STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi, 3 novembre 1997

• 1536

[Français]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): À l'ordre. Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, avant de commencer notre réunion, un bref rappel. Demain au déjeuner et mercredi au dîner, nous allons recevoir une délégation chinoise. Il s'agit de cinq collègues chinois dont deux sont des représentants élus qui s'intéressent aux ressources naturelles et à leur gestion. Ils sont actuellement en visite en Amérique du Nord et ont inclus Ottawa dans leur itinéraire. Comme vous vous en souviendrez peut-être, nous avons décidé il y a deux semaines que nous devions leur consacrer du temps, comme ils l'ont demandé par le biais de leur ambassadeur. Par conséquent, nous avons pris des dispositions pour que des services d'interprétation soient assurés en chinois, en plus de l'anglais et du français, afin que les réunions se déroulent à un rythme normal.

Pourrais-je vous demander de lever la main pour que je sache combien d'entre vous avez l'intention de participer à la réunion avec la délégation chinoise demain midi? Sept. Merci. C'est très bien.

Pourrais-je vous demander maintenant combien d'entre vous avez l'intention de participer à la réunion de mercredi soir?

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): À quelle heure est-ce, monsieur le président?

Le président: À 19 h.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Malheureusement, nous avons un caucus spécial à cette heure-là.

Le président: Ce sera la continuation de demain, c'est pourquoi il serait bon que la représentation soit importante au départ.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le président, je n'ai pas levé la main pour le déjeuner de demain parce que je ne sais pas. Je sais que je dois être à la Chambre. Nous réunissons-nous sur place? La réunion a-t-elle lieu sur la Colline?

Le président: Oui, absolument.

Mme Aileen Carroll: Je n'ai pas encore regardé mon emploi du temps. Où est-ce?

Le président: Ce sera dans la pièce 701.

Le greffier du comité: Le déjeuner sera servi au 151 de la rue Sparks.

Le président: Ces rencontres sont organisées par l'intermédiaire du Bureau des relations étrangères du Bureau parlementaire.

Je suppose que ceux parmi vous qui voyagent et qui se rendent parfois en Chine, ou pourraient s'y rendre, souhaiteront profiter de cette occasion pour prendre contact et demander à nos visiteurs quelles sont les questions qui les préoccupent le plus. Je vous remercie beaucoup de votre intention de participer.

De plus, le président a besoin d'une motion qui autoriserait le greffier à acheter un petit cadeau de bienvenue. Quelqu'un pourrait-il présenter une motion à ce sujet?

M. Casson présente la motion, appuyé par M. Pratt.

(Motion acceptée—Voir le procès-verbal)

Le président: Aujourd'hui, nous siégeons à nouveau conformément à l'article 108(2) du Règlement. Nous avons demandé à M. McBean du Service de l'environnement atmosphérique dans l'agglomération urbaine de Toronto de venir témoigner. M. McBean est très connu comme spécialiste des questions climatiques. Il est sous-ministre adjoint.

• 1540

Nous sommes extrêmement heureux que vous puissiez inaugurer cette série d'audiences. Bienvenue au comité. La parole est à vous. Nous aurons ensuite probablement un bon nombre de questions à vous poser.

M. Gordon McBean (sous-ministre adjoint, Service de l'environnement atmosphérique, ministère de l'Environnement): Merci monsieur le président.

Je suis très heureux d'être ici et d'avoir l'occasion de m'exprimer devant le comité. Je crois que l'on vous a remis mon document sur la science des changements climatiques. Nous vous avons également fourni certains documents de référence.

On m'a demandé plus précisément de parler de ce que l'on pourrait appeler la «nouvelle science». J'aimerais procéder en présentant une série de diapositives qui permettent de placer ce sujet en contexte. Je vais passer en revue ce matériel pour vous donner une perspective systématique de la science des changements climatiques.

Comme le président l'a mentionné, j'aimerais beaucoup avoir la possibilité de parler avec vous et de répondre à vos questions. Je vais donc aller vite. Si nous avons l'occasion de discuter des autres présentations, je serais heureux d'y participer également.

Je vous rappelle que nous parlons des activités humaines qui modifient le climat, ce que nous appelons l'effet de serre, un phénomène qui se produit naturellement et qui a eu pour effet d'élever la température moyenne du globe d'environ -18 degrés Celsius à 15 degrés Celsius. Ce phénomène s'explique par le piégeage de l'énergie qui se dégage de la surface de la terre, ce que l'on attribue aux gaz à effet de serre. L'activité humaine modifie considérablement les concentrations de gaz à effet de serre.

Le gaz carbonique est le principal gaz à effet de serre influencé par l'activité humaine à l'échelle chronologique qui nous occupe. Historiquement, la concentration atmosphérique de gaz carbonique était d'environ 280 parties par million, valeur qui est restée constante pendant probablement au moins six à dix milles ans. Au cours des 200 dernières années, on a constaté une augmentation considérable de la concentration de gaz carbonique, de sorte que les valeurs dépassent désormais 360 parties par million.

Les mesures des deux dernières années, depuis la publication du rapport du GICC en 1995 et depuis mes premières présentations au comité, indiquent une croissance continue le long de cette trajectoire des concentrations atmosphériques de gaz carbonique.

Pour mieux comprendre ce chiffre d'environ 360, nous allons examiner les observations historiques de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre que l'on obtient en procédant à l'extraction de bulles minuscules d'air qui ont été dissoutes dans la glace de l'Antarctique, au moment où elle s'est formée au cours des 200 000 dernières années. Comme vous le voyez dans cette courbe du bas, la quantité de gaz carbonique, selon nos estimations les plus fiables, n'a pas dépassé 300 parties par million depuis 2 000 ans.

Pendant les périodes glaciaires, les points les plus bas sur la courbe, les valeurs ont diminué à environ 180, mais pendant les régimes climatiques qui ressemblent au nôtre, la valeur était inférieure à 300 parties par million. Comme on le voit dans la partie gauche de la courbe, en 1990, la valeur était d'environ 350 parties par million de gaz carbonique, et nous sommes maintenant à plus de 360.

Les concentrations de méthane, indiquées ici au centre du diagramme, ont également beaucoup varié tout au long de l'histoire, mais les valeurs ont toujours été inférieures ou plus ou moins égales à 0,7 partie par million par volume. Elles se situent maintenant à plus du double environ de cette valeur, soit 1,8, je crois. Au-dessus, on voit les changements de température par rapport au climat actuel. Voici les changements de température dans les régions de l'Antarctique. La température a diminué d'environ 10 degrés Celsius pendant les conditions maximales des ères glaciaires.

• 1545

Nous estimons que si nous devions établir un modèle des températures à ce moment-là à l'échelle de la planète, nous obtiendrons environ des températures de cinq degrés Celsius, peut-être sept, inférieures aux conditions actuelles. Il est important de garder ce chiffre à l'esprit, cinq à sept degrés Celsius seulement de différence entre le climat actuel et celui d'une période glaciaire au cours de laquelle il y avait plusieurs kilomètres de glace au-dessus d'Ottawa. C'est pourquoi lorsque nous parlons de changement de température de deux, trois ou quatre degrés Celsius, nous parlons d'ampleurs correspondant à la fin et au début d'une période glaciaire. J'aimerais insister sur le fait que l'on va dans des directions différentes et que les choses ne sont pas égales dans l'une ou l'autre des directions.

Quant à l'avenir, ce sont les décisions des gouvernements qui influeront, de bien des façons, sur les concentrations prévues de gaz carbonique jusqu'à l'an 2100. Les estimations que l'on voit ici ne sont que des scénarios de ce qui se produirait à partir des estimations de la croissance de la population, de l'utilisation énergétique, de la consommation des combustibles fossiles par unité d'énergie, etc. Ces estimations sont faites par le Groupe intergouvernemental sur le changement climatique. Veuillez noter que si l'on prend l'estimation élevée, la valeur serait d'environ trois fois supérieure à la valeur préindustrielle d'ici la fin du prochain siècle. Si nous prenons l'estimation faible, qui s'appuie sur des estimations très prudentes de croissance de la population et d'augmentation des ressources renouvelables ou tout au moins d'autres sources d'énergie autres que les combustibles fossiles, nous obtenons malgré tout une valeur qui se rapproche des 500 ppm, ce qui nous amène au voisinage d'un doublement du gaz carbonique d'ici la fin du prochain siècle.

D'un point de vue scientifique, il est important de comprendre que dans la mesure où le gaz carbonique reste dans l'atmosphère pendant de longues périodes, les émissions que nous produisons actuellement seront encore présentes pendant encore de nombreuses années. Nous estimons que la période pendant laquelle le gaz carbonique est présent ou s'adapte dans l'atmosphère est plus ou moins de 100 ans, ou entre 60 et 200 ans, de l'ordre d'un siècle environ. Par conséquent, même si les pays se mettent tous d'accord à Kyoto pour stabiliser leurs émissions, la concentration atmosphérique continuera quand même d'augmenter. C'est comme si nous pouvions stabiliser notre déficit au niveau actuel, le montant de la dette totale continuerait malgré tout d'augmenter.

Nous avons réalisé d'autres travaux pour comprendre le lien entre les concentrations atmosphériques de gaz carbonique et d'autres gaz à effet de serre et les aérosols atmosphériques, que l'on appelle plus couramment les particules. Ce sont d'habitude de petites particules de sulfate ou de poussière qui se trouvent dans l'air et qui sont créées essentiellement par l'activité humaine. L'effet de ces particules est de refroidir le climat. Nous avons donc un effet compensatoire ou d'équilibre entre un ensemble d'émissions humaines qui causent un refroidissement et les émissions de gaz à effet de serre qui causent un réchauffement.

