fonctionne, si les renseignements pertinents sont disponibles. Si l'on comprend bien ce qui constitue des avantages et ce qui constitue des coûts, je pense que le système fonctionne très bien et il serait ridicule d'essayer de le changer, par voie de réglementation directe. Mais si l'analyse des avantages et des coûts est défectueuse, je pense que tout l'échafaudage commence à s'écrouler.

Si nous exigeons, par voie de réglementation, un nouvel étiquetage, il faudrait certainement en examiner la raison et les coûts qui en découleraient pour l'industrie, qui devrait se réoutiller ou faire autre chose pour modifier les étiquettes. Je ne suis cependant pas tout à fait d'accord pour qu'on applique de telles mesures pour des raisons environnementales.

Si nous adoptons un règlement en vue de réduire une émission, nous supposons automatiquement, je pense, que l'entreprise a le droit de polluer l'air et nous cherchons à l'amener à limiter cette pollution. Je pense que nous devons traiter les questions de cette nature séparément de l'analyse strictement économique.

Étant donné les engagements pris à Kyoto, on peut raisonnablement supposer, je pense, que nous allons voir une augmentation de la réglementation afin d'essayer de respecter ces engagements.

D'où sont venues les premières lignes directrices? Je n'ai pas besoin de le savoir. Mais en quoi ont-elles changé? Comment une personne pourrait-elle tenter de modifier le filtre de l'analyse coûts-avantages qu'on y trouve? Je pense que c'est un élément extrêmement important. Est-ce au gouvernement de le faire? Je suis un nouveau député. Je ne sais pas. Quelqu'un a préparé ces mesures. Comment pourrions-nous essayer d'amener les gens à changer cela?

On s'efforce actuellement d'élaborer des moyens pour comptabiliser les coûts complets afin de pouvoir quantifier certains des coûts qui représentent des risques inhérents. Le Conseil du Trésor examine-t-il ces renseignements ou collabore-t-il avec les intéressés pour trouver la réponse? Je crois que nous pourrions résoudre ou éliminer une foule de problèmes si nous pouvions examiner ces questions.

Mme Jody Aylard: Je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet. Je n'ai pas les connaissances requises pour faire des commentaires sur la comptabilisation du coût complet, et je ne répondrai donc pas à cette question.

En ce qui concerne vos commentaires au sujet de la politique réglementaire et des normes de gestion du processus de réglementation, vous pouvez présenter des instances. C'est un document approuvé par le Cabinet. Les ministres l'ont approuvé et s'il vous cause des inquiétudes, vous pouvez écrire au président du Conseil du Trésor.

M. Joe Jordan: Très bien. Quel processus doit-on suivre pour y changer quelque chose?

Mme Jody Aylard: Il s'agit d'une politique approuvée par le Conseil du Trésor; elle a été soumise au Conseil du Trésor.

M. Joe Jordan: Très bien, je vous remercie.

• 1210

Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais poser moi-même une question de nature plutôt pratique au sujet du processus.

Nous avons sept ministères désignés en vertu des normes de gestion du processus de réglementation stipulées à l'appendice B. Nous croyons savoir qu'ils devaient avoir mis en place leur système de gestion de la réglementation au plus tard à la fin de 1996. Ce document est-il disponible?

Mme Jody Aylard: De quel document voulez-vous parler?

Le président: Eh bien, en vertu des normes de gestion du processus de réglementation qui figurent à l'appendice B, les sept ministères désignés—Agriculture et Agroalimentaire, Environnement, Pêches et Océans, Santé, Industrie, Revenu, et Transports—devaient avoir rendu public leur système de gestion au plus tard le 31 décembre 1996.

Mme Jody Aylard: Ils ne devaient pas les avoir rendus publics au plus tard à cette date, ils devaient plutôt les avoir mis en place.

Le président: En place?

Mme Jody Aylard: Ils devaient les avoir mis en place dans leur ministère.

Le président: Est-ce un document que nous pouvons...

Mme Jody Aylard: Je ne peux pas dire si chaque ministère a un document ou non, ou peut-être même plusieurs, car cela dépend du nombre de programmes de réglementation qu'ils ont. Les divers ministères ont une forme de gestion différente. En vertu de la politique, cependant, ces ministères doivent examiner ce processus, faire rapport de cet examen et remettre une copie de ce rapport au président du Conseil du Trésor d'ici la fin de 1999. Dans ce rapport, on examine le fonctionnement de ces processus et l'on vérifie s'ils respectent ou non les normes de gestion du processus.

Le président: Alors qu'ont-ils fait avant le 31 décembre 1996, étant donné qu'ils devaient avoir mis en place un système de gestion de la réglementation?

Mme Jody Aylard: Ils devaient avoir mis en place des systèmes leur permettant de s'assurer qu'ils respectaient les normes de gestion.

Le président: Dois-je alors demander à M. Lerer s'il a mis en place un tel système, et le cas échéant, s'il existe un document que nous pouvons examiner?

M. Harvey Lerer: Je répondrai à la question en disant qu'à mon avis, nous avons un système en place. Je ne connais pas de document qui en fait état. Je pense que le document concernant les systèmes en place et l'évaluation de ces systèmes, est justement le document dont parlait M. Lincoln dans sa question précédente, et c'est celui qui est exigé au plus tard en décembre 1999.

Le président: Dans ce cas, comment notre comité peut-il déterminer si le système que vous avez mis en place est satisfaisant du point de vue du développement durable?

M. Harvey Lerer: Nous pouvons fournir au comité des réponses aux questions relatives au système mis en place et quant à la façon dont il fonctionne sur le plan opérationnel. Nous serions certainement disposés à le faire.

