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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 février 1997

• 0914

[Traduction]

Le président suppléant (M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.)): Le président est en chemin mais pour éviter de perdre du temps, nous allons commencer immédiatement. Conformément au paragraphe 102(2) du Règlement, nous allons procéder à l'étude de l'application des dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et de l'application des dispositions relatives à la prévention de la pollution de la Loi sur les pêches, ainsi que des règlements et ententes administratives sous-jacents.

Je souhaite la bienvenue à M. Paul Muldoon, de l'Association canadienne du droit de l'environnement—que nous avons déjà eu l'occasion d'entendre—et à M. Jerry DeMarco, du Sierra Legal Defence Fund.

Monsieur Muldoon, vous avez la parole.

• 0915

M. Paul Muldoon (directeur général, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci beaucoup. Je suis directeur de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Il s'agit d'un service d'aide juridique de Toronto qui a pour mission de représenter dans des litiges, les citoyens—groupes et particuliers—qui ont un problème d'ordre environnemental et qui ont le droit de bénéficier du régime d'aide juridique. La réforme du droit fait également partie de notre mandat.

Ce matin, je voudrais vous parler de l'application des dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Je vous signale que j'ai préparé un mémoire écrit que j'ai remis au greffier, auquel j'ai également remis un mémoire plus étoffé, comprenant toute une série d'annexes dont je ne vous citerai que de très brefs passages. La majeure partie du texte de l'exposé que je ferai ce matin se trouve dans la version du mémoire que j'ai fait distribuer.

Je parlerai tout d'abord du problème de l'application des lois et de la performance du gouvernement dans ce domaine, puis j'énoncerai quelques-unes des raisons pour lesquelles celle-ci est piètre et insuffisante. Je vous ferai ensuite quelques recommandations susceptibles de permettre d'améliorer cette performance avec le temps.

Commençons par la performance du gouvernement. Je tiens à vous rappeler l'importance capitale que revêt cette question en ce qui concerne le droit de l'environnement en général et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement en particulier. Pratiquement tous les sondages qui ont été effectués au cours des dix dernières années indiquent que les Canadiens s'attendent à ce que les autorités publiques appliquent la loi. Le respect des lois et leur application rigoureuse, surtout dans le domaine de l'environnement, font partie intégrante de la culture juridique et politique du Canada.

Quand on examine la performance du gouvernement fédéral en la matière, on constate toutefois qu'elle laisse beaucoup à désirer. Veuillez jeter un coup d'oeil sur le tableau 1 de mon mémoire. Il contient des chiffres concernant l'application de la loi qui sont extraits du rapport annuel sur la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il révèle que le nombre d'inspections a en fait diminué entre 1990 et 1996. Au cours de cette période, le nombre de poursuites a oscillé entre trois et 22, tandis que le nombre de condamnations a été de deux à 17 par an. Il y a eu en moyenne 12 poursuites et 10 condamnations par an. Voilà quelle a été la performance du gouvernement fédéral en ce qui concerne l'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

La différence est frappante en ce qui concerne l'activité provinciale au cours de la même période. En Ontario, entre 1991 et 1995, plus d'un millier d'accusations ont été portées. Ce n'est qu'en 1996 que le nombre d'accusations est tombé en dessous de 1 000, à savoir à 752. En 1992, plus de 2 000 accusations ont été portées. Entre 1991 et 1996, de 324 à 512 condamnations ont eu lieu. Alors qu'au palier fédéral, le nombre de condamnations était d'une dizaine par an, il était d'environ 422 en Ontario.

Ces chiffres permettent de faire des constatations intéressantes. Ils indiquent notamment qu'en matière d'application des lois, les activités du gouvernement fédéral et celles des gouvernements provinciaux se situent à une échelle très différente. On peut affirmer sans risque d'exagérer que le nombre de condamnations est 35 fois plus élevé au palier provincial qu'au palier fédéral.

Une autre constatation particulièrement intéressante est que, si l'activité du gouvernement fédéral en la matière est restée stable ou a même légèrement diminué, il est évident qu'en ce qui concerne l'Ontario, elle a diminué de façon radicale. Je vous prie de jeter un coup d'oeil sur les tableaux 2 et 3. Les chiffres du tableau 3, qui indiquent le nombre total d'amendes imposées entre 1985 et 1996, sont très révélateurs. Vous constaterez que le nombre d'amendes a considérablement diminué depuis 1996.

Par conséquent, si, au palier fédéral, le nombre de condamnations n'est que d'une dizaine par an, il est toutefois en baisse au palier provincial et étant donné que des provinces comme l'Ontario ont tendance à se montrer moins agressives dans ce domaine, qui compensera dès lors ce laxisme et qui fera respecter nos lois visant à protéger l'environnement, je vous le demande?

Ma première recommandation est que l'on entreprenne une étude portant sur la performance de toutes les provinces en matière d'application des lois et que l'on compare les résultats ainsi obtenus à la performance du gouvernement fédéral. Il conviendrait de faire une analyse des résultats pour permettre de comprendre les écarts qui existent à cet égard.

• 0920

Ma conviction profonde est que les chiffres concernant le gouvernement fédéral témoignent d'une performance piètre et insuffisante dans ce domaine. Il n'est tout simplement pas assez énergique à cet égard. Je voudrais vous indiquer les trois raisons qui expliquent, à mon sens, ce laxisme.

La première—qui est manifeste—est un manque permanent de ressources. Vous avez déjà déclaré autrefois que l'application des dispositions législatives nécessitera une volonté politique soutenue et des ressources adéquates. C'est rigoureusement exact. Pour l'instant, on ne sait pas très bien de quelle façon le financement a évolué dans ce domaine au cours des dix dernières années. On peut affirmer sans risquer de trop s'avancer que les ressources n'ont pas considérablement augmenté et qu'elles ont probablement diminué au cours des dernières années. Par conséquent, ma deuxième recommandation est que l'on entreprenne une étude pour déterminer le niveau de financement de la capacité d'exécution au palier fédéral et de faire les calculs en dollars réels ou constants pour faciliter la comparaison.

La deuxième raison de la piètre performance du gouvernement fédéral dans ce domaine est qu'il a pratiquement renoncé à assumer ses responsabilités en matière de réglementation. Cette attitude est due à toute une série de raisons dont la principale semble être son désir d'adopter une approche volontaire en matière de respect des lois.

Nous estimons pour plusieurs raisons que cette approche s'est avérée un échec, surtout en ce qui concerne le respect des ententes sur la prévention de la pollution, et qu'elle fait en réalité un travail de sape au niveau des initiatives et de la capacité d'exécution.

Premièrement, il semble qu'Environnement Canada compte pour ainsi dire exclusivement sur l'autodiscipline, au détriment de l'approche réglementaire. Cette tendance est particulièrement inquiétante du fait que certains des problèmes environnementaux soumis à cette approche volontaire sont parmi les plus graves qui soient au Canada. En outre, Environnement Canada continue d'avoir recours à cette approche malgré l'absence de vérification externe de ces données.

Deuxièmement, du fait qu'Environnement Canada continue de compter sur l'autodiscipline, on se préoccupera moins d'élaborer des stratégies en matière de réglementation; on accordera par conséquent une moins grande priorité et on consacrera moins de ressources à la capacité d'exécution.

Ma troisième recommandation est par conséquent qu'Environnement Canada remette en question son attachement au principe de l'autodiscipline et examine les possibilités de remplacer cette approche volontaire par une approche réglementaire efficace.

La troisième explication de ce laxisme est l'incidence des activités axées sur l'harmonisation.

Je vais répéter en gros ce que nous avons déjà dit au mois d'octobre en ce qui concerne l'Accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale. Notre position en la matière est claire et elle ne prête pas à la moindre équivoque. À notre avis, cet accord entraînera une dévolution d'activités d'exécution supplémentaires aux provinces, qui est le résultat des conséquences de la sous-entente relative à l'inspection et du projet de nouvelle sous-entente sur l'exécution. Ces initiatives saperont à notre avis la capacité d'exécution actuelle d'Environnement Canada. Comment celle-ci pourra-t-elle être maintenue face à la dévolution d'une plus grande partie de ces activités aux provinces?

Par conséquent, notre quatrième recommandation consistera à réitérer la quatrième recommandation du rapport sur l'harmonisation qui a été fait par le comité permanent, à savoir que le vérificateur général du Canada effectue une vérification de l'efficacité, sur le plan environnemental, des ententes bilatérales qui ont été conclues dans ce domaine entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, à propos de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et de la Loi sur les pêches et que le gouvernement remette en question son projet de confier des responsabilités aux provinces en matière de formulation des critères et d'application des lois, dans le cadre des initiatives d'harmonisation.

Telle est la performance du gouvernement fédéral et telles sont les raisons pour lesquelles elle est insuffisante. Je vais vous suggérer d'adopter une stratégie en trois étapes, dans le but d'améliorer cette performance.

La première étape consiste à délimiter avec précision le rôle du gouvernement fédéral en matière de réglementation. Comme nous l'avons déjà signalé, le gouvernement fédéral a pratiquement renoncé à l'approche réglementaire pour accorder la préférence à des approches volontaires. En effet, il est devenu davantage un facilitateur qu'un organe de réglementation. Il est disposé à ne prendre que des initiatives qui ont l'approbation unanime des milieux industriels—et je pourrais citer de nombreux cas—au lieu de faire ce qui est nécessaire et impératif pour l'environnement.

Il est essentiel qu'Environnement Canada se considère comme un organisme de réglementation dans les secteurs où il est investi de pouvoirs constitutionnels, et qui représentent une priorité pour l'environnement. Par conséquent, ma cinquième recommandation est qu'Environnement Canada redéfinisse son rôle de façon à mettre l'accent sur son aspect réglementaire.

La deuxième étape de cette stratégie consiste à accroître sa capacité d'exécution, comme je l'ai déjà mentionné. Il existe en fait deux sous-catégories ou sous-étapes. L'une consiste à injecter des ressources dans les activités d'Environnement Canada qui sont axées sur l'application des lois et sur l'inspection, mais une réforme institutionnelle est en outre nécessaire. Nous préconisons l'établissement d'un bureau indépendant chargé de l'exécution des lois qui relèverait directement d'Environnement Canada, ainsi qu'une révision de la politique d'application de la LCPE, de façon à pourvoir ce bureau indépendant d'une infrastructure adéquate, à assurer une formation adéquate, tant au niveau des agents que des programmes d'exécution, et à instaurer un régime d'information efficace pour rendre la chose possible.

• 0925

Par conséquent, ma sixième recommandation est qu'Environnement Canada accroisse sa capacité d'exécution et qu'un bureau indépendant chargé de l'exécution des lois soit créé.

La troisième étape à franchir pour améliorer la performance d'Environnement Canada quant à l'exécution de la législation sur l'environnement consisterait à adopter une charte fédérale des droits en matière d'environnement. Ce n'est pas une idée nouvelle mais c'est une mesure visant à permettre aux citoyens d'avoir leur mot à dire dans les décisions qui sont prises dans ce domaine et de faire respecter la législation sur l'environnement.

Une telle charte des droits visera en grande partie à légitimer et à renforcer les droits des citoyens de prendre part aux décisions qui sont prises au sujet de l'environnement mais également à leur conférer le droit de faire respecter la loi. Mon collègue, M. DeMarco, ajoutera quelques mots à ce sujet et au sujet des lacunes qui existent en matière d'application, mais je consacrerai les quelques minutes qui me restent à vous parler des avantages des droits de poursuite des citoyens.

Je vous signale que ces droits font partie intégrante de la culture américaine en matière d'exécution des lois. Ces droits sont énoncés de façon claire et précise dans le Clean Air Act et le Clean Water Act. J'ai d'ailleurs annexé quelques exemples ainsi que les textes de loi en question à mon mémoire.

Le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Québec et l'Ontario possèdent également une loi sur les droits en matière d'environnement qui permet aux citoyens d'appliquer des lois environnementales dans certains cas. J'ai inclus quelques exemples à l'annexe 2 de mon mémoire. J'ai également inclus un commentaire à ce sujet à l'annexe 3.