Nous avons tenu compte de ces facteurs dans les derniers calculs du modèle du Centre climatique canadien, que l'on voit ici sur le diagramme. La courbe bleue sinueuse le long du diagramme en bas est le modèle qui correspond aux 200 ans environ où la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre ou des aérosols n'a pas changé. Le modèle, lorsqu'il est exécuté dans ce mode, indique une stabilité dans la mesure où son climat ne change pas énormément. Il reproduit les caractéristiques générales du climat terrestre. À mesure que nous augmentons le montant de gaz carbonique, à partir de l'année de référence 1900, on voit que la ligne rouge hachurée, qui passe par le milieu ici, suit généralement le changement climatique observé qui est indiqué sur la ligne noire.

Si on augmente encore le montant de gaz carbonique—et ici on peut suivre un scénario parmi bien d'autres, nous avons choisi celui-ci arbitrairement, il ne s'agit pas donc pas de prédire l'avenir mais de montrer un scénario de changement climatique—vous pouvez voir que selon ce modèle correspondant au scénario des émissions de gaz à effet de serre utilisé, le climat de la terre se sera réchauffé d'environ quatre degrés à la fin du prochain siècle.

Le MCG est le modèle de circulation général. Il s'agit du modèle climatique mondial du Centre climatique canadien. C'est un modèle mathématique complexe qui fait intervenir l'atmosphère, l'océan et la glace dans une représentation relativement simple des processus qui se déroulent à la surface de la terre.

Le président: Les gaz à effet de serre...

M. Gordon McBean: Les aérosols. Nous avons tenu compte autant que possible de l'effet des particules, de l'effet refroidissant de la poussière et autres sur le système climatique.

• 1550

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): La projection de ce scénario est-elle fondée sur des observations réelles jusqu'à...

M. Gordon McBean: Non. Je crois que dans ce cas, le scénario pour les gaz à effet de serre est simplement une augmentation de 1 p. 100 par an. Ce sont les conditions normales. Cela ne doit pas être interprété comme une prévision—et nous pourrions réexécuter ce modèle chronologique informatique de n'importe quelle autre façon. Ces modèles sont exécutés sur notre super ordinateur qui se trouve à Dorval. Il faut plusieurs mois pour faire une simulation comme celle-ci et de nombreux autres mois encore pour l'analyser. Les modes de variabilité du système climatique diffèrent de l'un à l'autre.

Le diagramme suivant montre les changements de température prévus correspondant à la courbe précédente. Il s'agit là encore du modèle du Centre climatique canadien. On voit ici les changements auxquels on peut s'attendre en 2040 en suivant cette trajectoire qui correspond à cette émission de gaz à effet de serre. Il s'agit encore d'un scénario. Cela ne veut pas dire que c'est ce qui se produira, mais si les concentrations de gaz à effet de serre étaient modifiées de la façon dont nous les avons modélisées, ce serait le type de régime climatique que nous prédirions.

Ce que vous pouvez voir, c'est un réchauffement spectaculaire dans les régions polaires du Nord et un réchauffement considérable de l'intérieur des régions continentales de l'Amérique du Nord et de l'Asie. Vous voyez également des régions, comme au large des côtes du Labrador, où les modèles prédisent en fait un refroidissement. Nous nous attendons généralement à voir un réchauffement plus marqué dans les latitudes plus élevées de l'hémisphère nord et un réchauffement moins net le long des régions équatoriales.

Cela s'explique par la façon dont le système climatique répond à un changement dans la concentration des gaz à effet de serre, qui est censée être uniforme, alors que les concentrations d'aérosols varient dans l'espace car elles se situent essentiellement là où les aérosols ou la poussière sont émis. Vous pouvez voir que la température monte de cinq degrés Celsius dans l'Arctique canadien, ce qui correspond, comme je l'ai dit tout à l'heure, à l'ampleur des changements constatés à la fin et au début d'une période glaciaire.

Le diagramme suivant nous montre vraiment ce qui, jusqu'en 1996, était notre meilleure estimation des changements de température de la planète. Ces chiffres s'appuient sur une analyse scientifique très pointue réalisée par des scientifiques de plusieurs pays. Ensemble, ils ont construit le modèle en utilisant toutes les données disponibles et en les corrigeant au besoin pour tenir compte des effets de l'urbanisation, etc. Vous pouvez constater ici une tendance au réchauffement. Les petites variations ici font partie de la variabilité naturelle. Notre climat varie toujours de façon naturelle, mais nous estimons que ces tendances naturelles sont surimposées par une autre qui, selon la dernière évaluation de 1995 du Groupe intergouvernemental sur le changement climatique, marque une influence humaine discernable à l'échelle de la planète.

On constate également de grandes variations sur le plan spatial. Au Canada par exemple, voici les variations de température qui permettent de faire une comparaison selon la tendance de 1961 à 1990, une période pour laquelle nous avons des données fiables. Nous n'avons pas de données pour cette région du Pôle Nord que l'on voit ici en gris, c'est pourquoi nous ne l'avons pas incluse. Ce que vous voyez, c'est la tendance au réchauffement dans l'ouest du Canada, les Prairies et jusqu'au bassin du Mackenzie, mais une tendance au refroidissement dans la mer du Labrador et jusqu'à la baie de Baffin. C'est le genre de variabilité que nous allons constater de plus en plus. Mais dans l'ensemble, la température du Canada s'est réchauffée, selon nos observations.

On a beaucoup débattu de la question de savoir si nous vivions un réchauffement planétaire ou si le changement climatique était dû aux gaz à effet de serre. On a longuement discuté de l'évaluation scientifique de 1995, mais finalement, les conclusions non seulement des scientifiques mais également d'un processus d'examen considérable effectué par différents pays et groupes... Finalement, à une réunion des gouvernements à la fin de 1995—à laquelle j'ai eu le privilège d'assister en tant que délégué canadien—tous les gouvernements ont accepté l'évaluation ligne par ligne et la conclusion du document consensuel du Groupe intergouvernemental.

• 1555

Depuis lors, je pense que les travaux scientifiques réalisés depuis deux ans ont confirmé, en général, les conclusions de cette évaluation, à savoir qu'il existe une influence humaine discernable. J'ai demandé personnellement à l'auteur principal, M. Santer, en quoi le document serait différent s'il devait être réécrit aujourd'hui, et il m'a répondu que les opinions exprimées seraient encore plus catégoriques qu'en 1995.

Comme vous le voyez résumé ici sur l'écran, nos estimations et le genre d'observations que nous pouvons faire montrent que le XXe siècle est un siècle chaud. On peut voir que 1995, selon nos données, a été l'année la plus chaude jamais enregistrée et que 1996 semble avoir été la huitième année la plus chaude jamais enregistrée. Les modèles de changement correspondent à ce qui a été prédit. Je pense donc que la conclusion du Groupe intergouvernemental a été confirmée plutôt qu'infirmée.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Lorsque vous dites l'année la plus chaude jamais enregistrée, jusqu'où remonte-t-on?

M. Gordon McBean: Nous parlons en fait des 100 à 150 dernières années. On peut reconstruire les tendances précédentes par d'autres moyens, mais pour ce qui est des observations par instrument, la conclusion en faveur d'un réchauffement, tout au moins dans les siècles qui ont suivi 1400, s'appuie clairement sur d'autres formes qu'une mesure directe. Mais lorsque nous parlons de la huitième année la plus chaude, nous parlons d'observations par instrument.

Pour vous donner une idée des conséquences... Et j'aimerais insister sur le fait que lorsque nous parlons de conséquences planétaires, nous devons être plus subjectifs. Nous ne pouvons pas donner des détails précis car les modèles climatiques planétaires ne donnent pas une résolution très détaillée des changements climatiques sur une partie d'une province par rapport à une autre, par exemple. Mais nous pensons que l'on peut tirer des conclusions générales, qui découlent en grande partie des discussions et du consensus international, sous une forme ou une autre.

Par exemple, sur le plan agricole, nous pensons que l'on pourrait maintenir la production à l'échelle de la planète, mais qu'il y aurait certainement des effets régionaux qui varieront considérablement. Il est certain que dans certaines régions, on verra des risques accrus de pénurie et de famine.

L'approvisionnement en eau sera, selon nous, un des problèmes les plus graves, dans le contexte du changement climatique. On nous a parlé de l'élévation du niveau de la mer. Les estimations du Groupe intergouvernemental sur le changement climatique indiquaient que l'élévation du niveau de la mer pourrait n'être que de 15 centimètres mais s'élever aussi jusqu'à un mètre, la valeur la plus probable étant de l'ordre de 50 centimètres à la fin du prochain siècle.

Je dois souligner que le niveau de la mer s'élève plus lentement. C'est comme essayer de faire bouillir une casserole d'eau. Elle se réchauffe plus lentement que la casserole vide. L'océan réagit beaucoup plus lentement, mais cela veut dire également que le niveau de la mer pourrait continuer de monter même après que le climat se soit stabilisé.

Voici quelques chiffres: une élévation du niveau de la mer d'un mètre correspond à environ 17 à 18 p. 100 du Bangladesh ou à 80 p. 100 environ des îles Marshall.

Au Canada, nous vous montrons ici certains résultats, qui sont donnés à titre d'illustration plutôt que de conclusions définitives, mais disons que le climat est un des grands facteurs qui permet de déterminer les régimes de végétation possibles. Aujourd'hui, on peut établir la carte du pays selon les différents régimes: forêts boréales, prairies, zones forestières tempérées. Si l'on fait correspondre ces régions au climat et si l'on fait des projections à partir de nos simulations modélisées, le type de régime climatique que l'on obtient lorsque le niveau de gaz carbonique double, c'est-à-dire au cours du prochain siècle, serait indiqué ici sur le côté droit de la carte où sont indiqués les endroits correspondant à certains types d'écosystèmes, forêts tempérées, zones boréales, etc.

J'insiste bien sur le fait que cela ne se passerait pas nécessairement à ces endroits précis, mais que c'est là où le climat avec lequel ces régimes sont en équilibre se trouverait. Cela veut dire qu'un arbre de la forêt boréale du centre de la Saskatchewan, qui bénéficie actuellement d'un climat auquel il est habitué, se trouverait dans quelques années dans un régime climatique auquel il n'est pas habitué. Il serait donc plus vulnérable aux insectes ou aux feux de forêt et son taux de production et de productivité diminuerait. Vous voyez donc qu'il y aurait des changements très importants.