Le président: Quelle est donc la définition d'un système? Précisons le sens de cette expression. Qu'est-ce qu'un système? Est-ce une politique intégrée? Est-ce une ligne directrice qui vient du sous-ministre? Qu'est-ce qu'un système pour Environnement Canada, ou même pour l'un ou l'autre de ces sept ministères?

M. Harvey Lerer: C'est le côté opérationnel qui m'intéresse le plus et à mon avis, on utilise le mot «système» afin de faire en sorte que nous procédions à l'analyse requise et que nous fassions ce qu'il faut pour fournir à la ministre les renseignements dont elle a besoin afin de prendre les mesures qui s'imposent.

Il y a parfois des documents. Je veux dire que sur le plan opérationnel, il s'agit de savoir si nous agissons comme il convient.

Le président: Qu'entendez-vous par «requise»? Est-ce en rapport avec le document du Conseil du Trésor? Est-ce en rapport avec la politique de réglementation? Qu'est-ce qui est requis?

M. Harvey Lerer: Nous utilisons comme guide le document du Conseil du Trésor. Nous définissons également nos résultats en fonction des objectifs que nous voulons atteindre en matière de protection de l'environnement et de la santé humaine.

Le président: Notre comité doit-il en conclure que depuis la fin de 1996, vous avez mis en oeuvre la politique de réglementation du Conseil du Trésor?

M. Harvey Lerer: Oui, monsieur. Nous l'utilisons certainement comme guide, lorsque nous élaborons nos règlements et prenons d'autres mesures.

• 1215

Le président: Et corrigez-vous les distorsions qu'on trouve dans ce document? Ma question découle de la réponse qu'on nous a donnée tout à l'heure, quand M. Foserooke a dit que le simple fait que certains engagements pris par le Canada et définis dans l'appendice A étaient tous axés sur le commerce, comme je l'ai dit, ne signifie pas que les obligations découlant de la Convention de Bâle et d'autres accords internationaux ne peuvent pas être incluses dans les règlements.

M. Harvey Lerer: Nous tenons compte en effet de toutes ces obligations que vous avez mentionnées et d'autres également—nos engagements pris à l'échelle internationale et les engagements bilatéraux que nous avons pris avec d'autres pays. Cela fait partie des éléments dont nous tenons compte dans l'élaboration de nos règlements ou même dans toute mesure que nous prenons.

Le président: Nous espérions pouvoir mieux comprendre les systèmes de gestion mis en place, mais nous nous contenterons de ce que vous avez dit.

Madame Torsney, vouliez-vous poser une dernière question avant que nous terminions la séance?

Mme Paddy Torsney: J'ai seulement une brève question à poser. Pourquoi seuls ces ministères doivent-ils mettre de tels systèmes en place? Est-ce qu'il y a quelque chose que j'ignore?

Mme Jody Aylard: Ce sont les principaux ministères fédéraux qui administrent des règlements et ils devaient les avoir mis en place en premier, tandis que les autres ministères devaient le faire avant la fin de l'année 1997.

Mme Paddy Torsney: Très bien. Je vous remercie.

Le président: J'ai une question complémentaire à poser. Notre recherchiste m'a prié de vous demander si l'application de ces systèmes s'étendrait également à des domaines ne faisant pas l'objet de règlements.

M. Harvey Lerer: Oui, monsieur.

Le président: Ils s'appliquent. Pouvez-vous les identifier?

M. Harvey Lerer: C'est aussi déterminé par la politique. Lorsque nous examinons un règlement, nous examinons aussi des mécanismes de rechange et ce sont ces mécanismes que nous choisissons parfois s'ils peuvent donner le résultat le plus efficace.

Nous examinons la possibilité de prendre des règlements et nous examinons aussi toutes les solutions de rechange à notre disposition. Dans ce nouveau projet de loi, ces mesures de rechange pourraient inclure...

Le président: Il pourrait s'agir de lignes directrices?

M. Harvey Lerer: Il pourrait s'agir de lignes directrices. Il pourrait y avoir également des codes de pratique.

Le président: Des lignes directrices?

M. Harvey Lerer: Quel que soit l'instrument dont nous disposons pour obtenir les résultats recherchés.

Le président: Je vois.

Comme vous pouvez le constater, nous sommes de moins en moins nombreux. Il est presque 12 h 30 et le moment est donc venu de mettre fin à cette séance.

Au nom de mes collègues encore présents, auxquels je serai éternellement reconnaissant, je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui, je vous remercie de votre contribution, de vos précisions et de vos explications.

Nous vous laissons le soin de déterminer la teneur de nos conclusions, mais vous aurez probablement détecté une suspicion profonde en ce qui concerne l'analyse des avantages—ce n'est pas exagéré de le dire—et une certaine insatisfaction au sujet du document de 1995. Vous avez cependant réussi par vos réponses à nous rassurer, en disant que l'on a remédié ou qu'on est en train de remédier aux distorsions que présentait ce document. Nous croyons donc fermement en votre capacité de corriger le document et d'assurer la protection de l'intérêt public.

Nous devrons certainement examiner vos réponses lorsque nous étudierons ce projet de loi, en particulier la partie près de la fin, qui porte sur le processus de réglementation, dont on sous-estime souvent l'importance. Nous devrons peut-être demander encore une fois votre aide, si nous nous heurtons à des points difficiles.

• 1220

Cela dit, je vous remercie beaucoup de votre aide et de votre coopération.

Le comité se réunira de nouveau à 15 h 30 demain. La séance est levée.