D'après le libellé actuel de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le citoyen a le droit de demander la tenue d'une enquête et il possède certains droits de poursuite pour infraction à la LCPE, lorsqu'il subit directement un préjudice, mais pas s'il s'agit uniquement d'appliquer la loi.

Certaines personnes signaleront que le projet de loi C-74, qui est la plus récente version de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, confère le droit de poursuite aux citoyens. Effectivement. J'estime cependant pour ma part que les dispositions de la partie II du projet de loi sont tellement inadéquates, et que leur application pose tellement de problèmes, que les droits accordés sont complètement illusoires.

L'annexe 4 de mon mémoire contient un commentaire détaillé sur les lacunes de la partie II de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Les trois principales critiques qui sont faites à ce sujet sont que les dispositions sont très limitatives et qu'elles imposent toutes sortes de conditions préalables; les dispositions ne sont applicables que pour les infractions qui sont imminentes—aucune mesure préventive n'est permise. Par ailleurs, les multiples moyens de défense prévus dans d'autres dispositions sont la garantie de procès interminables, même dans les cas les plus justifiés.

À notre avis, les droits des citoyens énoncés dans la partie II du projet de loi C-74 ne permettront pas de résoudre le problème. La seule solution est que vous fassiez, comme autrefois, un examen approfondi de la question et que vous proposiez l'adoption d'une charte fédérale des droits environnementaux globale et efficace, conférant notamment aux citoyens des droits de poursuite effectifs.

Je signale que, comparativement au projet de loi C-74, même le projet de loi concernant la protection des espèces en péril, c'est-à-dire le projet de loi C-65, comportait des droits de recours plus efficaces pour les citoyens et même des droits de poursuite très inquiétants. L'annexe 5 donne une analyse des problèmes du projet de loi C-65, mais je me contenterai de signaler que c'est le projet de loi C-74 qui est le moins efficace en ce qui concerne les droits de poursuite des citoyens.

Enfin, il est impératif d'élaborer une charte fédérale des droits environnementaux pour triompher du manque de volonté politique. Cette charte comporterait un certain nombre de droits de participation du public importants tels que le droit de faire des commentaires sur les décisions concernant l'environnement, le droit de réclamer la tenue d'un examen, le droit d'obtenir certains renseignements et, plus particulièrement, le droit de divulguer des données et d'autres renseignements importants sur lesquels reposent les décisions dans ce domaine. Un des droits les plus importants serait toutefois le droit des citoyens de faire respecter la législation environnementale.

Je tiens à préciser que le droit ou la volonté politique d'appliquer des lois devrait demeurer en grande partie une prérogative du gouvernement; cependant, pour s'assurer que le gouvernement applique les lois, pour le seconder dans cette tâche, il est à notre avis crucial que les citoyens jouissent des droits nécessaires pour s'assurer que le gouvernement est honnête et pour intervenir lorsqu'il n'agit pas. C'est un des principaux moyens de s'assurer que le gouvernement applique ses propres lois.

• 0930

Par conséquent, il est nécessaire pour l'instant de prendre des mesures supplémentaires pour s'assurer qu'Environnement Canada applique efficacement les lois. Pour l'aider dans cette tâche, il convient d'instaurer un bureau indépendant chargé de l'application des lois. Il faut préciser le rôle du gouvernement fédéral en matière de réglementation et élaborer une charte des droits environnementaux conférant aux citoyens un droit de poursuite permettant d'accroître la capacité d'exécution.

En guise de conclusion, je dirai que le problème de l'application des lois est un problème capital. Il est au centre des préoccupations des Canadiens et je vous recommande vivement de rédiger un rapport à ce sujet, un rapport contenant des recommandations vigoureuses et précises, afin de mettre les Canadiens au courant de la performance d'Environnement Canada dans ce domaine, des crédits disponibles et des mesures nécessaires pour améliorer cette performance, de façon à ce que la législation canadienne sur l'environnement soit appliquée efficacement.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Muldoon.

Nous donnons la parole à M. DeMarco, puis nous passerons à la période de questions. Vous avez la parole, monsieur DeMarco.

M. Jerry DeMarco (avocat, Sierra Legal Defence Fund): Merci. Je m'appelle Jerry DeMarco. Je suis avocat pour le compte du Sierra Legal Defence Fund.

Le Sierra Legal Defence Fund est un organisme de bienfaisance canadien qui se spécialise dans les contentieux concernant l'environnement. Nous offrons des services consultatifs et représentatifs gratuits aux groupes écologiques et aux citoyens préoccupés par divers problèmes environnementaux.

Je parlerai principalement des trois premiers points exposés dans le document comportant cinq onglets qui vous a été remis, à savoir: les usines de pâtes et papiers du Québec, les rapports annuels sur la Loi sur les pêches et le problème de la suspension par le gouvernement des poursuites intentées par des particuliers. À la fin du mémoire, nous traitons de quelques problèmes que M. Muldoon a déjà abordés; aussi, je me contenterai de les mentionner rapidement.

Le problème des usines de pâtes et papiers du Québec est une preuve manifeste des lacunes qui existent sur le plan de l'application des lois ainsi que du problème de l'harmonisation. Veuillez examiner les textes annexés au résumé de notre mémoire, à l'onglet numéro 1.

Le Sierra Legal Defence Fund a essayé, pour le compte de deux autres organismes, à savoir le Great Lakes United et le Centre québécois du Droit de l'Environnement, d'avoir accès à des documents concernant la conformité, de la part des usines de pâtes et papiers de l'est du Canada, aux règlements pris en vertu de la Loi sur les pêches. Le gouvernement nous a dit que si nous voulions avoir accès à ces documents aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, cela prendrait 556 heures et cela nous coûterait plus de 5 000 $.

Voici comment se répartit le temps que cela prendrait. Cela prendrait sept heures pour les provinces de l'Atlantique, 489 heures pour le Québec et 60 heures pour l'Ontario. Cette réponse nous prouve amplement qu'il n'existe pas de données facilement accessibles sur le respect des règlements passés en vertu de la Loi sur les pêches par les usines de pâtes et papiers.

Après des délais prolongés et de longues négociations, le gouvernement a fini par commencer à fournir ces documents à un tarif réduit. Bien qu'il n'ait pas fourni tous les documents, nous avons obtenu des données préliminaires, surtout en ce qui concerne le Québec, que nous avons publiées sous forme de rapport.

Je passe à l'onglet numéro 1. À la fin de cette partie, vous trouverez un tableau de deux pages qui témoigne de l'envergure du problème au Québec. Comme vous pouvez le constater, sur les 62 usines du Québec, au moins 20 déversaient dans l'eau des rejets dont la toxicité était supérieure aux plafonds prévus dans le règlement et ce, d'après les propres dossiers du gouvernement. En fait, une usine avait commis 98 infractions rien qu'en 1996; pourtant, aucune poursuite n'a été intentée contre elle.

Nous ne les avons pas annexées à notre mémoire, mais depuis que celui-ci a été préparé, nous avons reçu des données préliminaires concernant l'Ontario et les provinces maritimes, où se pose un problème analogue. D'après les chiffres pour 1996, sur les 21 usines, 15 enfreignaient les règlements et le nombre d'infractions se chiffrait à 128. Une seule accusation a été portée. Les données préliminaires que nous avons au sujet de l'Ontario indiquent que sur les 25 usines, 10 ne respectaient pas les règlements en 1996 et que le nombre d'infractions s'élevait à 46. D'après les dossiers que nous avons pu consulter, une seule accusation a été portée par le gouvernement provincial mais aucune par le gouvernement fédéral, aux termes de la loi fédérale. Par conséquent, les infractions sont nombreuses et les poursuites très rares.

• 0935

En examinant la situation du Québec de plus près, on constate qu'elle illustre très bien les problèmes qui découlent de la dévolution des responsabilités et de l'harmonisation. Je vais vous citer un bref passage du troisième paragraphe intitulé «Délégation au Québec» de la page intitulée «Renseignements généraux», qui se trouve sous l'onglet numéro 1. Voici ce passage:

    En 1994, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec ont signé une entente déléguant au Québec la responsabilité de s'assurer de l'application des règlements fédéraux concernant l'industrie des pâtes et papiers, passés en vertu de la Loi sur les pêches. Ces deux gouvernements ont indiqué que le but était de réduire le dédoublement et le chevauchement administratifs, comme en ce qui concerne la récente entente d'harmonisation.

    En vertu de cette entente, le gouvernement du Québec est censé «être le seul à avoir des contacts avec les usines de pâtes et papiers». Il est censé être responsable de la surveillance des émissions des usines pour s'assurer qu'elles sont conformes au règlement fédéral et recommander au gouvernement fédéral les mesures de redressement éventuellement nécessaires. Le gouvernement fédéral conserve le pouvoir de porter des accusations contre une usine, après en avoir avisé le Québec, mais il ne l'a jamais exercé.

Il ne faut pas oublier que ce règlement a été adopté en 1992 et que les chiffres pour 1996, qui sont les chiffres complets les plus récents, révèlent des infractions systématiques, même après le délai de grâce d'un an, puis de deux ans, qui a été accordé aux entreprises pour leur permettre d'essayer de se conformer au règlement. Par conséquent, les entreprises de ce secteur ont bénéficié d'un certain délai pour se conformer au règlement, puis d'une prolongation jusqu'au 31 décembre 1995, en raison de circonstances extraordinaires, indépendantes de leur volonté, mais les données pour la période ultérieure à ce délai indiquent que les infractions sont courantes.

Ces chiffres témoignent d'un laxisme généralisé à cet égard et indiquent en outre que l'harmonisation—cette mini-entente bilatérale d'harmonisation entre le Québec et le gouvernement fédéral—s'est soldée par un échec. Cet échec est d'autant plus inquiétant que le gouvernement fédéral a décidé de conclure un accord d'harmonisation pour l'ensemble du pays, alors que le seul bon exemple que nous connaissions révèle l'existence d'un problème permanent et du laxisme systématique des deux gouvernements en ce qui concerne l'application de la loi.

Je vais passer au deuxième sujet, qui est également révélateur du problème qui se pose au niveau de l'application de la loi, mais surtout pour ce qui est de tenir le Parlement et les citoyens au courant des activités dans ce domaine. Ces documents se trouvent sous l'onglet numéro 2 et ils concernent un procès que nous avons dû intenter au ministère des Pêches et des Océans au nom de deux organismes, à savoir Friends of the Oldman River et le United Fishermen and Allied Workers Union. Le but de ce procès est de remédier aux manquements du ministère pour ce qui est d'informer les Canadiens des mesures prises pour appliquer la Loi sur les pêches.

En vertu de l'article 42.1 de la Loi sur les pêches, le ministre des Pêches et des Océans est tenu de publier un rapport annuel concernant l'application des mesures de protection de l'habitat du poisson et de prévention de la pollution de la Loi sur les pêches, à savoir essentiellement des articles 35 à 40 de la loi.

Après avoir envoyé de nombreux préavis au ministère et lancé des appels répétés en faveur de l'application de l'article 42.1, le Sierra Legal Defence Fund n'a plus eu d'autre possibilité que d'intenter la semaine dernière des poursuites contre la ministre pour non-conformité aux dispositions de l'article 42.1 de la loi.

Vous trouverez à cet onglet la lettre de la ministre, datée du 19 janvier et vous pourrez constater que depuis que nous avons réclamé des rapports annuels, deux rapports annuels ont été publiés, à savoir pour l'exercice se terminant en mars 1995 et pour l'exercice se terminant en mars 1996. Le rapport pour l'exercice se terminant en mars 1997 n'a pas encore été publié. De toute façon, ces rapports ne contiennent pas les renseignements requis aux termes de la Loi sur les pêches.

Cette loi indique clairement que le rapport annuel doit contenir un sommaire des activités d'application s'inscrivant dans le cadre des mesures de prévention de la pollution et de protection de l'habitat du poisson de la loi. Sur la deuxième page qui se trouve sous le deuxième onglet, vous constaterez que le ministre des Pêches et des Océans a déclaré ce qui suit dans le deuxième paragraphe de sa lettre:

    En ce qui concerne l'inclusion d'un tableau sommaire des poursuites intentées en vertu de l'article 40 de la Loi sur les pêches,

—il s'agit d'une prescription—

    nous avons éprouvé de la difficulté à réunir les renseignements nécessaires. Dans les provinces non côtières, par exemple, ce sont les autorités provinciales qui se chargent d'appliquer la Loi sur les pêches, et nous n'avons pas accès à leurs données concernant les infractions et les condamnations.