• 1600

J'aimerais préciser—au cas où il y aurait d'autres personnes de la Colombie-Britannique à part moi—que la cartographie de la Colombie-Britannique n'est pas classifiée car les climats de cette province changent avec les différentes altitudes et qu'il est difficile de montrer sur un diagramme plat ces changements, compte tenu du niveau de détails que l'on a ici. Cela est vrai également pour d'autres parties du Canada, mais pas tout à fait au même degré qu'en Colombie-Britannique.

Nous avons certaines données sur les pertes économiques récentes qui sont attribuables essentiellement à des événements climatiques. Je dois dire que nous ne pouvons pas montrer que cette information est directement liée au changement climatique car il est très difficile de lier des événements extrêmes à un type de régime climatique particulier. Mais la compagnie d'assurance qui nous a fourni ces données et la prochaine diapositive est elle-même convaincue que cela est attribuable à autre chose qu'à un accroissement de l'exposition humaine ou d'autres aspects. Au Canada, vous voyez les types de pertes assurées—ce sont des pertes assurées plutôt que des pertes totales—que l'on peut facilement quantifier d'après les données du Bureau d'assurance du Canada. Vous voyez alors une augmentation progressive des phénomènes météorologiques extrêmes qui ont entraîné des pertes économiques.

Pour essayer de conclure rapidement, j'aimerais souligner, avec la diapositive suivante, que nous admettons que les changements climatiques comportent des incertitudes. Regardez dans la partie gauche en haut de ce diagramme, le milieu scientifique est persuadé que les concentrations des gaz à effet de serre augmentent vraiment et que cela provient des activités humaines. Par contre, nous ne sommes pas tout à fait aussi sûrs, tout en étant relativement certain de l'ampleur et du taux des changements de température planétaires, des taux de changement de précipitation.

À mesure que nous descendons vers la partie droite en bas, nous devons admettre que nous n'avons pas la même certitude, au niveau du détail sur la façon dont ce changement se produira, dans n'importe quelle région du Canada ou d'un autre pays.

Je pense qu'il est important de reconnaître également, dans une perspective de prise de décisions, que le lien entre les émissions et les concentrations atmosphériques s'établit sur des siècles en raison de la présence durable du gaz carbonique. Comme je l'ai déjà dit, l'équilibre entre la température et le niveau de la mer prendra des siècles à se réajuster. Ce sont là des facteurs importants.

Je voulais simplement vous rappeler avec l'avant-dernière diapositive, qu'en vertu de la convention-cadre, qui fera l'objet de la discussion à Kyoto...

M. Clifford Lincoln: Ces ajustements dont vous parlez et qui prennent du temps à se produire, je suppose que c'est la même chose dans l'autre sens.

M. Gordon McBean: Plus ou moins. Nous devons utiliser des modèles océaniques, atmosphériques et biosphériques pour établir le rythme de changement des concentrations atmosphériques dû aux modifications des émissions. Ces modèles ne sont pas linéaires. En fait, l'atmosphère s'adaptera relativement plus rapidement à court terme; une question d'années. Mais il se produit alors un changement à la partie supérieure des océans qui donnent des caractéristiques plus longues à s'adapter. Si l'on regarde le système dans son ensemble, il faut accepter qu'il y aura une période d'ajustement très longue, ce qui fonctionne dans les deux sens.

Lorsque l'on parle de périodes d'ajustement, je pense qu'il est important de dire que la convention cadre sur les changements climatiques aborde la question de la stabilisation des concentrations des gaz à effet de serre atmosphériques à des niveaux qui éviteraient une interférence anthropogénique dangereuse. J'insiste sur le fait que le mot «dangereux» peut avoir bien des interprétations. Pour les scientifiques, la notion de danger relève du jugement politique. Cela est de votre ressort, mesdames et messieurs.

• 1605

On peut essayer de quantifier les répercussions, mais la définition de ce qui constitue le danger est un jugement politique. Mais nous pensons devoir souligner également que ce niveau doit être atteint dans des délais qui permettent aux écosystèmes de s'adapter naturellement, afin de ne pas compromettre la production alimentaire tout en permettant le développement économique.

À notre avis, les sources de préoccupation sont scientifiquement justifiées. Nous croyons qu'il existe une influence humaine sur le climat qui apparaît discernable. C'est une question de risque et, en un sens, le risque est réel et important. Nous admettons qu'il existe des incertitudes concernant l'ampleur et la répartition de ce danger au niveau régional. Et j'aimerais également mentionner que les risques les plus importants sont probablement associés à la fréquence ou à l'intensité nouvelles des phénomènes extrêmes. Les phénomènes extrêmes sont très difficiles à analyser et très difficiles à modéliser, mais nous pensons qu'ils représentent des risques importants.

Pour conclure, nous estimons que les données scientifiques justifient pleinement que nous agissions.

Merci.

Le président: Merci.

Qui aimerait commencer? Monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour: Merci de votre présentation.

Nous avons encore affaire à une théorie et non à des faits. Revenons aux modèles, les premiers modèles ne se sont pas révélés exacts. Ils se sont trompés d'un facteur de un, deux, trois ou quatre degrés. Est-ce le fondement de ces modèles que le Canada va présenter à Kyoto? Est-ce de ce même modèle dont nous parlons?

M. Gordon McBean: J'aimerais dire d'abord que le modèle canadien et la plupart des autres modèles établis dans le monde donnent les mêmes résultats. Par conséquent, la position canadienne ne se fonde pas plus particulièrement sur le modèle canadien que sur les autres. Je dirais ensuite que ces modèles ont permis de simuler un climat variable qui a déjà existé, ce qui nous permet de dire avec certitude qu'ils simuleront un type de climat qui existera dans l'avenir. Car tout ce que nous faisons, comme je l'ai montré, c'est changer la quantité des gaz à effet de serre.

M. Bill Gilmour: C'est très bien. Quelle est votre erreur expérimentale dans ces modèles?

M. Gordon McBean: L'erreur dépend de la façon dont vous la définissez, mais le comité scientifique... J'aimerais d'abord corriger le malentendu selon lequel les modèles précédents prévoyaient un réchauffement plus important. Les modèles qui donnaient ces prévisions—et nous les avons publiés avant l'évaluation de 1995—se fondaient uniquement sur les gaz à effet de serre. Entre 1990 et 1995, les scientifiques ont compris l'effet de refroidissement des aérosols, et je suis d'accord avec cela... Maintenant, nous incorporons un nouveau processus physique que nous ne comprenions pas auparavant; ce n'est pas simplement parce que les modèles sont différents. Ils réagissent de la même façon aux gaz à effet de serre. Cela n'est peut-être pas rassurant, mais c'est la réalité.

Au sein du Groupe intergouvernemental sur le changement climatique, auquel participent les plus grands spécialistes mondiaux de la modélisation climatique, on a estimé que lorsque l'on double la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère, le réchauffement se situe entre 1,5 et 4,5 degrés Celsius, la valeur la plus probable étant 2,5 degrés Celsius. Cela vous donne une idée de notre marge de certitude.

M. Bill Gilmour: Eh bien, 1,5 degré Celsius, cela vous donne un climat agréable, mais 4,5 degrés Celsius, cela vous mène à l'ère glaciaire. Il y a là une différence énorme.

Je répète. Quelles sont vos erreurs expérimentales? Quels sont vos niveaux de certitude? C'est là la première question. La deuxième est la suivante: Est-ce le modèle que le Canada va présenter à Kyoto? Est-ce à partir de ce modèle que nous énonçons des faits?

M. Gordon McBean: Premièrement, d'après les estimations les plus sûres, comme je l'ai dit, sur les changements de température à l'échelle de la planète, l'écart se situe entre 1,5 et 4,5 degrés Celsius. Cela ne comprend pas zéro.

• 1610

Deuxièmement, la position canadienne, en ce qui concerne les négociations à Kyoto, se fonde sur tous les modèles, qu'il s'agisse du modèle canadien, allemand, américain, japonais, russe ou australien. Tous donnent des projections. En fait, je crois que dans l'évaluation de 1992, on comptait 22 modèles provenant de presque tous les pays du monde, et ces modèles donnaient des valeurs se situant entre 1,9 et 5,1 degrés Celsius de réchauffement, compte tenu d'un doublement du gaz carbonique.

M. Bill Gilmour: Encore une fois c'est là le problème. Où allons-nous avec ces modèles? C'est ce que nous devons comprendre. Le climat s'est réchauffé. Nous sommes passés d'une mini ère glaciaire au milieu du XVIIe siècle pour en arriver là où nous en sommes actuellement. En fait, il semble bien que l'on connaisse un refroidissement depuis dix ans, si l'on ne tient pas compte des températures de surface et si l'on va plus haut.

Nous allons à Kyoto avec l'idée de signer des ententes qui auraient des répercussions économiques importantes sur le Canada. À mon avis, la science ne le justifie pas vraiment. C'est pourquoi j'insiste sur les modèles. C'est pourquoi je demande quel est le niveau de certitude. Il y a une énorme différence entre 1,5 et 4,5 degrés. C'est la différence entre l'ère glaciaire... Je crois que c'était quatre degrés pour la dernière ère glaciaire, il y a 10 ou 12 000 ans. C'est donc très important. Mais un changement de 1,5 degré pourrait avoir des effets mineurs. Toute la question tient dans la différence. Où en sommes nous?

M. Gordon McBean: Comme je l'ai dit auparavant, le milieu scientifique et le Groupe intergouvernemental sur le changement climatique, qui comprend tous les pays du monde, sont d'accord pour dire qu'il existe des raisons scientifiquement justifiables de prendre des décisions. C'est ce que tous les gouvernements ont avancé, à quelques exceptions près. Les raisons d'agir fondées sur la science sont confirmées. Lorsque vous me demandez de préciser les erreurs des modèles climatiques, je pourrais vous demander de poser les mêmes questions aux économistes qui prévoient des catastrophes économiques mondiales.

Le président: Une autre question.

M. Bill Gilmour: Oui, les économistes conviennent qu'il y aura des problèmes économiques, si cela se produit. La question est de savoir si cela se produira. C'est là toute la question. Le climat change-t-il? Nous croyons que le climat se réchauffe. Cela a été démontré au cours de centaines d'années. Les émissions de gaz carbonique, d'oxyde d'azote et d'autres gaz ont augmenté. Mais la question est de relier le tout. Et c'est ce que nous devons comprendre. A entraîne-t-il B? Et il existe suffisamment d'opinions scientifiques différentes pour se poser la question.

Pour chaque scientifique ayant une opinion donnée, vous pouvez en trouver un autre qui a une opinion opposée. C'est là le débat auquel nous sommes confrontés. Oui, le Groupe sur le changement climatique a fait des déclarations plutôt prudentes. Elles n'étaient pas très solides. Elles n'étaient pas définitives. En fait, elles étaient plutôt faibles.

Veuillez continuer.

Le président: Une brève réponse s'il vous plaît.

M. Gordon McBean: Je ne crois pas que l'on puisse trouver un scientifique pour en contredire un autre dans le milieu scientifique. Le consensus parmi les scientifiques actifs de première ligne spécialistes du climat a été bien démontré par les déclarations du Groupe intergouvernemental. La relation entre les émissions humaines et les concentrations atmosphériques n'est plus raisonnablement mise en doute. Le lien entre l'augmentation des concentrations atmosphériques et le changement climatique planétaire n'est pas aussi certain. Mais la relation existe. On peut s'attendre à voir un régime climatique nettement plus chaud à l'avenir, en se fondant sur les projections d'émissions.

Le président: Merci.

Une brève question aux membres du comité. On vient de me dire que M. Pocklington, qui est notre prochain témoin et qui est un historien des changements climatiques, adopte une approche assez différente. Le comité souhaite-t-il poser d'abord des questions au premier témoin, M. McBean, ou souhaite-t-il entendre l'autre témoin d'abord avant de poursuivre les questions?

• 1615

Des voix: Les deux.

Le président: Très bien. Nous allons passer à M. Pocklington. Vous avez dix minutes et nous poserons nos questions.

M. Roger Pocklington (témoignage à titre personnel): Merci monsieur le président. Je suppose que je suis mon propre projectionniste.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je dois revenir à la dernière remarque de Gordon McBean sur ce qu'il appelle un scientifique actif. Bien que j'ai atteint l'âge de prendre une retraite anticipée du gouvernement fédéral, je crois appartenir encore à la catégorie active.

Quant au scientifique de première ligne, je pense que la première ligne en matière de climat, c'est lorsque l'on travaille à Cape Farewell en février, au moment où soufflent les blizzards. Nous allons donc peut-être parler un peu moins des modèles à grande échelle et un peu plus de quelques vérités concrètes.

Parler de tout le sujet du réchauffement océanographique et planétaire est une tâche impossible pour moi, et probablement pour n'importe qui, dans le temps qui m'est imparti. Cela me rappelle l'histoire d'un professeur d'ingénierie d'une université britannique qui, ayant accepté de parler de l'énergie de la fusion à la radio de la BBC, a reçu l'instruction suivante du producteur de l'émission juste avant de passer à l'antenne: «Une minute et pas de mots trop longs, professeur».

Pourquoi devons-nous tenir compte des océans dans nos modèles de climat planétaire? Les quelques mètres à la surface de l'océan ont une capacité thermique équivalente à celle de toute l'atmosphère. Compte tenu de cette énorme capacité, l'océan sert de tampon au système atmosphérique et ralentit les excès continentaux, ce dont peut témoigner toute personne qui vit au bord de la mer. Tout récemment, lorsque j'ai quitté les Bermudes, la température réelle à la surface de l'eau au mois d'octobre était supérieure à la température moyenne de l'air.

L'océan transporte autant de chaleur des régions équatoriales aux régions tempérées et polaires que ne le fait l'atmosphère. Par exemple, lorsqu'il dégage cette chaleur à l'ouest des Îles Britanniques, où il existe un flux thermique continu vers l'extérieur équivalant à 50 watts par mètre carré, il réchauffe la terre adjacente. Et pour placer ce chiffre en perspective—les 50 watts par mètre carré—il faut préciser que tout ce débat porte sur des différences de température de l'ordre de deux watts par mètre carré.

L'océan contient cinquante fois plus de gaz carbonique que l'atmosphère, et le flux, l'échange de gaz carbonique entre l'air et la mer, est 20 fois plus important que le montant dégagé par la combustion des combustibles fossiles. C'est pourquoi, l'océan—ce qui est très précieux pour les modèles climatiques—est un endroit très pratique où l'on peut cacher beaucoup de choses. Tout déséquilibre dans les budgets de chaleur—par exemple, une augmentation de la température moyenne de la moitié seulement de ce qui a été calculé, ou des budgets de carbone, par exemple deux gigatonnes de carbone qui manquent tout simplement dans l'atmosphère—peut être attribué à l'océan, et personne ne verra la différence.

• 1620

Comme l'a dit le célèbre océanographe américain Walter Munk, l'océan joue trois rôles dans ce jeu: il sert de réservoir au carbone; il sert de réservoir de chaleur et surtout, il sert de réservoir à l'ignorance.

Je vais essayer de remédier à cette ignorance en examinant des indices dans la région que je connais le mieux, l'Atlantique Nord extra tropical et les terres adjacentes, et d'étudier en détail la validité de certaines propositions sur le réchauffement systématique de la planète que l'on trouve dans les derniers rapports du GICC. On vous a expliqué ce qu'était le GICC.

Bien, nous ne voulons pas étudier cette question à l'australienne. Si vous avez déjà vu un atlas australien, on a l'impression que l'Australie se trouve en haut. Mais la région qui nous occupe est l'Atlantique Nord extérieur aux tropiques. Là où je travaille actuellement, c'est ici. Ce sont les Bermudes, presque directement au sud de là où je travaillais auparavant, Dartmouth, en Nouvelle-Écosse—juste au large de Cap Hatteras.

Cet océan, l'océan de l'Atlantique Nord, représente une région particulièrement importante pour le système climatique planétaire. Il contient un des petits nombres de lieux de formation d'eaux océaniques profondes que l'on trouve ici au nord-est de l'Islande. L'eau de surface ici est refroidie et se retrouve en eau profonde en bas le long de la côte. Ici l'eau s'enfonce encore. C'est l'un des quelques endroits parmi les océans du monde où se forme ce genre d'eau profonde, et c'est également le lieu d'un des courants océaniques de surface les plus importants, le Gulf Stream, qui amène ce réchauffement, dont j'ai déjà parlé, sur l'Europe.

Le premier groupe de travail du GICC, dans son sommaire du deuxième rapport d'évaluation destiné aux décideurs, déclarait que «les analyses des données météorologiques et autres portant sur de vastes régions et sur des décennies ou plus ont fait la preuve de certains changements systématiques importants». Pendant plus de deux décennies, mes collègues et moi-même avons cherché des changements systématiques importants dans la région de l'Atlantique Nord. Nous les avons trouvés, mais ce n'était pas ceux que prévoyait le GICC.

J'insiste sur le fait que les données des stations terrestres que je présente ici sont les mêmes que celles utilisées pour produire les séries chronologiques planétaires et hémisphériques présentées dans les rapports du GICC sur le changement climatique. Je ne présente pas de chiffres fondamentalement différents. Mais ma perspective est quelque peu différente. Nous avons actualisé nos stations à la fin de 1996 en utilisant les Données climatiques mensuelles mondiales, la publication officielle de l'Organisation météorologique mondiale.

Les données océaniques sont les nôtres ou celles qui figurent dans les références au document que je vous ai remis. Nous calculons des moyennes annuelles. Lorsque je vous donne des données sur les moyennes annuelles, il s'agit des moyennes régulières sur 12 mois, après quoi nous calculons les anomalies annuelles. L'anomalie est un écart par rapport à une moyenne à long terme dans chaque station. Il s'agit d'un réchauffement ou d'un refroidissement par rapport à la moyenne à long terme. C'est ce que nous appelons une anomalie. J'ai utilisé des périodes de cinq ans à titre de comparaison, plutôt que des décennies car cela nous permet d'inclure les cinq premières années, 1991 à 1995, de la décennie qui n'est pas encore terminée.

Nous commencerons par les Bermudes. Le Centre de recherche biologique des Bermudes, où j'ai travaillé de 1969 à 1971, est chargé de prendre les mesures physiques et chimiques de la célèbre station hydrographique S, qui se situe au sud-est des Bermudes, à 3 200 mètres de profondeur. Elle est proche du centre de l'océan nord-atlantique subtropical.

Il n'est pas rare de disposer de mesures sérielles d'observations de température terrestres qui datent d'un siècle ou plus—on vous en a déjà parlé—mais il n'existe pas de mesures de ce genre pour l'océan. La station S, qui est occupée régulièrement par du personnel du Centre des Bermudes depuis les premières observations de Henry Stommel de Woods Hole et du MIT en 1954, est la série continue la plus longue dont nous disposions pour l'eau profonde. La fréquence des échantillons—en moyenne deux par mois—est suffisante pour montrer des phénomènes périodiques réels, comme la variabilité de la température en profondeur, et les tendances des données indiquent un changement sur la plus grande partie de l'Atlantique Nord subtropical.

En 1972, après avoir éliminé le cycle annuel des mesures, j'ai détecté une tendance au refroidissement dans les eaux en profondeur. Je dis bien 1972. Nous avions une tendance au refroidissement jusqu'à environ 1 000 mètres, et cette tendance a persisté pendant une décennie et demie. À cette époque—si certains d'entre vous sont suffisamment âgés pour s'en rappeler—on savait que tout l'hémisphère nord s'était refroidi depuis les années 40 environ et des gens sérieux et informés prédisaient qu'une nouvelle ère glaciaire était imminente. Cela voulait dire que l'on pouvait s'attendre à un nouveau refroidissement de la température de l'eau aux Bermudes.