• 0940

Il s'agit d'une loi fédérale. Les autorités fédérales ont chargé des fonctionnaires provinciaux de l'appliquer à leur place mais n'ont aucune possibilité de savoir ce que font ces derniers. Il n'existe aucune obligation de rendre des comptes ni aucun mécanisme de déclaration et par conséquent, le gouvernement fédéral s'est littéralement déchargé des responsabilités qui lui sont conférées en vertu de la Loi sur les pêches sans exiger en retour qu'on le tienne au courant de l'efficacité des mesures prises pour appliquer la loi. Par conséquent, pour les quatre dernières années, les rapports annuels sont inexistants ou alors ils ne contiennent pas les données exigées par la loi en ce qui concerne les activités d'exécution.

Nous ne possédons donc pas de rapport annuel pour l'année dernière et les rapports qui ont été publiés pour les trois années précédentes sont des soi-disant rapports annuels mais ils ne contiennent pas les renseignements requis aux termes de la Loi sur les pêches. Par conséquent, il existe des soi-disant rapports annuels pour trois des quatre dernières années mais ceux-ci ne contiennent toujours pas les renseignements requis.

Peu importe la question de l'application de la loi par les gouvernements provinciaux, il reste que le gouvernement fédéral doit indiquer aux Canadiens et au Parlement—auxquels ce rapport doit être remis—comment la Loi sur les pêches est appliquée. Sinon, on ne rend aucun compte et il n'est pas possible de suivre les progrès.

S'il était évident que l'application de la loi revêt une priorité absolue, cette situation ne serait pas aussi inquiétante. Cependant, étant donné la piètre performance du gouvernement du Québec en ce qui concerne les problèmes de conformité au règlement qui se posent dans le secteur des pâtes et papiers, comme nous l'avons déjà signalé et, en outre, l'ingérence dans les poursuites intentées par des particuliers dans le but de tenter de faire appliquer la Loi sur les pêches, les Canadiens n'ont plus aucune garantie que celle-ci est effectivement bien appliquée.

J'ai fait allusion au problème de la suspension, par le gouvernement, des poursuites intentées par des particuliers. Le Sierra Legal Defence Fund est intervenu dans un certain nombre de poursuites privées au cours des dernières années, principalement en Colombie-Britannique. Le fait que le gouvernement omet d'appliquer la Loi sur les pêches ainsi que d'autres dispositions législatives concernant l'environnement, y compris les lois provinciales, dans cette province, les citoyens ont dû prendre l'initiative et intenter des poursuites privées.

Malheureusement, les gouvernements provinciaux, et surtout ceux de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, s'ingèrent systématiquement dans ces poursuites. Ils les suspendent et ne respectent pas les droits des citoyens d'intenter de telles poursuites. Cette attitude va à l'encontre de l'intérêt public.

Nous avons servi d'intermédiaires dans au moins quatre poursuites privées aux termes de la Loi sur les pêches dans la province de la Colombie-Britannique et dans les quatre cas, les poursuites ont été prises en charge par le procureur de la province et suspendues. Même dans un cas où la province a reconnu l'existence d'infractions—vous pourrez constater que sous l'onglet numéro 3, après les coupures de journaux, nous avons signalé que nos cours d'eau deviennent déjà assez rapidement des puisards sans l'aide des pouvoirs publics—le gouvernement a suspendu la poursuite et a en gros encouragé les coupables à continuer à polluer le Fraser.

À la suite des coupures de journaux, se trouve le texte de quatre dénonciations aux termes de la Loi sur les pêches faites au cours des dernières années. L'une des accusations est portée contre le District régional de Vancouver, c'est-à-dire la municipalité, pour le déversement d'eaux-vannes non traitées dans le Fraser. L'autre poursuite est intentée contre la municipalité pour des infractions à la Loi sur les pêches et à la législation provinciale.

Suivent une série d'accusations contre les compagnies forestières de la province de la Colombie-Britannique pour perturbation de l'habitat du poisson et une autre série d'accusations, portées l'année dernière, contre une autre entreprise forestière accusée d'enfreindre les dispositions de la Loi sur les pêches visant à protéger l'habitat du poisson ainsi que la législation provinciale concernant l'exploitation forestière. Toutes ces accusations ont été suspendues. C'est même arrivé dans des cas où le procureur de la province, qui avait repris ces poursuites à son compte, avait reconnu que les renseignements que nous avions réunis avec l'aide d'autres personnes étaient très sérieux et qu'une condamnation était probable.

C'est absolument inadmissible. Si le gouvernement n'applique pas la législation environnementale, que les citoyens doivent s'en charger, et que les autorités dressent des obstacles sur leur chemin, il ne reste plus personne pour appliquer la Loi sur les pêches et les autres dispositions législatives concernant la protection de l'environnement. Étant donné le laxisme des pouvoirs publics et la suspension systématique des poursuites par les autorités provinciales, il n'est pas étonnant que des infractions à la loi soient commises continuellement.

• 0945

Comme tout le monde le sait, on continue à déverser des eaux d'égout non traitées dans les cours d'eau, surtout dans des villes comme Victoria et Halifax. On empêche les citoyens soucieux de faire appliquer les lois du Canada et de mettre fin à ces problèmes de pollution d'intervenir, soit que les gouvernements omettent de porter eux-mêmes les accusations qui s'imposent et de résoudre les problèmes, soit qu'ils suspendent les poursuites intentées par des particuliers.

La fin de mon mémoire porte sur les trois principaux moyens de résoudre le problème. Puisque M. Muldoon a déjà parlé de la majorité de ces solutions, je les passerai en revue très rapidement.

Premièrement, des ressources accrues sont manifestement nécessaires. L'insertion, dans les lois et règlements à caractère environnemental, de dispositions prévoyant des amendes administratives contribueraient notamment à financer l'opération.

Il en a déjà été question au chapitre 14 de votre rapport intitulé Notre santé en dépend!. Sans entrer dans les détails, je tiens à signaler que de telles dispositions permettraient aux organismes gouvernementaux chargés d'appliquer la loi d'imposer des amendes administratives à ceux et celles qui l'enfreignent. C'est plus rapide et moins coûteux que les poursuites et c'est beaucoup plus rentable.

Aux États-Unis, où l'on y a recours très souvent pour la plupart des infractions, de préférence aux poursuites pénales, elles permettent à l'Environmental Protection Agency de réaliser des bénéfices nets. Ces amendes aident à financer d'autres programmes environnementaux ainsi que la surveillance et l'exécution courantes. Elles font diminuer le coût de l'application des lois tout en faisant augmenter les recettes. C'est un excellent moyen d'accroître l'efficacité de la loi parce que, comme tout le monde le sait, les poursuites sont coûteuses et que l'on n'y a par conséquent pas aussi souvent recours que si c'était moins coûteux.

Comme l'a signalé M. Muldoon, les actions intentées par les citoyens constituent un autre moyen d'obliger les autorités compétentes à rendre davantage de comptes. Il n'est pas nécessaire d'y avoir recours très fréquemment mais quand cette option existe, elle incite les autorités à remplir leurs obligations, sachant que si elles omettent de le faire, leurs agissements seront contestés dans le cadre d'une action en justice intentée par un particulier.

En Ontario, au Québec, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, il existe des dispositions législatives concernant les actions en justice intentées par des citoyens et on n'y a pas souvent recours. Dans certaines provinces, comme en Ontario, cette solution est trop coûteuse pour les parties désireuses d'intenter des poursuites.

Nous recommandons d'intégrer, à la législation fédérale qui concerne la protection de l'environnement, des dispositions accordant aux citoyens le droit d'intenter des poursuites, par le biais d'une charte des droits en matière d'environnement, s'appliquant à toute la législation fédérale, dispositions qui permettraient aux citoyens d'intenter des poursuites lorsque les pouvoirs publics omettent d'agir.

La question a déjà été abordée en fait par l'administration libérale. Lorsqu'il était porte-parole de son parti en matière d'environnement, M. Paul Martin a présenté, en mars 1992, un rapport intitulé L'Environnement: Une vision libérale, dans lequel il est question, à la page 22, de la nécessité d'adopter une charte des droits en matière d'environnement. Il en est de même, à la page 234 du rapport intitulé Notre santé en dépend!. Il ne s'agit donc pas d'une idée nouvelle. Cela a été recommandé à maintes reprises, mais sans résultat.

Ce sont là quelques-unes des solutions possibles. J'ai terminé et vous pouvez donc commencer à poser des questions.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci beaucoup.

Nous commencerons notre premier tour de questions, par M. Casson, puis M. Bigras.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci monsieur le président.

Les poursuites intentées par les citoyens et leur coût m'intéressent. Vous avez dit que c'était relativement coûteux. Est-ce le poursuivant qui paie la facture? Comment cela fonctionne-t-il pour le moment?

M. Jerry DeMarco: Dans le cas d'une poursuite?

M. Rick Casson: Oui.

M. Jerry DeMarco: En principe, c'est la personne qui intente des poursuites qui finance l'accumulation de données et d'éléments de preuve ainsi que la préparation du dossier pour le tribunal.

M. Rick Casson: Le gouvernement met-il de l'argent à la disposition des citoyens à cet effet? Ont-ils droit à des subventions lorsqu'ils font des interventions?

M. Jerry DeMarco: Non. Aucune subvention publique n'est prévue pour les intervenants, les participants ou les informateurs, dans ce genre d'action.

• 0950

M. Paul Muldoon: La seule exception concerne peut-être les poursuites intentées aux termes de la Loi sur les pêches, car dans ce cas-là, le poursuivant à titre privé reçoit la moitié du montant de l'amende. Ces dispositions sont toujours en vigueur. Personne n'a essayé, à ma connaissance, d'intenter de telles poursuites pour cette raison et de toute façon, cet argent couvre rarement les frais que représente une action en justice.

Comme on l'a indiqué, il y a d'une part les poursuites privées mais aussi d'autre part l'action individuelle en justice qui ne constitue pas une véritable poursuite. C'est un recours d'un type différent, c'est un recours au civil. Dans ce cas, dans presque toutes les lois, la règle générale est la suivante: le perdant paie les frais du gagnant. Par conséquent, lorsqu'un organisme tel que l'Association canadienne du droit de l'environnement ou le Sierra Legal Defence Fund intente une action au civil aux termes de la Déclaration des droits en matière d'environnement de l'Ontario, par exemple, il court le risque de devoir payer non seulement ses frais mais aussi ceux du défendeur s'il perd son procès.

En ce sens, c'est une double malédiction pour les citoyens. Premièrement, en essayant de faire appliquer les lois sur l'environnement et d'exiger une réparation des dommages causés, ils ne font que servir l'intérêt public et dans ce genre de cas, il s'agit généralement d'une ordonnance concernant le nettoyage ou la réparation des dommages écologiques. Les citoyens risquent donc de devoir régler la facture. La Déclaration des droits en matière d'environnement indique que le tribunal peut assouplir cette règle mais que cette dernière s'applique, à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire. À mon avis, la règle qui veut que ce soit le perdant qui paie la facture est la principale raison pour laquelle les citoyens hésitent à intenter des poursuites.

Par conséquent, cela coûte de l'argent.

M. Rick Casson: Les frais ne sont pas pris en charge par le gouvernement.

Vous avez signalé tous les deux qu'il était nécessaire d'affecter davantage de ressources à l'application des lois. Vous avez parlé tous les deux du manque de coordination et de la nécessité de centraliser les services. Vous avez ajouté qu'en Ontario, par exemple, le nombre de condamnations est 35 fois plus élevé que le nombre de condamnations faites par le gouvernement fédéral.

M. Paul Muldoon: Permettez-moi de vous expliquer ceci. Environnement Canada en est au même stade que la province de l'Ontario au tout début des années 80. Ce n'est qu'en 1986 qu'un changement radical s'est produit au ministère de l'Environnement, grâce à la création de la DEAL, la Direction des enquêtes et de l'application des lois. Il s'agit d'une nouvelle direction complètement distincte du service de lutte contre la pollution du ministère. Il existait alors un groupe de personnes spécialisées dans l'application des lois. On l'appelle familièrement la «police verte» mais ces fonctionnaires font des inspections et appliquent les lois. C'est leur rôle. Ils sont spécialisés et ils font leur travail avec dévouement et énergie, parce que c'est leur spécialité.

Par conséquent, bien que davantage de ressources y aient été consacrées, il s'agissait également d'une structure institutionnelle dont le rôle n'était pas de s'attirer les sympathies de l'industrie ni de lui montrer comment faire. C'est le rôle des services de lutte contre la pollution. Le travail de cette «police verte» consiste à s'assurer que la loi est respectée. Ces fonctionnaires sont spécialisés dans ce domaine.

Ce n'est pas uniquement une question de ressources et d'argent mais aussi de structure institutionnelle et c'est pourquoi ma recommandation est axée là-dessus. Il n'existe rien d'analogue à Environnement Canada. Par conséquent, il arrive parfois que la situation devienne passablement embrouillée.

M. Rick Casson: La question des eaux-vannes et des égouts relève évidemment en grande partie des municipalités. D'après ce que vous avez pu constater, comment s'acquittent-elles de leur responsabilité à cet égard?

M. Jerry DeMarco: Nous sommes précisément en train d'établir une fiche de rapport sur les eaux d'égout. Certaines municipalités comme Vancouver, Victoria et Halifax, ont une très piètre performance à cet égard. Celles dont la performance est la meilleure ont tendance à être des municipalités situées dans des régions qui ne se trouvent pas à proximité d'un océan où l'on peut se contenter de déverser les eaux usées et de les oublier. C'est principalement parce que leur source d'eau potable est souvent la même que le milieu récepteur. Par conséquent, les municipalités qui ont tendance à améliorer leur performance à cet égard le font généralement uniquement dans leur intérêt personnel. Celles qui ont la possibilité de se débarrasser purement et simplement des eaux usées sans penser plus loin profitent souvent de cette situation, parce que les règlements ne sont généralement pas appliqués.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Monsieur Bigras.

• 0955

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): J'aimerais revenir sur l'Accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale.

Lorsqu'on a étudié cette question pendant plus d'un mois, différents groupes, entre autres les deux groupes qui sont devant nous, je crois, nous ont fortement recommandé de ne pas ratifier cet accord. D'une part, je tiens à vous rappeler que le Québec n'a pas signé ou ratifié cette entente. C'est la première des choses.

J'aimerais connaître votre interprétation de l'application de la loi, compte tenu que le Québec n'a pas signé ou ratifié cet accord. Est-ce que, selon vous, c'est le statu quo qui va perdurer? Quelle est votre interprétation de l'impact du fait qu'il n'y a pas eu ratification de l'accord par le Québec?

[Traduction]

M. Paul Muldoon: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre.

J'ignore les motifs pour lesquels le Québec a refusé de signer l'accord sur l'harmonisation. Une des explications est, si je comprends bien, que la province du Québec souhaiterait voir la nouvelle version du projet de loi concernant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pour voir dans quelle mesure elle reflète le programme global du gouvernement fédéral en matière d'harmonisation. C'est le seul commentaire que j'aie à faire.

Avec ou sans le programme et l'accord d'harmonisation, j'estime qu'il faut adopter une perspective plus générale et essayer de déterminer quel est le rôle du gouvernement fédéral et quel est celui des provinces, en matière de protection de l'environnement.

Dans mon mémoire, je pars du principe que leurs rôles sont différents, qu'ils sont distincts mais complémentaires. La raison pour laquelle j'ai vigoureusement critiqué l'accord d'harmonisation, c'est qu'il fait abstraction de ce caractère distinct. Il instaure en quelque sorte un régime unique au lieu d'accepter deux régimes complémentaires. Par conséquent, si l'un de ces gouvernements omet d'agir, l'environnement est d'autant plus en danger.

Au contraire, nous préconisons essentiellement d'accroître la collaboration. Il convient de mieux coordonner les rôles et les responsabilités des instances fédérales et provinciales en matière d'environnement au lieu de procéder à une dévolution des responsabilités à un seul palier de gouvernement. Voilà l'approche que nous recommandons.

[Français]

M. Bernard Bigras: Je dois vous dire que je ne suis pas un avocat spécialiste dans le domaine de l'environnement. J'aimerais savoir quelles seront les conséquences concrètes de cela pour le Québec par opposition à une province qui aurait ratifié l'entente. On se retrouve avec une province qui n'a pas ratifié l'accord d'harmonisation et avec une autre qui l'a ratifié. En termes de l'application de la loi, quelles sont les conséquences de cette non-ratification sur le territoire du Québec?

Vous nous avez souvent dit que l'accord, sur le plan environnemental, n'était pas acceptable. Au Québec, l'accord n'a pas été signé. Je voudrais savoir quel sera l'impact de cela demain matin.

[Traduction]

M. Paul Muldoon: J'ignore quelle en sera l'incidence dans l'immédiat mais j'ai l'impression que le principal objectif de l'accord ou de l'entente d'harmonisation était la décentralisation ou la dévolution des responsabilités et des rôles fédéraux aux provinces. Le fait que le Québec n'ait pas signé l'accord semble compromettre les chances d'atteindre cet objectif en particulier. Par conséquent, le fait que le Québec ait refusé de signer risque de réduire l'efficacité escomptée de l'accord d'harmonisation proprement dit.

J'ignore quelles seront les répercussions à longue échéance. Vous vous adressez à la mauvaise personne. Nous estimons qu'il n'aurait pas fallu que l'on signe l'accord, un point c'est tout.

[Français]

M. Bernard Bigras: Vous nous dites que le Québec aurait peut-être mieux fait de signer l'accord d'harmonisation pour améliorer l'environnement. Je ne sais pas si c'est cela que je dois comprendre. Ma question sera bien simple. Est-ce que le Québec a bien fait de ne pas ratifier l'accord étant donné ce que vous nous dites depuis quelques mois? C'est ma question.

• 1000

[Traduction]

M. Paul Muldoon: Je ne sais pas très bien où vous voulez en venir mais nous estimons qu'aucune province n'aurait dû signer l'accord, ni le gouvernement fédéral. L'accord n'a aucun sens du point de vue de la politique environnementale. J'ignore quelles seront les conséquences du refus du Québec de le signer.

Nous sommes déjà venus témoigner au moins une fois et nous vous avons déjà parlé des énormes réticences que nous avons au sujet de cet accord. Les témoignages de M. DeMarco, en ce qui concerne la performance des pouvoirs publics en matière d'application, nous convainquent encore plus que la dévolution des fonctions et des responsabilités fédérales en matière d'environnement constitue une source de problèmes. C'est tout pour l'instant.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Muldoon.

Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci.

J'espère que vous comprendrez la naïveté de ma question, mais je me demande pourquoi ces poursuites ont été suspendues. Je n'arrive pas à comprendre.

M. Jerry DeMarco: Il est difficile de percer à jour les intentions du gouvernement pour savoir ce qu'il en est au juste. Certaines provinces ne suspendent pas systématiquement les poursuites à caractère écologique. La Colombie-Britannique et l'Alberta le font, pour une raison ou une autre. Elles le font régulièrement.

J'ai annexé les documents juridiques utilisés dans un des cas, rien que pour vous montrer qu'il ne s'agissait pas d'actions en justice qui sont sans fondement ou vexatoires. Sous le troisième onglet, à partir de la page télécopiée numéro 12, vous pouvez voir dans le coin supérieur droit que les eaux-vannes non traitées en provenance des égouts du District régional de Vancouver sortent directement de l'égout d'évacuation de la promenade Clark. Il ne fait aucun doute que ces eaux d'égout non traitées et non filtrées sortent à cet endroit et il s'agit bel et bien d'une infraction à la Loi sur les pêches.

Le Sierra Legal Defence Fund n'a pris ces cas en main qu'à partir du moment où nos experts ont décidé qu'une action en justice était largement justifiée et que les probabilités de condamnation étaient bonnes—et je lis un passage du 15e paragraphe des actes de procédure. Après toute une série d'ajournements, le gouvernement a toutefois décidé de suspendre les poursuites.

Nous avons essayé de contester cette décision, mais étant donné que l'État bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire étendu, il est difficile de savoir quels sont ses motifs exacts. D'après les procureurs de la Couronne, les ententes à l'amiable conclues entre la province de la Colombie-Britannique et la municipalité pourraient être l'excuse qu'invoque celle-ci pour continuer à déverser des eaux polluées. Cet argument pourrait être invoqué en ce qui concerne les accusations portées aux termes des lois provinciales, mais les accusations ont été portées en vertu de la législation provinciale et de la législation fédérale et, par conséquent, on n'a aucune excuse de suspendre les actions intentées aux termes de la Loi sur les pêches.

Nous avons un peu de difficulté à déterminer pour quelle raison au juste elles ont été suspendues. Dans d'autres provinces par contre, les poursuites que nous avons intentées n'ont pas été suspendues. C'est un problème difficile à régler, mais cela indique clairement que la dévolution de pouvoirs en matière de poursuites intentées pour des motifs d'ordre écologique, à une province qui n'est pas intéressée à ce qu'elles soient menées jusqu'au bout, est un inconvénient supplémentaire de l'harmonisation.

Mme Karen Kraft Sloan: J'habite en Ontario et par conséquent c'est généralement de ce qui se passe dans cette province que je peux parler.

Je me demande si l'un des organismes que vous représentez a fait une étude sur la dévolution aux municipalités, par le gouvernement de l'Ontario, de certaines responsabilités liées à l'application des règlements concernant l'environnement, parce que j'ai entendu parler de ce qui se passe. Je me demande si vous pourriez faire des commentaires sur ce qui se passe à l'échelon provincial et à l'échelon municipal dans cette province, et sur les responsabilités qui ont été dévolues à ce palier de gouvernement.

M. Jerry DeMarco: Comme l'a si bien signalé M. Muldoon dans le deuxième tableau de son rapport, dans la province de l'Ontario, le nombre d'accusations a diminué de 1 500 en 1994 à 700 en 1996, sous le nouveau régime. Par conséquent, on peut certes parler d'un certain relâchement dans l'application des lois en Ontario au cours des deux dernières années. Rien n'indique toutefois que les municipalités sont effectivement investies des pouvoirs nécessaires ou qu'elles disposent du budget voulu pour assumer ce genre de responsabilités.

• 1005

Dans certains cas, les municipalités sont une des sources du problème de pollution. Kingston, par exemple, est actuellement confrontée à des accusations et par conséquent les relations entre le palier provincial et le palier municipal ne... La dévolution des responsabilités en matière d'application de la législation environnementale de l'échelon supérieur à l'échelon inférieur, c'est-à-dire du palier fédéral au palier provincial ou du palier provincial au palier municipal, ne peut durer, parce que ces questions ne relèvent pas de la compétence des municipalités.

Comme l'a décrété la Cour suprême au cours de l'automne dernier, dans l'affaire d'Hydro-Québec, la prévention de la pollution est une activité d'importance capitale et c'est un des plus grands défis de notre époque, qui nécessite l'intervention de tous les paliers de gouvernement, à commencer par le fédéral. Par conséquent, on ne peut refiler indéfiniment le problème aux instances de niveau inférieur, parce que les administrations municipales, et plus particulièrement celles de l'Ontario, n'ont pas ce qu'il faut pour assumer les responsabilités du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux dans ces domaines.

M. Paul Muldoon: Ce que vous dites est très intéressant. Je suppose que l'on aura tendance à essayer de se décharger d'autres responsabilités sur les administrations municipales. Une preuve est qu'en Ontario, un projet de loi qui a été adopté depuis peu confie la responsabilité des systèmes septiques aux municipalités; ce sont elles qui seront chargées de faire respecter les règlements en la matière. Même si ces responsabilités leur avaient déjà été déléguées en partie, ce transfert des responsabilités est désormais officiellement reconnu. Pour les municipalités dont la majeure partie du réseau d'égouts est constituée de systèmes septiques, cela représentera un défi gigantesque. Je crois que c'est la tendance actuelle et je la trouve inquiétante. Les municipalités n'ont pas la capacité voulue.