• 1625

Mais que s'est-il passé? En 1975, la tendance au refroidissement dans les eaux en profondeur s'est inversée. Depuis deux décennies, les eaux au large des Bermudes se sont réchauffées, bien qu'à certaines profondeurs, elles restent plus froides qu'elles ne l'étaient au début de la série chronologique.

Si les observations à cette station S avaient commencé au milieu des années 70, cette tendance au réchauffement aurait été considérée comme un signe de réchauffement planétaire. Mais étant donné que les mesures ont commencé en 1954, on peut voir qu'en réalité, il y a eu refroidissement pendant la première partie des mesures et un réchauffement par la suite à des valeurs qui ne sont pas encore équivalentes aux valeurs initiales.

C'est ainsi que j'ai appris—et vous devriez l'apprendre également—la leçon salutaire qui veut que les conclusions que l'on peut tirer d'une série chronologique dépendent largement de la durée de la série que l'on va étudier. Ce que l'on présente, c'est ce que vous devez juger. Si c'est tout ce que vous retiendrez de mon intervention aujourd'hui, je serais satisfait. Vous serez mieux équipé pour demander toute la vérité et rien que la vérité au sujet du réchauffement planétaire.

Approchons-nous un peu de chez nous. Nous allons aller à l'île de Sable. Ce n'est pas vraiment les Bermudes mais c'est un endroit qui en vaut la peine.

Je vais vous montrer deux exemples. Il s'agit du même type de série, la date de départ est ici; les années se trouvent sur l'axe jusqu'à maintenant. Pour ce qui est de l'anomalie, nous commençons par le niveau moyen au milieu. Ce sont les années plus chaudes que la moyenne, plus froides que la moyenne. Cette ligne un peu sinueuse est la moyenne annuelle et la ligne un peu plus grosse est la moyenne de cinq ans.

Les mesures de l'île de Sable sont en fait très importantes car l'île est un excellent exemple d'endroit isolé. Elle est inhabitée sauf par le personnel de la station météorologique de sorte qu'elle n'est pas influencée par le chauffage urbain. C'est un des endroits utilisés dans le monde pour surveiller la pression partielle du gaz carbonique dans l'atmosphère à l'appui des mesures à long terme de Manua Loa, à Hawaï.

Les observations des températures de l'air en surface depuis les années 1890—une température plutôt chaude, n'est-ce pas—est assez claire. Cela a commencé par un refroidissement au début du siècle, la période la plus froide se situant autour des années 20. Il y a eu un réchauffement considérable pendant les années 50, après quoi on constate une baisse à un niveau qui est en fait inférieur à ce qu'il était au départ.

Cette hausse et cette baisse ont été assez importantes. De l'ordre de deux degrés Celsius. Mais si l'on examine l'ensemble des mesures du début à la fin, je pense que vous pouvez voir—comme on le dirait dans l'autre langue officielle...

[Français]

que plus ça change, plus c'est pareil.

[Traduction]

Par conséquent, dans une station qui n'est pas touchée par le réchauffement urbain, rien ne vient justifier un réchauffement continu.

Je ne peux évidemment pas vous donner tous ces exemples au cours de cette brève intervention cet après-midi, mais d'autres stations permanentes dans le Canada atlantique—Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, Sydney en Nouvelle-Écosse, St-Jean à Terre-Neuve—indiquent cette même tendance au réchauffement jusqu'au milieu du siècle, puis un refroidissement jusqu'à nos jours.

Même si la base de données concernant la côte du Labrador et l'île de Baffin n'est pas très fiable jusqu'aux années 40, elle montre également la même tendance au réchauffement jusqu'à une pointe dans les années 50 suivie par un refroidissement jusqu'à maintenant.

La température de la surface de l'océan au sud et à l'est de Terre-Neuve indique également cette même tendance, bien que le refroidissement survienne plus tard, au milieu des années 60. Donc, la température de l'air a baissé puis, environ une décennie plus tard, la température de surface de l'océan a baissé également.

Ces fluctuations climatiques ont des conséquences économiques sur les pêches. Au cours des dix dernières années de température extrêmement froide dans la région, la pêche du Labrador aux Grands Bancs a été mauvaise. Cette baisse de la température océanique depuis le milieu des années 80 est responsable de la moitié de la récente réduction de la taille adulte de la morue.

Ces effets liés à la température ne sont pas hypothétiques ni des modèles. Ils sont réels et ont des conséquences réelles sur nous.

• 1630

La baisse des minimums en hiver ne touche pas seulement les stocks naturels. Comme on l'a vu près de St. Andrews, au Nouveau-Brunswick, au cours de l'hiver 1992-1995, le froid hivernal a entraîné une très forte mortalité des stocks de saumons captifs dans les installations au sud du Nouveau-Brunswick. Les températures froides que l'on connaît actuellement limitent l'expansion de l'aquaculture dans les eaux de Terre-Neuve. Il y lieu de garder cela à l'esprit si l'on croit vraiment au réchauffement futur. Il existe un ou deux endroits qui s'accommoderaient bien d'un peu de chaleur supplémentaire, en particulier en hiver.

Passons maintenant au Groenland où les observations de la station, qui est du même modèle que celles de l'île de Sable, proviennent de Godthaab sur la côte Ouest ainsi que de Angmagssalik sur la côte Est. Pendant les premières décennies de ce siècle, on constate ici un réchauffement qui a culminé dans les années 30 où l'on a connu les cinq années les plus chaudes jamais enregistrées.

Depuis lors, la température s'est refroidie sur les deux côtes, dans l'ouest en particulier où les valeurs sont les plus faibles jamais enregistrées. Cela a eu des effets importants sur les pêches. Ces observations de température de Godthaab montrent essentiellement la croissance et le déclin d'un grand secteur hauturier, la pêche à la morue à l'ouest du Groenland. Je dois admettre que la surpêche y est pour quelque chose. Il n'y a plus de pêche à la morue au large de la côte ouest du Groenland. En fait les bonnes années correspondent à la période des températures supérieures à la moyenne.

Donc là encore, on ne voit aucune preuve d'un réchauffement.

Jusqu'en 1989, mes collègues et moi-même avons étudié le climat maritime. Nous venions d'étudier ces variations régionales de la température et les effets sur les pêches et nous n'avions pas pensé à regarder nos résultats dans le contexte du réchauffement planétaire. Comme la plupart des scientifiques, nous l'avons simplement accepté. Je pense que les personnes qui font les modèles ont beaucoup de chance. Mais nous avons vraiment commencé à nous demander si la planète en général et l'hémisphère nord en particulier étaient censés se réchauffer car alors pourquoi nos séries de température n'indiquaient-elles qu'un refroidissement?

L'explication du GICC est plus ou moins que l'Arctique se réchauffe à la suite de l'effet de serre. Des volumes importants d'eaux froides quittent l'Arctique, passent par la côte Est et refroidissent les températures de la mer et de l'air au niveau local. C'est ce que l'on nous a dit: justement, on ne regarde que l'effet local, ce n'est pas un phénomène général. Mais cette idée a des conséquences vérifiables car si davantage d'eau froide se déplace effectivement de la mer du Labrador, il devrait y avoir un flux compensatoire.

Voici un diagramme de la circulation de surface de l'Atlantique Nord. Voici le courant de l'Atlantique Nord. Le rouge qui passe par le bleu représente le chaud passant par le froid, avec des couleurs intermédiaires de jaune et vert. Vous vous rappelez ce que j'ai dit à propos de la chaleur dégagée par l'eau dans l'atmosphère et qui réchauffe l'Europe de l'Ouest? C'est ce qui se passe ici. Cette eau plus chaude, qui provient au départ des régions subtropicales, remonte ici et se refroidit au nord-est de l'Islande, et d'autres eaux froides arrivent ici et forment des courants qui en surface et en profondeur amènent de l'eau froide ici. D'autres eaux froides descendent la côte de l'île de Baffin, le long de la côte du Labrador—des eaux un peu plus froides—comme le vert le montre ici.

Si davantage d'eau froide arrive ici, elle devrait être compensée par un flux d'eau chaude ici. C'est pourquoi nous avons pensé à aller voir de l'autre côté de cet océan. S'il y a refroidissement ici, il devrait y avoir réchauffement de l'autre côté.

Je vous demanderais de regarder votre document. Je n'ai pas de diapositive là-dessus. Je vous ai remis un tableau, le tableau 1, dans lequel j'ai résumé nos constatations pour les stations de l'île et les stations côtières au large des côtes de l'Europe de l'Ouest. Cela s'appelle tableau 1 «Stations au large de l'Europe de l'Ouest: Observations à long terme».

J'ai énuméré les stations à partir de l'ouest, l'Islande, vers l'est—Murmansk en Russie est notre station la plus à l'est—et du nord, l'Irlande, jusqu'au sud dans les Açores. Je vous ai donné la durée des observations, puis les périodes de cinq ans les plus chaudes et les plus froides, ainsi que quelques commentaires. Vous constaterez que toutes ces stations de l'Atlantique Nord suivent la même tendance que je vous ai montrée pour nos propres stations au large de la côte est du Canada, une tendance au réchauffement à partir d'un refroidissement au début du siècle pour en arriver à un maximum puis à nouveau à un refroidissement.

Il y a lieu également de noter que dans cette liste, la période de cinq ans la plus froide pour toutes les stations dont les observations remontent à plus de 100 ans, tombent au XIXe siècle, sauf pour les Açores. Cela est vrai en fait de toutes les stations permanentes. Je peux vous montrer ici que si l'on peut se rendre un peu à l'intérieur des terres en Europe dans les endroits où l'on fait des observations à long terme, dans certains cas depuis le milieu du XVIIIe siècle, pas très longtemps après que Daniel Fahrenheit ait inventé le thermomètre...