Il y a souvent un autre problème qui se pose également. La raison pour laquelle nous préconisons depuis toujours que, d'une manière générale, chaque palier de gouvernement applique ses propres lois, est qu'il est parfois difficile pour un palier de gouvernement d'appliquer ses lois à cause de ses relations avec la collectivité qui y est assujettie. Certaines provinces veulent plaire à des collectivités assujetties aux lois et aux règlements parce qu'elles ont intérêt à le faire et par conséquent, dans un cas semblable, il n'est que juste que ce soit le gouvernement fédéral qui assure la surveillance. Comme vous pouvez le constater, il existe certaines raisons sous-jacentes d'ordre économique et social justifiant l'existence de divers paliers d'exécution.

Vous vous souvenez peut-être que l'une des choses que nous préconisons depuis toujours est de dépenser les ressources consacrées à l'application des lois de façon judicieuse et efficace. On prétend que le chevauchement et le dédoublement sont extrêmement fréquents, mais c'est une chose qui reste à prouver de façon empirique. C'est ce que nous préconisons; lorsqu'on a affaire à un problème de taille, ce problème mérite le genre de solution que l'on propose. Ces solutions n'ont pas été adoptées.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci. Nous terminerons le premier tour de questions par M. Lincoln puis nous écouterons les questions de M. Herron et de M. Laliberte.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Je me souviens que dans les années 80, lorsque j'avais pas mal de contacts avec Jim Bradley, je m'extasiais parce qu'il existait à l'époque, si j'ai bonne mémoire, une centaine d'inspecteurs et d'enquêteurs, pour la plupart des ex-agents de la GRC et de la police provinciale, et environ 36 avocats, dont certains travaillaient notamment à contrat, pour les poursuites et l'application des lois. L'autre jour, le gouvernement fédéral nous a cité des chiffres indiquant qu'une soixantaine de personnes étaient affectées aux services d'exécution, d'enquête et d'inspection. Onze de ces personnes sont des cadres qui ne travaillent pas sur le terrain, ce qui veut dire qu'il reste 49 personnes pour appliquer 32 règlements fédéraux. Je suppose que c'est précisément là que se trouve la réponse.

En fait, je me demande si l'une de vos organisations ou les organisations écologiques ont jamais songé à se donner la peine de comparer les statistiques pour l'Ontario dans les années 80 aux statistiques récentes. D'après les moyennes et ainsi de suite, combien de personnes le gouvernement fédéral devait-il affecter à ces tâches? Nous avons essayé d'arracher la réponse aux fonctionnaires fédéraux qui sont venus témoigner. Pas un seul d'entre eux n'a voulu nous le dire. En fait, lorsqu'on leur a demandé s'ils avaient besoin de ressources supplémentaires, ils ont répondu ceci: «Certainement pas. Nous avons tout ce qu'il nous faut. Il s'agit seulement d'accroître l'efficacité sur le plan administratif. Nous avons des ordinateurs et ainsi de suite et nous y arriverons.»

• 1010

Par conséquent, on se demande bien comment 49 personnes peuvent arriver à appliquer 32 règlements, notamment ceux concernant les déchets toxiques, l'activité criminelle transfrontalière, ceux de la LCPE et tous les autres règlements fédéraux... c'est dingue!

Je me demandais si vous pouviez nous dire combien de personnes sont affectées à l'application des lois et aux enquêtes pour les différentes provinces et pour l'ensemble du Canada, et quels effectifs il faudrait inciter le gouvernement à mobiliser à cette fin. Ce genre de chiffre nous serait vraiment utile.

M. Jerry DeMarco: Je ne possède pas de données à ce sujet, mais je pense que ce serait utile. J'ai lu le compte rendu de vos délibérations de la semaine dernière, et j'ai trouvé intéressant de constater que l'on vous donnait des réponses évasives, tant en ce qui concerne les rapports annuels, dans notre cas, qu'en ce qui concerne le personnel affecté à ces tâches.

Je crois que s'il y avait parmi nous des personnes qui travaillent sur le terrain, vous entendriez un autre son de cloche. Lorsque je m'occupais des poursuites pour le ministère de l'Environnement de l'Ontario, au cours des contacts que j'ai eus avec les enquêteurs travaillant sur le terrain, j'ai acquis la conviction absolue qu'il leur était littéralement impossible de déceler tous les problèmes qui se posaient, et pourtant, c'était le plus gros service d'enquête de tout le Canada. Les effectifs ont certainement été réduits depuis lors. Je suis convaincu que toutes les personnes qui travaillent sur le terrain estiment que les effectifs devraient probablement être beaucoup plus importants pour pouvoir accomplir cette tâche. Ces activités peuvent être financées en grande partie par les amendes administratives.

M. Clifford Lincoln: Je vous poserai deux autres questions pour être certain de bien comprendre, parce que l'autre jour, j'ai demandé à M. Swanson quelles lacunes existent dans les rapports concernant la Loi sur les pêches et il m'a répondu de façon très évasive. D'après ce que je peux comprendre pour l'instant, le dernier rapport complet remonte à 1994—c'est le dernier qui pourrait être jugé complet et conforme aux prescriptions de la loi. Est-ce exact?

M. Jerry DeMarco: Non. Le rapport pour 1994 était le seul rapport qui existait à l'époque où nous avons commencé à poser des questions au sujet des rapports pour 1995, 1996 et 1997. La première fois que nous avons présenté nos requêtes concernant les récents rapports, nous avons recommandé de les présenter autrement que celui pour l'exercice 1994, parce que celui-ci ne contenait pas le tableau récapitulatif concernant l'application des lois et règlements. Nous avons dit que nous étions conscients des lacunes qui existaient à cet égard et nous avons demandé aux responsables d'y remédier dans les trois rapports suivants. Deux de ces trois rapports sont parus depuis lors et ils présentent tous les deux la même déficience.

M. Clifford Lincoln: M. Swanson m'a dit que cette déficience persisterait peut-être encore un an, voire deux, mais pas plus. Cela fait en réalité quatre ans que cette déficience existe, parce qu'il a reconnu que les provinces n'avaient pas accumulé les données de façon conforme aux dispositions de la loi. Elles ne les gardent pas. Elles sont incapables de les fournir. Je lui ai demandé ce qui arriverait s'il ne les obtient pas toutes, ce qu'il ferait dans ce cas. Il a dit que l'on se contenterait de données approximatives pour publier un rapport.

Ainsi, vous prétendez que le gouvernement fédéral enfreint sa propre loi depuis quatre années de suite. Votre action en justice contre la ministre porte-t-elle par conséquent sur ces quatre années?

M. Jerry DeMarco: Je crois que notre action ne porte que sur trois années en ce qui concerne les rapports, mais nous avons examiné celui qui a été publié il y a quatre ans et il présente également une déficience.

D'après les dispositions de la loi, ce n'est pas aux provinces qu'incombe l'obligation de recueillir ces données.

M. Clifford Lincoln: Je m'en rends compte.

M. Jerry DeMarco: Elle incombe au gouvernement fédéral et s'il se décharge de ses responsabilités sur les provinces, c'est toujours à lui qu'incombe cette obligation. Le fait que l'on ne puisse pas faire grand-chose parce que les provinces ne recueillent pas ces données n'est donc pas un argument valable. On ne confie pas ces responsabilités aux provinces, s'il n'existe pas de mécanisme comptable en retour.

Par conséquent, nous estimons qu'aucun des soi-disant rapports qui ont été publiés ne contient les données prescrites par la loi. Et il n'existe même pas de rapport pour l'année dernière.

M. Clifford Lincoln: En ce qui concerne l'Ontario en particulier, l'accumulation des causes que le gouvernement provincial laisse tomber complètement, en partie à cause du différend qui l'oppose au gouvernement fédéral au sujet des transferts de fonds, ne signifierait-elle pas, à votre avis, que la situation est en train d'empirer au lieu de s'améliorer, pour ce qui est de cette province du moins?

• 1015

M. Paul Muldoon: Pour ma part, j'estime qu'il ne fait aucun doute que depuis le 18 septembre, c'est-à-dire depuis que la province de l'Ontario a dénoncé l'entente qu'elle a prise avec le gouvernement fédéral au sujet du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, le gouvernement fédéral essaie tant bien que mal de remédier à cette lacune.

Nous estimons personnellement que la province ne faisait pas du très bon travail et, je crois qu'en raison du retrait du gouvernement provincial, de nombreuses situations sont devenues problématiques du fait que le gouvernement fédéral ne fait pas preuve de suffisamment d'agressivité lorsqu'il s'agit de faire respecter ses propres lois.

M. Clifford Lincoln: Ma question vient se greffer à celle que vous a posée Mme Kraft Sloan. Vous prétendez que la province de la Colombie-Britannique a suspendu les poursuites que vous aviez intentées à titre privé. Si je comprends bien, les procureurs reprennent les poursuites à leur compte, puis ils décident avec le gouvernement provincial de les suspendre.

Quelle solution préconisez-vous éventuellement, à titre de représentants de la partie civile? Pouvez-vous contester devant la loi les agissements du procureur de la Couronne? Existe-t-il une possibilité d'exercer des pressions sur la province pour avoir suspendu une cause qui était manifestement fondée?

M. Jerry DeMarco: Nous avons essayé de le faire par le biais d'une révision judiciaire. J'ai en fait annexé le texte de la pétition qui avait été présentée à la cour à ce sujet il y a deux ou trois ans. En raison de l'étendue des pouvoirs discrétionnaires de la Couronne en matière de supervision et de suspension des poursuites ainsi qu'en matière d'ingérence dans ces poursuites, nous ne sommes pas parvenus à obtenir gain de cause.

Par conséquent, la législation concernant l'environnement devrait être modifiée de façon à imposer certaines restrictions au procureur général de la province ou du Canada qui intervient dans des poursuites et les suspend. Il faudrait ajouter à la loi certaines dispositions stipulant qu'il appartient au procureur général de prouver pourquoi la prise en charge et la suspension d'une poursuite est dans l'intérêt général au lieu de nous imposer la charge de la preuve, alors que nous n'avons aucun moyen de connaître ses motifs d'agir ainsi. Par conséquent, il convient effectivement d'apporter certaines modifications à la loi dans ce domaine parce que la révision judiciaire n'a pas permis de protéger le droit du plaignant d'intenter une poursuite privée.

M. Clifford Lincoln: Une charte des droits pourrait également faire l'affaire.

M. Jerry DeMarco: Il pourrait s'agir d'une clause de la Charte des droits. Ce serait probablement plus approprié dans une charte de droits, parce que dans ce cas, on peut prévoir un renvoi à toutes les autres dispositions législatives concernées, comme dans le cas de la déclaration des droits de l'Ontario, qui souffre toutefois d'autres déficiences.

M. Clifford Lincoln: Merci.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Herron.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.

J'ai une petite question à poser qui vient se greffer à la première question de M. Lincoln.

On peut prendre comme points de comparaison d'autres pays comme la Suède et la Finlande, où l'industrie des pâtes et papiers occupe une place très importante et dont la population est analogue à celle de la province du Québec, voire de l'Ontario. Avez-vous des chiffres établissant un parallèle entre l'industrie des pâtes et papiers de ces pays et la nôtre? Savez-vous quelle est la différence entre leur législation et leur réglementation en matière d'effluents et la nôtre?

Ce sont des points de comparaison tout naturels à mon avis. On pourrait dire par exemple que les Suédois font telle ou telle chose dans des secteurs très semblables et que nous ferions peut-être bien de prendre telle ou telle initiative. Il est possible que ce soit encore pire ailleurs. J'ai toutefois l'impression que nous ne sommes probablement pas aussi avancés dans ce domaine que les Suédois.

M. Jerry DeMarco: Nous ne possédons pas de données à ce sujet. Des comparaisons avec d'autres pays et d'autres situations semblables seraient effectivement très utiles. Il serait peut-être utile de recommander à Environnement Canada ou au MPO d'entreprendre une étude à ce sujet.