• 1635

Ne regardez pas la décennie la plus chaude mais la plus froide. Toutes ces stations montrent les décennies les plus froides à une période qui va du milieu à la fin du XIXe siècle. Je n'ai jamais vu ce genre de chose avec un tel dégagement de chaleur. Peut-être les responsables de la conservation énergétique devraient regarder ces données. Cependant, ce que le GICC vous montre commence toujours au milieu ou à la fin du XIXe siècle. Par conséquent, les données ne peuvent qu'indiquer un réchauffement jusqu'à maintenant puisquÂelles commencent pendant une période qui a connu les décennies les plus froides sans exception.

Il est intéressant de voir là où commencent les décennies les plus chaudes. Certaines de ces stations ont enregistré les décennies les plus chaudes au début des observations, à la fin du XVIIIe siècle. Aucune n'indique la décennie la plus chaude au XIXe siècle, qui a été un siècle froid.

Voici les indications jusqu'aux années 80. Les années 90 ne sont pas encore terminées. Certaines villes comme Vienne, Copenhague et Genève, ont connu leur décennie la plus chaude très récemment alors que d'autres, ce qui est important, ont connu leurs décennies les plus chaudes pendant les années 30, comme Stockholm et Trondheim en Norvège.

Nous avons donc ce tableau très intéressant: l'ère pendant laquelle le GICC fait commencer ses graphiques planétaires et hémisphériques pour vous impressionner avec le fait que la planète se réchauffe est en fait l'ère récente la plus froide. Pensez-y.

Notez également que les trois stations figurant au tableau 1, avec leur période de cinq ans la plus chaude dans les trois dernières décennies, ont toutes déménagé dans des aéroports. Les aéroports sont des îlots de chaleur: les pistes pavées et la combustion de carburant d'aviation réchauffent l'air adjacent par rapport à l'air ambiant. Il est suspect, pour le moins, quÂà mesure que les stations d'observation météorologique sont placées dans des aéroports, les tendances locales des températures sont à la hausse, ce qui diffère souvent des résultats des stations rurales voisines.

Les températures de surface dans l'Atlantique Nord ectotropical sont actuellement proches ou en dessous de leur moyenne à long terme et sont inférieures aux températures atteintes pendant les décennies les plus chaudes de ce siècle ou, dans le cas de certaines stations permanentes, encore plus tôt.

Dans tous les cas, la période la plus chaude est survenue avant les années 90 et la décennie actuelle est jusqu'à présent la moins intéressante. Rien ne prouve que la région s'est réchauffée ou refroidie considérablement dans les années 90—rien que de très ennuyeux. La tendance au réchauffement général qui est censée être manifeste dans l'hémisphère n'est simplement pas montrée ici.

On ne peut pas expliquer ce refroidissement général dans toutes les stations insulaires par cette interprétation plutôt simpliste voulant que les eaux froides de fonte des glaciers descendent d'un Arctique qui se réchauffe. Ce qui se passe à l'échelle de la planète selon le GICC, ne comprend pas notre région.

Cela est d'autant plus étrange que l'Atlantique Nord est sans aucun doute l'océan qui fait l'objet des échantillonnages les plus intensifs et les plus nombreux.

Voici la fréquence des observations météorologiques par mois pour différentes parties du monde. Le rouge signifie au moins 15 observations par mois dans un carré de latitude et de longitude de deux par deux degrés. Vous verrez que lorsque l'on revient au début des observations dans les années 1880, 1890, il y avait des données pour le nord-ouest de l'Atlantique, à travers l'Atlantique ici, vers l'Amérique du Nord, jusqu'en Amérique du Sud... Ceci est intéressant; il devait s'agir des navires qui allaient chercher le salpêtre au Chili. Il n'y a pratiquement rien dans le Pacifique et par le canal de Suez, se trouve la route vers les Indes. Il n'y avait pas de canal de Panama à cette époque.

Avant 1940, l'Atlantique Nord est particulièrement bien étudié. Les observations commencent dans le Pacifique Nord et il s'en fait également en Asie de l'Est. Même lorsqu'on en vient aux années 60 et 80, on voit que les données dans l'Atlantique Nord sont bonnes et qu'elles le sont également dans le Pacifique Nord mais qu'il n'y a pratiquement rien, même encore aujourd'hui, dans la partie sud.

Une grande partie du globe n'est pas échantillonnée afin de vous donner ces soi-disant moyennes planétaires.

Comme nous le savons, dans ces latitudes tempérées de l'est de l'Amérique du Nord et du nord-ouest de l'Europe, où nous possédons les mesures les plus anciennes des températures, certaines remontant jusqu'au moment où l'on a commencé à prendre ces mesures, au XVIIIe siècle, nous constatons un refroidissement.

• 1640

Si l'on ne peut pas trouver des indices de réchauffement planétaire ici dans les parties du monde où l'on prend le plus d'échantillons, comment pouvons-nous croire que cela se produit à partir de données provenant de la Sibérie centrale ou de régions éloignées de l'hémisphère sud? Apparemment, la réponse est oui car voilà la propre carte de production du GICC tiré de son rapport de 1996.

Premièrement, toute personne qui connaît un peu la mer reconnaît ici une carte de Mercator. Une carte de Mercator est excellente pour la navigation mais n'est en aucun cas une projection équivalente d'une même région, au nord et au sud de 60 degrés. Elle exagère donc immédiatement ces régions indiquées ici qui sont censées être les régions de réchauffement, la région du nord-ouest de notre propre pays et de l'Alaska et cette région ici en Sibérie.

En fait, si nous avions une autre journée et demie, nous verrions que cette région de la Sibérie est une des régions du monde où l'on fait le moins d'échantillonnages. Nous avons des problèmes considérables de bases de données dans cette région. Et là où le réchauffement est censé se produire dans le sud, nous avons également des lacunes énormes dans les données. Ce sont des endroits isolés. Je pense que cela montre Tristan de Cunha ou quelque chose du genre. Il n'y a en fait pas de données dans l'océan septentrional pour justifier un réchauffement.

Lorsque je présente cela à mes collègues, ils me disent évidemment «Mais monsieur Pocklington, vous n'avez pas à vous inquiéter.» D'ailleurs, voici ici notre refroidissement là en Europe. «Vous n'avez pas à vous inquiéter du refroidissement que vous trouvez dans l'Atlantique Nord, dans le nord-ouest de l'Europe. Nos modèles prédisent maintenant un refroidissement dans le nord-est de l'Amérique du Nord et au Groenland.» On m'a dit cela pour la première fois en 1994.

«Oh» ai-je répondu, «où étiez-vous en 1965? Comment pouvez-vous prédire en 1994 un refroidissement qui a commencé au milieu du siècle? Ce n'est pas une prédiction c'est une affirmation après les faits».

Ils ont répond que c'était une «prédiction rétrospective». Et j'ai dit «Bien sûr, comme celles que vous donne votre courtier le lendemain d'un crac financier».

Cela ne me satisfait pas du tout. Nous avons ces données très réelles, et ces modèles informatiques très coûteux sont maintenant—on n'utilise pas le mot mis au point—réglés pour donner les résultats qui se trouvent dans les données. Ce n'est pas de la prédiction. Disons que c'est de l'adaptation après les faits—je ne parlerais pas de manipulation—je ne le crois donc pas.

On n'a jamais prévu ce refroidissement. C'est seulement après avoir montré ce refroidissement année après année et après leur avoir littéralement mis le nez dans les données qu'ils ont admis le fait et modifié leur modèle pour tenir compte du refroidissement dans l'Atlantique Nord.

Mais si les modèles prévoient maintenant un refroidissement dans l'Atlantique Nord, moi-même et les membres du secteur des pêches aimeraient savoir si, puisque c'est dans leur modèle, cela va prendre fin? Mais lorsqu'on pose une question précise comme celle-là, on vous dit qu'il est impossible de dire quoi que ce soit à l'échelle régionale.

Il faut également se rappeler que si on avait constaté un réchauffement dans l'Atlantique Nord, croyez-vous que cela aurait été interprété comme une preuve à l'encontre du réchauffement planétaire? On ne peut pas présenter une hypothèse scientifique lorsque des preuves qui y sont diamétralement opposées sont toujours en faveur de votre hypothèse.

Il ne s'agit pas du tout d'une prédiction sur le refroidissement dans l'Atlantique Nord; c'est une justification après les faits de ce que les données réelles indiquent.

Je suis désolé de m'être emporté un peu, monsieur le président. Le temps va probablement me manquer. Si vous pouvez m'accorder quelques minutes de plus. Calmons-nous un peu—ou réchauffons-nous un peu—et retournons aux Bermudes.

Dans mes remarques d'ouverture, j'ai parlé de la durée des séries chronologiques sur les températures qui dépendent de la durée des séries. Un certain nombre de choses très intéressantes ont été réalisées au large des Bermudes en dehors de la station S. Dans les années 70, une collecte d'une suite presque continue d'échantillons par piégeage de sédiments de mer profonde—ces particules qui s'enfoncent par la colonne d'eau—a commencé dans un centre appelé Centre de programme des flux océaniques. Cette collecte a été entreprise par Verner Deuser de Woods Hole. De plus, on a prélevé des échantillons de sédiments abyssaux sur le massif des Bermudes à l'est de la station S.

Ces trois éléments s'associent pour donner une des premières constructions de la température de surface de la mer, en haute mer, depuis les derniers siècles. Je dois ajouter que cela vient confirmer les preuves que fournissent les cernes de croissance des arbres et les trous de forage terrestres. C'est ce que l'on appelle une preuve indirecte. Je sais qu'elle ne découle pas d'une observation réelle de quelqu'un qui note une température et l'enregistre dans un livre, mais c'est une donnée indirecte totalement indépendante.

On peut étudier la composition isotopique stable des coquilles de certains petits planctons appelés foraminifères, qui indique les changements passés de température et de salinité dans la mer des Sargasses où ils vivaient et où ils sont tombés au fond de la mer et de sont transformés en sédiments.

• 1645

Je dois d'ailleurs expliquer que les géologues, contrairement aux climatologues, commencent ici à la gauche de l'axe X et remontent dans le temps vers la droite. C'est une distinction qui existe depuis longtemps. Je ne sais pas comment elle a commencé. C'est un peu comme le schisme entre les églises orientales et occidentales. Cela remonte à très longtemps. Il faut simplement se rappeler que les échantillons des géologues, que l'on voit ici et à droite remontent à une période très éloignée alors qu'à l'échelle des climatologues, c'est l'inverse.

Cependant, regardons ce que ces observations nous montrent. Voici notre petite station S et les quelques observations que nous avons faites depuis 1954, qui se trouvent ici. Auparavant, et nous remontons à 300 ans, nous avons une preuve claire de ce que l'on a appelé la petite ère glaciaire. Cette période est connue par de nombreux indices dans tout l'hémisphère nord, mais non pour le reste du monde, car nous n'avons pas beaucoup de preuves pour les autres parties du monde. Mais nous pouvons constater clairement qu'il faisait froid pendant ces siècles.

Un peu plus haut se trouve la période chaude du moyen âge. Pendant cette période, les Scandinaves ont traversé pour la première fois vers le Groenland où, dans la partie sud, quand on pense aux faibles variétés de blé d'aujourd'hui, ils ont cultivé du blé. Je vous défie de le faire aujourd'hui, même avec les variétés modernes. Ces événements sont réels—la petite ère glaciaire et la période médiale chaude. Si l'on remonte encore, nous avons une autre période froide ici, il y a environ 1 500 ans, et une période encore plus chaude par là.

La principale question est celle de la variabilité dans les observations, dont on a parlé lorsqu'on a posé les premières questions. L'écart ici est d'un degré ou même plus pour la petite ère glaciaire. Et ici un degré ou plus d'élévation de la température—même deux degrés ici.

Nous n'avons pas encore vu tout l'éventail de la variabilité naturelle. Tout ce qui aurait pu se produire ici se situe dans l'éventail de la variabilité naturelle. La variabilité naturelle est beaucoup plus importante que nous ne le pensons. L'intervenant précédent a parlé d'une hypothèse de stabilité à long terme du climat, ce qui n'est tout simplement pas possible.

Tous ces événements se sont produits sans l'intervention humaine. Même s'ils essayaient de se tenir au chaud pendant la petite ère glaciaire, je ne pense pas que nos ancêtres aient brûlé suffisamment de combustibles pour influencer de façon significative la pression partielle du gaz carbonique dans leur atmosphère. Je pense en avoir assez dit et avoir pris suffisamment de votre temps.

Essentiellement, les affirmations selon lesquelles le réchauffement d'un demi-degré que l'on connaît depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nous jours est exceptionnel et exige une explication particulière ne sont pas justifiées par ces données. Il faut se rappeler que ce que l'on voit dans une série chronologique donnée dépend de ce que l'on vous montre.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Pocklington.

Nous continuons maintenant par les questions. Je vous demanderais de vous limiter à cinq minutes plutôt qu'à dix. Nous allons entendre M. Lincoln puis M. Knutson. Après quoi, ma liste est vide. Monsieur Pratt—d'accord. Veuillez commencer monsieur Lincoln.

M. Clifford Lincoln: Je vais donner une minute à M. Pocklington.

Monsieur Pocklington, si je vous comprends bien, vous êtes totalement en désaccord avec le Groupe intergouvernemental sur le changement climatique—composé d'environ 2 500 experts. Votre propre travail est-il examiné par vos pairs?

M. Roger Pocklington: Non monsieur, je ne suis pas totalement en désaccord avec le GICC. Vous avez entendu ma présentation. Sur les cas particuliers dont j'ai traités, j'ai présenté des faits, et les faits, qui ne sont pas les miens mais les leurs, ne concordent pas avec leur position.

M. Clifford Lincoln: Non, non. Je vous posais une question précise. Est-ce que vos travaux sont examinés par des pairs?

M. Roger Pocklington: Je ne suis pas ici pour répondre à des questions personnelles monsieur. Je suis ici sur mon propre temps et à mes propres frais. Je suis un fonctionnaire retraité. La liste de mes publications vous a été remise, des publications ayant fait l'objet d'un examen par les pairs. Je suis à la retraite et n'ai pas d'emploi, si c'est là l'objet de votre question. Mais je trouve ce genre de considération personnelle insultante.

M. Clifford Lincoln: Excusez-moi, monsieur Pocklington, mais je pense que cette question est tout à fait justifiée.

• 1650

Je lis en ce moment un livre intitulé The Heat is On, qui montre que la plupart des gens qui réfutent les conclusions du GICC ne sont pas examinés par leurs pairs—leur nombre est assez impressionnant. Ce que je comprends moi-même, et je ne suis pas un expert, c'est que le GICC, qui réunit quelque 2 500 scientifiques du monde entier et les scientifiques les plus éminents dans le domaine, nous dit qu'il y a réchauffement planétaire. Vous vous élevez contre ma question, mais c'est vous qui dites que ce qu'a dit M. McBean n'est pas vrai.

Vous trouvez ma question sur le fait de savoir si votre travail est ou non examiné par des pairs insultante, mais je pense que c'est une question juste. Si vous venez nous dire que les déclarations de M. McBean ne sont pas vraies, je pense que j'ai le droit de savoir si vos travaux sont examinés par vos pairs. C'est le cas du GICC dont les travaux, à toutes les étapes, sont examinés par les experts les plus éminents du monde. Je veux simplement savoir si je dois vous croire davantage que M. McBean—c'est tout.

M. Roger Pocklington: D'accord monsieur. Je suis peut-être un peu susceptible sur ce sujet, car quand j'exprime mon incrédulité, compte tenu de ma propre expérience pratique pendant ma vie professionnelle... J'ai donné un caractère un peu personnel à mon intervention pour vous montrer ce que j'avais fait, des études régionales que personne ne peut réfuter. Tout cela se trouve dans les documents, nos propres documents et ceux des scientifiques de l'Institut Bedford. Vous avez là des références de certains de mes collègues. Tout cela est présenté aux réunions du CIEM chaque année—les réunions sur les pêches.

Malheureusement, mes collègues ont eu tendance à considérer ces faits simplement comme des études régionales. Ils m'ont donné à réfléchir sur la façon dont tout cela s'intègre à la vision plus large que l'on nous décrit.

J'ai des publications. Elles sont énumérées, je crois, dans le... Stephen, les a-t-on jointes?

Le greffier: Oui, en effet.

M. Roger Pocklington: J'ai des publications qui sont énumérées là et j'ai des publications sous presse. Vous pouvez avoir lu les publications de mes collègues.

M. Clifford Lincoln: Je sais, mais je pense que c'est une question essentielle. Nous ne contestons pas des faits qui sont connus de tous les experts de la même façon. Ce que nous essayons de savoir, c'est quels groupes de scientifiques possèdent l'interprétation des faits qui nous donnera une projection nous permettant de décider si nous devons agir maintenant ou, comme le Parti réformiste le propose, de ne rien faire parce que cela coûte trop cher. Tout simplement comme l'industrie du tabac nous l'a dit il y a 20 ans—vous savez, il n'y a pas de preuve suffisante, alors ne faites rien. Mais après c'est trop tard.

Ce que nous voulons savoir, c'est si nous devons agir maintenant par mesure de précaution, au cas où les 2 500 experts du GICC ont raison. Si vous avez une interprétation différente, nous voulons savoir si vos opinions sont soutenues au même degré que les leurs.

M. Roger Pocklington: Il est bien évident que un n'est pas égal à 2 500. Mais je vous ai montré que je suis un scientifique actif et que je ne suis pas le seul à avoir ces opinions. Je suis plus libre de les exprimer maintenant que je suis retraité. Mais je dois dire que mon propre ministère a toujours soutenu mon travail. Vous verrez que mes travaux ont été appuyés par le Groupe interministériel de recherche et d'exploitation énergétique. Vous pouvez lire toute la liste des projets qu'appuie le groupe. Ils vont du soutien à mes travaux, si vous voulez et si vous voulez prendre cet exemple comme extrême, jusqu'à l'étude des barrages de castor et leurs effets sur les émissions de méthane. Mes sources de financement ont alimenté toutes sortes de gens ayant des points de vue très différents.

Le président: Merci.

Monsieur Knutson, suivi de M. Pratt.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Je me demandais, monsieur McBean, si vous souhaitiez faire des observations, compte tenu de la présentation précédente.

M. Gordon McBean: Merci. Oui en effet. J'aimerais également, tout comme M. Pocklington, éviter d'être trop personnel, bien que j'ai trouvé certains de ses commentaires plutôt vexants pour moi et mes collègues du milieu scientifique en général. Cependant, je m'en tiendrais aux points qu'il a soulevés.

Il vous a essentiellement donné une sélection de données de température provenant de l'Atlantique Nord et d'un certain nombre de stations situées sur les côtes, qui, comme je vous l'ai montré dans ce tableau, est une région dont nous convenons qu'elle se refroidit.

Je pense que l'on doit également réfuter le fait que toutes ces stations terrestres se trouvent dans des aéroports et que les aéroports sont des îlots de chaleur naturelle. Je dois dire d'abord qu'elles ne sont pas toutes dans des aéroports. De nombreuses stations du réseau climatique canadien se trouvent ailleurs que dans des aéroports.

• 1655

Deuxièmement, les experts des États-Unis et de Grande-Bretagne de même que du Canada, ont fait des analyses très poussées de ces données terrestres et ont fait des comparaisons des données prises dans les aéroports par rapport aux autres, et le cas échéant, ont corrigé les données des stations subissant un effet thermique. Nous croyons que les données que nous avons présentées, qui indiquent un changement de température à l'échelle planétaire, y compris le réchauffement des années 90—le fait que 1995 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée—s'appuient sur des données solides.

Je proteste contre l'affirmation que nous utilisons des cartes de Mercator. Nous n'utilisons évidemment pas des cartes de Mercator, sauf pour les montrer dans les diagrammes. Lorsque l'on calcule des moyennes globales, on utilise une méthode scientifique raisonnable.