Le fait que nous soyons meilleurs ou non que ces autres pays n'a pas vraiment d'importance, cependant; ce qui importe, c'est la conformité à la législation. Il est incontestable que notre performance est pitoyable à cet égard.

M. Paul Muldoon: Je suis d'accord. Ma première recommandation reconnaît en fait la nécessité d'effectuer une étude comparative mais je pense que, dans ce cas, elle devrait porter non seulement sur certains pays européens mais aussi sur les États-Unis et permettre de comparer la capacité d'exécution de ce pays à la nôtre et faire ressortir les différences qui existent entre les deux systèmes. J'ai l'impression que l'on constaterait qu'il existe un gouffre entre les deux.

• 1020

M. John Herron: Ce serait un outil très concret et très utile pour les ministères, lorsqu'ils demandent un accroissement de leur capacité.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci. Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Ce mémoire contient un article portant sur les usines de pâtes et papiers qui sont considérées comme des sources de pollution aux termes de la Loi sur les pêches et de la LCPE. Pourquoi le gouvernement fédéral continue-t-il, à votre avis, à se décharger de ses responsabilités sur les provinces alors qu'elles sont manifestement incapables de forcer les pollueurs à respecter les règlements?

M. Jerry DeMarco: Comme je l'ai déjà dit, il est difficile de connaître les motifs exacts mais j'ai la nette impression que les deux types de priorités liées à l'harmonisation—d'une part, les priorités financières liées à la compression des dépenses et au budget, par exemple, et d'autre part, les priorités environnementales en matière d'application de la loi—, l'emportent sur le désir de protéger l'environnement.

Pourtant, comme certains d'entre vous l'ont peut-être remarqué en lisant l'Ottawa Citizen la semaine dernière, d'après les sondages, la plupart des Canadiens veulent que l'on accorde la priorité à la protection de l'environnement. La réduction des efforts de protection de l'environnement pour des motifs d'ordre budgétaire va manifestement à l'encontre de l'opinion publique. Un mécanisme d'exécution efficace ne devrait pas être nécessairement quelque chose d'extrêmement coûteux.

M. Paul Muldoon: Il y a deux autres questions auxquelles j'ai fait allusion dans mon exposé. Le gouvernement fédéral, et surtout Environnement Canada, se demande s'il convient, d'une manière plus générale, de conserver ses pouvoirs en matière de réglementation. À mon avis, il se considère davantage comme un diplomate essayant d'apaiser l'industrie et les autres intervenants au lieu de reconnaître son rôle de législateur et la tâche qu'il a à accomplir à ce titre. Celle-ci consiste d'abord à établir des critères et des règlements et ensuite à faire respecter ces règlements. Par conséquent, le gouvernement néglige son rôle traditionnel et le rôle que je juge essentiel dans le contexte de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Je crois donc qu'il s'agit d'une perspective plus générale.

L'autre perspective est que le gouvernement fédéral considère dans l'ensemble la décentralisation ou la dévolution des responsabilités comme une bonne chose. Par conséquent, les possibilités, dans le domaine environnemental, de se décharger le plus possible des inspections, des évaluations environnementales ou de l'application des lois sur les provinces, sont considérées d'un bon oeil. La plupart d'entre nous rejettent cette présomption. Pour notre part, nous estimons que chaque palier de gouvernement a un rôle et des responsabilités spécifiques dans le domaine de l'environnement et qu'il convient de les maintenir soigneusement, de les défendre jalousement, mais ce n'est pas le cas. Le plus bel exemple est ce que M. DeMarco disait au sujet de l'entente bilatérale concernant le Québec et de ses résultats.

M. Rick Laliberte: D'après les statistiques concernant les activités du gouvernement actuel dans ce domaine, en 1990-1991, celles-ci ont atteint leur point culminant, avec près de 2 800 inspections. En 1995-1996, le nombre d'inspections était inférieur à 1 000. Par ailleurs, les fonctionnaires d'Environnement Canada prétendent qu'ils ont toutes les ressources nécessaires, comme l'a signalé M. Lincoln.

Quelle a été la portée de votre engagement au fil des ans? Quelle est votre opinion personnelle sur les inspections, les mesures d'exécution et le leadership du gouvernement fédéral, au cours des dix dernières années?

M. Paul Muldoon: Je crois que votre dernier commentaire est parfaitement exact. Cette situation témoigne de l'absence de leadership de la part du gouvernement fédéral. Je n'arrive pas à croire que les ressources, les budgets ou le personnel affectés à l'application des lois et règlements sont suffisants en ce qui concerne Environnement Canada—ou les services d'autres ministères chargés de l'exécution des lois.

• 1025

Environnement Canada ne cesse d'affirmer que la capacité fédérale en matière d'application des lois ne sera pas réduite dans le contexte d'une initiative d'harmonisation, quelle qu'elle soit. Je ne comprends pas non plus cet argument, parce que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Je soupçonne qu'elle diminuera encore quand le principe de la dévolution des responsabilités aux provinces sera appliqué à d'autres secteurs.

Je ne suis pas en mesure de donner une réponse à cette question, si ce n'est de réitérer notre prise de position traditionnelle en la matière: nous estimons que cette situation témoigne de l'existence d'un problème plus général au sein du gouvernement mais aussi d'un problème spécifique, à savoir le manque de volonté politique de faire effectivement ce qu'il faut et de fournir les ressources nécessaires aux personnes susceptibles de nous aider à protéger nos lois.

M. Jerry DeMarco: Vous posez des questions pertinentes au sujet des ressources et du personnel, mais je ne crois pas que la ministre de l'Environnement ou ses hauts fonctionnaires soient susceptibles de vous fournir les réponses exactes. De toute évidence, les hauts fonctionnaires ne tiennent pas à mordre la main qui les nourrit, même s'ils ne reçoivent que des miettes de ces temps-ci.

Si vous consultez les sondages d'opinion publique ou si vous posez la question aux personnes qui travaillent sur le terrain, vous constaterez qu'il est absolument impossible que le personnel ou les ressources affectés à l'application des lois et règlements environnementaux soient suffisants. Que l'on ait déjà été fonctionnaire ou non, on trouve cela loufoque. Vous ne devriez pas croire sur parole un haut fonctionnaire qui fait de telles assertions.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci.

Je tiens à féliciter M. David MacDonald et sa classe d'être venus assister à nos audiences. C'est toujours un plaisir de le voir ici.

C'est au tour de M. Gilmour, puis de M. Charbonneau et de M. Pratt.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci.

À l'instar de Mme Kraft Sloan et de M. Lincoln, j'essaie de trouver où le bât blesse en ce qui concerne les eaux d'égout, que ce soit à Vancouver, Victoria ou Halifax. Victoria est la circonscription du ministre des Pêches. Pourtant, celui-ci accepte que l'on déverse des eaux d'égout non traitées dans le détroit. Les Américains protestent régulièrement parce qu'ils estiment, tout comme moi, que c'est de la folie pure.

Je me demande si le problème est dû à l'absence de volonté politique aux paliers fédéral, provincial et municipal. À Victoria, le problème est manifeste. La loi et les règlements manquent-ils de mordant? Est-ce de la faute des tribunaux? Est-ce de la faute des deux?

M. Jerry DeMarco: C'est une question intéressante. Quant à savoir s'il y a ou non absence de volonté politique, la réponse est un oui catégorique. En ce qui concerne les eaux d'égout, du fait que c'est la municipalité qui est le pollueur, la province peut généralement mettre un terme au problème en imposant les lois provinciales. En raison du pouvoir que lui confèrent les dispositions de la Loi sur les pêches, le gouvernement fédéral pourrait toujours intervenir pour empêcher une telle situation. Si l'un de ces trois paliers de gouvernement avait eu la volonté de faire quelque chose—et c'est le cas dans certaines municipalités—dans des situations comme celle de Victoria par exemple, c'eut été possible.

Je crois que cette inertie est due à certaines réalités politiques. Dans la mesure où il faut modifier la loi pour empêcher ces gains politiques ou ces ententes à l'amiable d'empiéter sur le droit des Canadiens à un environnement sain, il faut à mon avis prévoir des possibilités de poursuites par les citoyens ou une limitation du pouvoir de suspension ou de prise en charge des poursuites. Cela aiderait à faire pencher davantage la balance en faveur de ce que l'assemblée législative ou le Parlement voulait protéger en adoptant la Loi sur les pêches et d'autres lois et les règlements concernant l'environnement.

M. Bill Gilmour: Pour le profane, la Loi sur les pêches est une loi fédérale. En ce qui concerne l'affaire dont vous parliez, à savoir le déversement des eaux d'égout de la promenade Clark dans le bras de mer Burrard, comment la province peut-elle suspendre les poursuites alors que celles-ci ont été intentées aux termes d'une loi fédérale? Est-ce la province qui se charge des poursuites au lieu du gouvernement fédéral? Je ne comprends pas du tout.

• 1030

M. Jerry DeMarco: Au Canada, la plupart des lois pénales sont administrées par les procureurs généraux des provinces; c'est par conséquent ainsi que... Tout comme dans la plupart des causes criminelles, c'est le gouvernement provincial qui se charge de l'affaire au lieu du gouvernement fédéral. C'est la même chose en ce qui concerne la Loi sur les pêches. Sous le régime législatif actuel, le gouvernement provincial a le pouvoir de prendre ces poursuites en charge. Je ne pense pas qu'il le ferait si les poursuites étaient intentées par le gouvernement fédéral, mais cela se fait lorsqu'il s'agit de poursuites intentées par un particulier.

Il faut reconnaître qu'à tout coup, la réputation de ces provinces est ternie davantage dans la presse écrite. Par contre, pour une raison ou une autre, elles continuent d'agir ainsi.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.):

[Note de la rédaction: Difficultés techniques] ...qui démontre que depuis le début des années 1990, depuis 8 à 10 ans, il y a une diminution du leadership fédéral en matière de mise en oeuvre de la loi. Il y a une dizaine d'années, au début des années 1990, le ministre de l'Environnement fédéral s'appelait Lucien Bouchard. Donc, votre analyse du leadership en matière environnementale s'est érodée depuis le temps.

D'autre part, vous n'êtes pas sans savoir que le Réseau québécois des groupes écologistes a rendu publique son évaluation du dossier environnemental du gouvernement du Québec depuis deux ans. Depuis deux ans, le Réseau québécois attribue la note d'échec général au gouvernement Bouchard en matière d'environnement au Québec. Ils font le bilan des promesses non tenues. Ils disent que le gouvernement Bouchard copie les pires cancres—j'aimerais pouvoir écouter l'interprétation de «cancres»—en matière environnementale, c'est-à-dire la droite républicaine américaine et le gouvernement Harris. D'après les écologistes québécois, c'est la référence pour le gouvernement Bouchard en matière d'environnement.

Pourriez-vous me donner votre évaluation à vous, et de la tendance canadienne depuis 10 ans et de la tendance intérieure d'une grande partie du Canada qui s'appelle le Québec en matière d'application des lois environnementales?

[Traduction]

M. Paul Muldoon: Je ne sais pas au juste quelle est la performance du Québec en la matière. Je n'ai pas examiné la question. Nous avons examiné à fond la performance de l'Ontario dans le domaine de l'environnement. Ce que nous pouvons dire, c'est qu'en Ontario, le budget du ministère de l'Environnement a été réduit de plus de 40 p. 100, ce qui représente plus de 750 postes en moins dans les laboratoires, dans les services chargés de formuler des normes, d'élaborer des politiques et d'appliquer les lois et règlements. Cela comprend également une restructuration de certains aspects du ministère de l'Environnement.

Nous savons donc que, dans la province de l'Ontario, ce secteur a été soumis à une déréglementation et à un dégraissage en règle. J'ai l'impression que la situation est analogue en Alberta et à Terre-Neuve, ainsi qu'au Québec, mais je n'ai pas les données exactes sous les yeux.

M. Jerry DeMarco: Il est indéniable que le vent tourne en politique. Je crois que les données concernant le Québec sont analogues à celles qui concernent Terre-Neuve: les compressions budgétaires des dernières années dans le secteur de l'environnement sont de l'ordre de 50 p. 100. Malgré que ce soit M. Bouchard qui ait fait entrer en vigueur les règlements pris en vertu de la LCPE dont la Cour suprême était saisie au cours de l'automne dernier, quand il était ministre fédéral de l'Environnement, son gouvernement s'est rallié au camp d'Hydro-Québec, pour essayer de les faire abroger. Il n'est pas facile de deviner ses motifs. Il est certain que les choses évoluent et un politique qui se préoccupe de l'environnement est susceptible d'avoir changé complètement d'attitude quelques années plus tard, en raison de certains impératifs d'ordre politique.

La nature et l'envergure des compressions budgétaires créent une situation inacceptable au Québec et en Ontario, ainsi qu'en Alberta et à Terre-Neuve. L'infrastructure nécessaire pour combler les lacunes qui existent au niveau de l'application des lois n'existe certainement pas au palier fédéral, surtout dans le contexte de l'harmonisation.

• 1035

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, je vais profiter de l'occasion pour faire une observation.

Nous avons devant nous la Canadian Environmental Law Association. Quand nous posons des questions sur ce qui se passe au Québec, ils disent: «Non, je connais ce qui se passe en Ontario, en Alberta et ailleurs, mais pas au Québec.» Pourquoi vous appelez-vous «Canadian Association» si vous n'êtes pas en mesure de nous parler du Québec avec la même compétence que de l'Ontario et de l'Alberta?

Selon la réponse, monsieur le président, je crois que le comité devrait peut-être inviter le Réseau québécois des groupes écologistes pour avoir des réponses et connaître l'ensemble de la situation du Canada. Je passe le message aujourd'hui parce que ce n'est pas la première fois qu'il y a des organisations dont le nom comporte le mot «Canadian», qui ne savent pas trop ce qui se passe au Québec. Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus. Ou bien vous êtes une organisation canadienne, ou bien vous êtes une organisation...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques] ...of Canada.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Charbonneau. Je crois que c'est un problème avec lequel nous sommes aux prises sur plusieurs fronts. Un groupe québécois est invité à comparaître après le congé. C'est une question que nous examinerons. C'est à cause des Premières nations du Québec, de leurs groupes écologiques.

[Français]

M. Yvon Charbonneau:

[Note de la rédaction: Inaudible].

[Traduction]

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Nous en avons pris bonne note.

M. Paul Muldoon: Pour répondre à la question du député, je me ferai un plaisir de revenir avec les renseignements nécessaires. Je ne suis pas venu ici pour parler en particulier de la performance du Québec en matière d'environnement. Si vous voulez que je le fasse, invitez-moi à nouveau et je reviendrai avec les renseignements correspondants. Ce n'est pas la question qui m'avait été posée, si j'ai bonne mémoire, et par conséquent je n'ai pas apporté les données correspondantes.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): La présidence vous a en fait laissé une certaine liberté en ce qui concerne les questions, en raison de la portée de la législation. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles nous avons bifurqué.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Nous avons effectivement entendu parler de la dévolution des pouvoirs du gouvernement fédéral aux provinces en matière d'environnement, au cours des dernières années. Je voudrais savoir quelles sont les tendances chez nos voisins du Sud parce que ce qui se passe dans ce domaine à l'échelle du continent est également important. Avez-vous la moindre impression qu'aux États-Unis, le gouvernement fédéral a également tendance à transférer certains pouvoirs aux États? Quels genres de compressions budgétaires ont été faites aux États-Unis?

M. Paul Muldoon: Je peux faire des commentaires d'ordre général à ce sujet. L'un est qu'au début des années 90, la majorité républicaine au Congrès a porté un coup dur à l'environnement. On y a présenté des projets de loi visant à abroger des dispositions très importantes du Clean Air Act et du Clean Water Act, si j'ai bien compris.

Par contre, cette attaque a été enrayée, en partie à cause de l'opinion publique et en partie à cause des républicains eux-mêmes, qui se sont rendu compte de l'ampleur des sacrifices qu'ils exigeaient. Ainsi, une vaste campagne en faveur d'une réduction de 30 p. 100 du budget de la Environmental Protection Agency avait été prévue, mais le projet a été abandonné.

C'est précisément ce que nous espérons au Canada; nous espérons que la réaction des citoyens aux initiatives gouvernementales incite les décideurs à réfléchir à nouveau à ce qu'ils font.

La tension causée par la dévolution des pouvoirs est également manifeste aux États-Unis, où une lutte entre le palier fédéral et les États a toujours existé et existe toujours. La différence est que la Constitution américaine confère désormais des pouvoirs clairs et précis au gouvernement fédéral en matière d'environnement. Tant en ce qui concerne le Clean Air Act que le Clean Water Act, d'importantes responsabilités sont déléguées officiellement aux États. Si certains États n'exercent pas ces pouvoirs comme il se doit, le gouvernement fédéral interviendra et leur enlèvera les pouvoirs qu'il leur avait délégués.

Par conséquent, le contexte américain est très différent du contexte canadien sur le plan constitutionnel. Il écarte toute ambiguïté et j'estime par conséquent que les pouvoirs publics doivent davantage rendre des comptes aux États-Unis qu'au Canada. Ce n'est pas le cas dans notre pays du fait que les responsabilités sont partagées dans la plupart des secteurs. La tension est légèrement différente.

• 1040

Le principe de la dévolution n'est certainement pas typiquement canadien. C'est une tendance qui se dessine à l'échelle du continent.

M. Jerry DeMarco: J'ai quelque chose d'intéressant à ajouter aux commentaires de M. Muldoon. À la dernière page de la dernière annexe de mon mémoire, vous trouverez une note concernant les répercussions de cette initiative républicaine. Entre 1980 et 1983, lorsqu'une attaque en règle a été lancée contre l'environnement au palier fédéral, le nombre d'interventions de l'Environmental Protection Agency a diminué de plus de 50 p. 100, mais il existait un filet de sécurité, grâce aux poursuites intentées par les citoyens.

Au cours de cette période, le nombre de poursuites de citoyens a augmenté et il a contribué à combler cette lacune. Ce n'est pas une solution durable, mais cela a démontré que les citoyens tenaient toujours à ce que ces règlements soient respectés. À la suite de cette réaction et de nombreuses autres interventions, les républicains ont décidé de renoncer à s'en prendre à l'environnement.

En ce qui concerne le Canada, si, dans le contexte de l'harmonisation, nous mettons tous nos oeufs dans le panier des provinces et qu'elles détiennent le contrôle absolu, grâce au pouvoir de suspendre les poursuites ou à celui de décider quels lois et règlements sont appliqués et quelles mesures ne le sont pas, en l'absence de dispositions efficaces permettant aux citoyens d'intenter des poursuites—même en Ontario, elles ne sont pas assez efficaces—, il n'existe aucune possibilité de compenser les lacunes dans ce domaine.

C'est pour cela qu'il faut modifier la loi, de sorte que dans une situation comme celle-ci, où le gouvernement fédéral se décharge de certains pouvoirs sur les provinces et que celles-ci n'agissent pas ou s'évertuent en fait à décourager les citoyens qui prennent des initiatives, on a besoin d'un mécanisme permettant de faire respecter la loi et de protéger l'intérêt public. Un tel mécanisme n'existe pas au Canada.

M. David Pratt: Par conséquent, d'une façon générale, vous voulez dire que nous avons des leçons à tirer de l'expérience américaine. Est-ce exact?

M. Paul Muldoon: Je préconise effectivement d'observer ce qui se passe ailleurs, pour glaner des renseignements. Cependant, quelle que soit la solution que l'on adopte au Canada, il faut que ce soit une solution typiquement canadienne; la culture juridique et le contexte constitutionnel sont différents. Il y a des enseignements positifs et négatifs à en tirer mais, même si cela est utile, il faut trouver à notre avis une solution typiquement canadienne à ce problème.

M. David Pratt: C'est normal. Merci.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Pratt.

Il reste quatre intervenants: M. Knutson, puis M. Laliberte, Mme Kraft Sloan, et enfin M. Lincoln. M. Knutson a la parole le premier.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci beaucoup. Je m'excuse d'être arrivé en retard, surtout si cette question a déjà été posée.

Pour anticiper quelque peu, j'ai l'impression que nous allons rédiger un rapport disant que le gouvernement fédéral a fait des coupes sombres dans son ministère. Nous citerons toutes sortes de cas où on n'a pas appliqué les lois et, après y avoir mûrement réfléchi, nous demanderons au gouvernement fédéral de faire davantage dans ce domaine, en le priant de nous donner une réponse. Le gouvernement fédéral emploiera des termes comme «partenariat», «rentabilité» et «utilisation des technologies modernes», entre autres choses.

À votre avis, existe-t-il une source de données de base sur laquelle nous pourrions nous appuyer pour souligner vraiment le fait que les pouvoirs publics font preuve de laxisme à cet égard, des données qu'un étudiant de première année d'études universitaires serait en mesure de comprendre, des renseignements convaincants?

M. Jerry DeMarco: Je ne sais pas si cela existe vraiment, mais le rapport de l'ALENA sur la pollution, qui est paru l'année dernière et qui attribue la cote numéro 3 à l'Ontario dans un classement portant sur l'ensemble du continent, indique que nous avons encore pas mal de progrès à faire. Le fait que l'on ne puisse pas encore se baigner dans les Grands Lacs sans courir de risques, ou que l'on ne puisse pas encore utiliser leur eau comme source d'eau potable, indique que nous avons encore bien du chemin à parcourir.

À l'échelon administratif, on peut toujours répondre que les effectifs sont suffisants et que ce problème relève en fait de la compétence d'un autre organisme. Par ailleurs, lorsqu'on envisage le problème dans une perspective d'ensemble et que l'on vérifie l'état du sol ou de l'eau, il est manifeste que la pollution demeure un problème d'envergure au Canada. Par conséquent, tant que nous ne pourrons pas boire l'eau qui nous entoure, nous devrons accroître nos ressources dans le domaine de la surveillance et de l'application des lois, jusqu'à ce que nous ayons atteint cet objectif.

M. Gar Knutson: Et si l'on nous répond que cela nous ferait perdre trop d'emplois, que cela entraînerait la fermeture d'un trop grand nombre d'entreprises, que l'on essaie de faire la part des choses, que Rome ne s'est pas construite en un jour et qu'il faut faire un pas à la fois? C'est ce qu'on nous répondra.

• 1045

M. Paul Muldoon: Je crois que les changements que nous préconisons ne se limitent pas au domaine de l'environnement, en ce sens qu'ils n'ont rien de radical. Nous prônons le respect du Parlement et des législateurs, le respect de la suprématie du droit. Il n'est pas question de partenariat lorsque nous faisons de l'excès de vitesse sur les routes. Les policiers ne nous considèrent pas comme des partenaires. Les lois sont appliquées.

Quelqu'un a parlé précédemment de la décision d'Hydro-Québec qui repose sur le principe que l'environnement est quelque chose de fondamental pour les Canadiens et qu'il incombe au Parlement de veiller à ce que ces lois soient protégées. Le droit pénal est un bon moyen de régler le problème, c'est une bonne solution.

C'est un principe analogue à celui de la primauté du droit, en ce sens que les lois existent et que les législateurs sont là pour édicter des lois. Par conséquent, l'application des lois fait partie intégrante du processus législatif.

Il existe un partenariat lorsqu'il s'agit d'apprendre aux citoyens à se conformer à la loi et de s'assurer que les lois sont équitables et efficaces. Par contre, une fois que les lois existent, leur application est un des préceptes de base de la démocratie et de la suprématie du droit.

J'ignore si cela répond à votre question, mais je considère que c'est un aspect absolument fondamental.

M. Gar Knutson: Y a-t-il eu une époque—au cours des 15 ou 20 dernières années, par exemple—où Environnement Canada a fait de l'excellent travail en matière d'exécution des lois, autrement dit existe-t-il des preuves d'un recul important dans ce domaine?

M. Paul Muldoon: Les chiffres que j'ai ne remontent qu'à 1991. Il ne faut pas oublier que les règlements concernant la protection de la couche d'ozone, ceux qui concernent l'industrie des pâtes et papiers et ceux qui portent sur les effluents miniers datent tous d'époques différentes. Les règlements sur les pâtes et papiers remontent en fait à 1991-1992, par conséquent pas très loin.

C'est pourquoi j'en reviens à poser les questions suivantes: premièrement, à quand remonte l'application des lois et deuxièmement, à quand remonte la volonté d'établir des règlements? Quand le gouvernement a-t-il commencé à se considérer comme un organe de réglementation?

Je dirais que dans les années 80, il se considérait beaucoup plus comme un organe de réglementation que maintenant. Par conséquent, nous ne serons pas seulement associés aux organismes de réglementation mais nous jouerons aussi un rôle dans ce domaine. La volonté de réglementer, la volonté d'appliquer les lois est indissociable de ce rôle.

C'est à cette époque qu'il faut remonter. J'estime que l'histoire démontre clairement qu'il y a une dizaine d'années, le gouvernement se considérait beaucoup plus comme un organe de réglementation que comme un partenaire d'un secteur industriel réglementé. Je considère cela comme une relation bipolaire. L'organe de réglementation doit par conséquent être indépendant du secteur réglementé et toute position qui se situe entre les deux est en fait ambiguë.

M. Gar Knutson: Je voudrais changer de sujet pour poser une question plus précise. Les dispositions du projet de loi C-74 concernant les poursuites intentées par les citoyens étaient-elles adéquates?

M. Paul Muldoon: C'est une bonne question. À l'annexe 4 de la version plus étoffée de notre mémoire, nous expliquons dans le menu détail pourquoi elles étaient inadéquates. En fait, nous avons employé, dans la partie II, le terme «illusoires» parce que c'est une illusion de croire que ces dispositions accordent des droits aux citoyens. Elles sont assorties d'un tel nombre de conditions que, comme avocat, je ne peux m'empêcher de me demander si j'oserais recommander à un client de les invoquer pour intenter des poursuites.

D'une certaine façon, ces dispositions ont besoin d'une révision. J'ai signalé qu'elles sont encore plus limitatives que celles de la Déclaration des droits en matière d'environnement de l'Ontario, à laquelle on a également vivement reproché son caractère trop limitatif. Elle n'a jamais servi. La clause de la Déclaration des droits en matière d'environnement concernant le droit d'intenter des poursuites n'a jamais été invoquée. J'ignore la raison exacte, mais je suppose que c'est en partie parce qu'elle est trop limitative. Le projet de loi C-74 l'est encore davantage.

Lorsque les fonctionnaires se mettront à vanter les mérites de la partie II du projet de loi, j'espère qu'on leur parlera de l'annexe 4 de notre mémoire. On y trouve largement assez de preuves de l'inefficacité de ces dispositions.

M. Gar Knutson: Est-ce que nous l'avons?

M. Paul Muldoon: Oui. Cela se trouve dans la version plus étoffée du mémoire, que j'ai remise au greffier ce matin.

M. Gar Knutson: Bien. Merci.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Knutson. Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte: J'ai en quelque sorte «décollé» en entendant parler du principe selon lequel c'est celui qui perd qui paie la facture et des poursuites intentées par les citoyens. L'autre aspect est le droit du citoyen d'être informé.

• 1050

En entendant Environnement Canada reconnaître qu'il compte beaucoup sur les services de renseignements, que pensez-vous d'insérer des dispositions concernant la dénonciation dans la LCPE? Je ne sais pas si ça ne devrait pas être plutôt dans la législation du travail, mais peut-être que cela devrait être dans la LCPE. Existe-t-il des ports et des entreprises où l'on s'intéresse de plus en plus à l'environnement ainsi qu'à la santé et à la sécurité des travailleurs? C'est une question de bien-être collectif. Quelle protection existe pour les travailleurs? Qu'envisagez-vous à cet égard?

M. Jerry DeMarco: Je répondrai brièvement, puis je céderai la parole à M. Muldoon.

La meilleure façon de régler le problème du droit d'information qu'ont les citoyens et les travailleurs consiste à protéger les dénonciateurs, notamment par le biais d'un texte législatif général comme une charte des droits en matière d'environnement, énonçant le droit des citoyens d'intenter des poursuites, de demander la tenue d'enquêtes, lui assurant une protection contre les représailles des employeurs et lui garantissant l'accès à l'information. Cela devrait se faire dans un texte législatif global portant sur l'environnement en général, qui renferme également des clauses concernant la santé et la sécurité au travail. Voilà comment il convient de procéder.

Je passe la parole à M. Muldoon, pour qu'il vous donne des explications plus précises.

M. Paul Muldoon: Le problème du droit d'être informé n'est examiné qu'en partie dans l'Inventaire national des rejets polluants. L'équivalent américain va beaucoup plus loin. Nous sommes également d'avis que ce droit devrait être reconnu dans un texte législatif. Il devrait faire partie intégrante de notre régime législatif, à l'instar des autres droits auxquels M. DeMarco vient de faire allusion.

Des dispositions législatives concernant les dénonciateurs sont absolument indispensables. Au cours des dernières années, les relations entre les travailleurs et les écologistes se sont améliorées de plus en plus, parce que les travailleurs ont tendance à être en première ligne et à voir ce qui se passe. L'un des problèmes est de savoir s'ils peuvent prendre des initiatives sans crainte de représailles, et c'est précisément le but des dispositions législatives concernant les dénonciateurs. Elles devraient protéger les travailleurs contre des représailles lorsqu'ils dénoncent des infractions aux mesures de protection de l'environnement et des problèmes écologiques. Ces dispositions devraient également accorder aux travailleurs une plus grande liberté de refuser de travailler dans ce dernier cas.

C'est le genre de questions que nous jugeons absolument nécessaire de régler dans le contexte d'une charte fédérale des droits en matière d'environnement.

M. Rick Laliberte: À ce propos—et je n'ai peut-être pas entendu ce que vous avez dit à ce sujet dans votre exposé—quel genre de charte des droits en matière d'environnement envisagez-vous? Ces droits ne sont pas protégés par la LCPE.

M. Paul Muldoon: La LCPE confère certains droits. Nous pensons à un texte législatif fédéral global qui conférerait certains droits aux citoyens, non seulement dans le contexte de la LCPE, mais aussi dans celui d'autres mesures législatives fédérales.

J'imagine deux ou trois principales catégories de droits. L'une comporte le droit fondamental de prendre part aux décisions concernant l'environnement. Ce droit garantirait que les citoyens aient amplement accès aux décisions et à l'information et qu'ils soient en mesure de participer au processus décisionnel gouvernemental par voie d'avis et de commentaires, qu'ils auraient plus facilement accès à l'information et seraient mieux au courant de ce genre de problèmes. Ce serait par conséquent une forme de prévention.

On peut toutefois envisager également, à plus longue échéance, la possibilité d'instaurer un système permettant aux citoyens d'intenter des poursuites, pour compléter les initiatives prises par les pouvoirs publics, et leur permettant de faire appliquer les lois. Il reste aussi la catégorie des droits des dénonciateurs, visant à protéger les personnes qui invoquent les droits énoncés dans la charte des droits contre les représailles de leurs employeurs.

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Laliberte.

Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci. Monsieur Muldoon, dans la troisième recommandation que vous faites dans votre mémoire, vous dites qu'Environnement Canada devrait remettre en question sa décision d'adopter une approche volontaire et s'intéresser à une approche réglementaire originale et efficace. Je me demande comment il devrait faire et quels éléments clés devraient être pris en considération. Quel type de mesures réclamez-vous et comment devraient-elles être appliquées?

M. Paul Muldoon: Le contexte de la recommandation est que nous estimons qu'Environnement Canada met beaucoup plus l'accent sur les aspects stratégiques, qu'il ne fait pas preuve de leadership et n'exerce pas son rôle traditionnel en matière de réglementation. Le ministère considère qu'il existe une dichotomie entre les initiatives volontaires et une approche réglementaire. Ce n'est pas du tout le cas, à notre avis. Son devoir est d'appliquer des règlements pris aux termes de certaines lois. Nous estimons que les initiatives volontaires sont utiles lorsqu'elles sont utilisées à titre complémentaire, pour renforcer une structure réglementaire existante mais avec le recul, on constate que la plupart des initiatives volontaires supplantent en réalité l'infrastructure réglementaire. C'est précisément ce qui nous préoccupe.

• 1055

L'expérience nous a appris qu'Environnement Canada continue à compter sur l'approche volontaire malgré l'absence de vérifications extérieures globales de l'efficacité de cette approche. Il a adopté une approche sans avoir de preuves empiriques qu'elle est efficace, qu'elle est plus rentable et qu'il n'existe pas de meilleure formule.

Notre attitude a toujours été d'essayer de trouver un moyen de vérifier l'efficacité de l'approche volontaire, mais surtout d'analyser l'approche réglementaire dans le but de la rendre plus efficace. Autrement dit, nous reconnaissons que l'approche réglementaire nécessite quelques aménagements, quelques mises au point. Essayons donc de réexaminer cette approche et de la rendre plus efficace avant d'opter en faveur de l'approche volontaire!

Un certain nombre d'études ont analysé l'approche réglementaire. Elles indiquent qu'elle doit être plus judicieuse, plus globale et davantage axée sur le rendement, entre autres choses. Une fois que ce sera fait, on pourra à mon avis examiner le rôle que pourraient jouer éventuellement des approches volontaires.

M. Clifford Lincoln: Je voulais poser une question à M. DeMarco sur l'accès à l'information—à propos de sa demande d'accès à diverses données relatives au Nouveau-Brunswick, à la Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve, à l'Ontario et au Québec, par le biais du système d'accès à l'information. J'étais justement en train d'examiner les chiffres et je les trouvais révoltants.

En ce qui concerne l'Ontario, pour les 25 usines, cela prendra 60 heures. En ce qui concerne le Québec, pour les 62 usines, cela prendra 489 heures, ce qui représente 61 journées de travail. N'est-ce pas absolument grotesque? Si c'est le cas, et je suis sûr que l'on peut prouver qu'il est impossible de consacrer 61 journées à recueillir ou à traiter des données qui sont censées se trouver sur ordinateur, ainsi que des rapports d'étape pour l'exercice 1996—61 jours rien que pour une année... On vous dit que cela vous coûtera 5 000 $. N'est-ce pas une preuve flagrante qu'il s'agit purement et simplement de tactiques dilatoires ou n'est-ce pas une preuve de mauvaise foi? Pensez-vous que cela prendra vraiment 61 jours?

M. Jerry DeMarco: Il existe deux interprétations possibles. La première est que les autorités agissent de mauvaise foi et qu'elles exploitent le processus d'accès à l'information ou de liberté d'information pour essayer d'empêcher le public d'avoir accès à des renseignements auxquels il a droit. Si les chiffres sont exagérés, c'est un signe manifeste de mauvaise foi. La deuxième est qu'il est effectivement impossible d'avoir rapidement accès aux données concernant l'application ou le respect des lois, et que l'on ne sait pas exactement ce qui se passe. C'est probablement plus plausible et plus inquiétant. C'est l'explication pour laquelle j'ai tendance à opter.

M. Clifford Lincoln: Quel est votre recours?

M. Jerry DeMarco: Notre recours est, je le répète, l'obligation de rendre des comptes. Quand on affirme d'une part à des gens comme vous ou aux Canadiens que tout va bien du côté de l'application des lois, qu'il n'y a pas de problème, tout en avertissant d'autre part certains citoyens que, s'ils veulent savoir où l'on en est dans ce domaine, cela prendra 61 jours pour réunir les renseignements, c'est que quelque chose ne va pas. De toute évidence, il y a quelque chose qui cloche d'un côté ou de l'autre. J'ignore s'il s'agit de mauvaise foi ou tout simplement d'inertie, mais c'est l'un ou l'autre.

M. Clifford Lincoln: Je recommande au président de suivre cette affaire de près, parce que cela n'a absolument aucun sens.

• 1100

Le président suppléant (M. Joe Jordan): Merci, monsieur Lincoln.

Notre séance d'aujourd'hui est terminée. Je tiens à remercier nos invités pour leurs témoignages et pour les documents qu'ils nous ont fournis.

Les audiences reprendront demain à 15 h 30, à la pièce 269. Nous entendrons les enquêteurs et les inspecteurs chargés d'appliquer la LCPE.