Si le comité souhaitait avoir une présentation solide et faisant autorité sur le rôle des océans sur le climat, je pense qu'il y a de nombreux océanographes canadiens éminents qui ont réalisé des travaux importants. En fait, le président de l'Expérience sur la circulation océanique mondiale, qui travaille pour le ministère des Pêches et des Océans, est l'un des océanographes physiques les plus éminents dans le monde aujourd'hui. Il préside des comités internationaux et si vous souhaitez entendre une présentation faisant autorité sur le rôle des océans sur le système climatique, il serait bon d'inviter M. Clark de l'Institut Bedford.

Je pourrais également dire qu'avant d'occuper mon poste actuel, j'étais chef du département d'océanographie à l'Université de Colombie-Britannique. Je ne pense pas que le type de travaux océaniques qui vient d'être présenté ici est crédible pour ce qui est de le placer dans le contexte général d'un changement planétaire.

Merci.

Le président: Monsieur Knutson.

M. Roger Pocklington: J'invoque le règlement, monsieur le président.

Le président: Non, vous ne pouvez pas invoquer le règlement. Je suis désolé.

Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson: Qu'est-ce que vous vouliez dire?

Le président: Si l'on vous pose une question semblable, évidemment vous aurez la possibilité d'avancer votre argument.

M. Roger Pocklington: Compris.

M. Gar Knutson: J'aimerais simplement dire que je suppose que chacun agit de bonne foi. Nous sommes en train de chercher à savoir qui est le plus intelligent ou le meilleur.

Je ne suis pas un scientifique non plus, mais lorsqu'on me dit qu'il y a un consensus au sein du milieu scientifique—ou un consensus approximatif—selon lequel il existe un problème grave, j'ai tendance à l'accepter. Je n'ai pas les qualifications pour étudier les modèles informatiques. Je n'ai pas les qualifications pour faire la différence moi-même. Ce n'est pas pour cela que j'ai été élu. Mais en dehors de l'aspect personnel, je trouve ce débat intéressant.

Monsieur Pocklington, le président vous a coupé. Que vouliez-vous dire?

M. Roger Pocklington: Non, le président a expliqué les conditions dans lesquelles je pouvais répondre aux questions.

Le président: Allez-y monsieur Pocklington.

M. Gar Knutson: Écoutons votre réfutation à la réfutation.

Le président: Certainement, allez-y.

M. Roger Pocklington: Je suis d'accord avec M. Knutson. Peut-être devrions-nous être un peu moins émotifs.

Il est évident que pour vous, au niveau politique, un consensus est très important. Il est toujours très important que l'on en arrive à un consensus maximum dans un système démocratique, que toutes les opinions soient représentées et ainsi de suite.

Mais comme je le dis aux étudiants, la science est malheureusement à la fois démocratique et non démocratique. Elle est démocratique dans la mesure où chacun peut participer. Je ne dis pas qu'il est facile d'y entrer, mais même le fils d'un pêcheur peut devenir un scientifique. Mais elle n'est pas démocratique du fait qu'à n'importe quelle réunion ayant lieu à Genève, avec des scientifiques qui sont jugés ou se jugent eux-mêmes éminents—et je dois dire que la majorité de ces gens sont les vrais décideurs—les scientifiques réellement actifs de ce groupe représentent environ un dixième. Les autres ont des connaissances et sont bien intentionnés mais ils représentent divers gouvernements. Ce ne sont pas nécessairement des experts, on leur a simplement délégué cette responsabilité.

C'est pourquoi, supposer qu'il s'agit du nombre absolu de scientifiques actifs dans le domaine et que tous ceux qui sont invités à cette réunion... Et je dois vous dire que mon curriculum vitae indique que M. Bruce m'a gentiment invité à siéger au Comité d'examen canadien du rapport le plus récent, le rapport du groupe trois. C'était très aimable de sa part et exactement ce qu'il devait faire pour faire participer des gens qui avaient quelque chose à dire mais qui n'étaient pas nécessairement présents. Donc vous ne devez pas simplement croire que seuls les gens qui avaient quelque chose à dire étaient présents à cette réunion de Genève.

• 1700

Pour revenir à un point précis, je n'ai pas dit «à tous les aéroports»—vous avez mon texte devant vous. J'ai simplement fait remarquer que trois de ces stations qui indiquaient un réchauffement très récent ont été déplacées dans des aéroports, et je trouvais cela curieux.

Je sais que Gordon prétend que nous essayons très fort d'éliminer cet effet urbain. Mais il est également intéressant de voir que lorsque l'on se rend à l'île de Sable, où il n'y a pas d'effet urbain, on ne constate pas ce réchauffement. Si vous prenez une sélection des États-Unis, comme Thomas Karl l'a fait, des stations qui ne sont pas affectées par le réchauffement urbain parce qu'elles sont encore plus petites maintenant qu'elles ne l'étaient lorsque ces observations ont commencé, vous constatez qu'il n'y a pas de réchauffement général sur les États-Unis continental. En fait, on constate plutôt un refroidissement léger, mais selon moi non significatif.

Nous pensons avoir éliminé l'effet du réchauffement urbain, c'est tout ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit que toutes les stations se trouvaient dans des aéroports.

Le président: Merci.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Monsieur le président, je pense qu'on a répondu à certaines de mes questions, mais je ne suis pas sûr que M. Pocklington ait complètement répondu à la question de M. Knutson.

Sachant que différents experts peuvent en arriver à des conclusions différentes, n'admettez-vous pas qu'il y a un consensus dans le milieu scientifique sur le fait que le réchauffement planétaire est en fait une réalité, qu'il s'agisse d'un consensus approximatif ou général?

M. Roger Pocklington: Oui, mais ce que j'ai essayé de vous dire, lorsque j'ai fait cette remarque sur le fait que la science est à la fois démocratique et non démocratique, c'est que les choses ne fonctionnent pas de cette façon. Elle est démocratique dans la mesure où chacun peut participer, mais elle ne l'est pas du fait que la majorité... Prenez l'exemple des plaques tectoniques. Lorsque la majorité d'entre nous étions au collège, J. Tuzo Wilson lui-même était dans le camp de ceux qui prétendaient que les continents et les océans étaient fixes et ne pouvaient pas se déplacer. Si vous aviez eu une réunion à Genève à ce moment-là, la majorité aurait été de cet avis. Mais on a découvert des preuves du contraire et les gens ont changé d'avis. Maintenant, chacun sait que les continents se déplacent autour des bassins océaniques.

M. David Pratt: Dans ces conditions, croyez-vous que les gouvernements du monde entier fondent leurs décisions sur une science de qualité médiocre?

M. Roger Pocklington: C'est une déclaration beaucoup trop forte. Je crois avoir dit qu'il me semble curieux que dans les parties du monde qui sont le mieux échantillonnées—et je suis sûr de vous en avoir convaincu, et d'ailleurs les chiffres que je vous montre sont ceux du GICC—c'est-à-dire l'Atlantique Nord océanique, le nord-ouest de l'Europe et l'est de l'Amérique du Nord où on trouve les meilleurs échantillons. Je peux vous montrer la propre liste des stations du GICC. Les stations où des mesures ont été prises continuellement depuis 1940 sont peu nombreuses et espacées et elles sont situées dans ces endroits.

J'ai demandé à mes collègues de l'Institut Bedford s'ils ne se sentiraient pas plus rassurés d'avoir leurs indices les plus solides dans les parties du monde les mieux échantillonnées plutôt que dans celles qui le sont le moins. C'est tout. C'est une question d'ordre pratique. Ne serait-il pas plus simple si les parties les mieux échantillonnées indiquaient un réchauffement plutôt que d'avoir à se rendre dans des endroits inaccessibles pour arriver à ce résultat? Je dois vous dire que les données terrestres de l'Asie de l'Est et de la Sibérie sont très peu fiables.

Quelqu'un a posé une question sur les observations par satellite, ce dont nous n'avons pas encore parlé. Si l'on passe à la couche supérieure, où des observations sont faites je crois depuis la fin des années 70—cela fait 18 ans de données, Gordon?—ces données n'indiquent pas de réchauffement mais plutôt un refroidissement.

Je deviens peut-être trop passionné lorsque je présente ces diapositives, mais je voulais simplement faire comprendre que nous devons être prudents.

M. David Pratt: Donc, plutôt que de faire un commentaire général sur une science médiocre, pour résumer...

M. Roger Pocklington: Je n'ai pas dit cela.

M. David Pratt: Non, c'est moi qui l'ai dit, mais j'essaie simplement de comprendre vos intentions. Diriez-vous alors que certaines conclusions que les gouvernements ont tirées des preuves scientifiques sont problématiques dans la mesure où ces preuves ne sont pas concluantes?

• 1705

M. Roger Pocklington: Je n'ai pas moi-même constaté de changement en dehors des écarts de variation. Je n'ai pas vu d'indication en dehors de cet écart. Je ne suis pas un modélisateur. Je ne prédis pas l'avenir. Je vous montre le passé, ce qui s'est réellement passé dans la mesure où nous pouvons le savoir et je vous dis que ce n'est pas très important. Ce réchauffement dÂun demi-degré Celsius—et rappelez-vous que nous avons commencé ces graphiques à la période la plus froide—n'est pas très important et ne nécessite pas une explication particulière impliquant des méchants humains envoyant toutes sortes de choses dans l'atmosphère.

M. McBean a dit à juste titre que le gaz carbonique est le principal gaz à effet de serre, mais le principal gaz à effet de serre sur cette planète, c'est la vapeur d'eau. La planète est chaude parce qu'il y a de la vapeur d'eau dans l'atmosphère.

J'ai beaucoup de difficulté personnellement à croire que toute l'histoire du climat de la terre est essentiellement dominée par des changements mineurs de concentration dans un constituant mineur de l'atmosphère. Ce qui me tracasse, c'est un modèle dans lequel il n'y a qu'un facteur. Bien sûr, on y trouve aussi le méthane et autre chose, mais ces modèles ont été fabriqués en prenant un élément et en le doublant pour voir ce qui se passerait. Évidemment, quelque chose se produit. Si vous essayez de doubler d'autres facteurs, il se produira autre chose. Je pense que dans ce cas l'aspect politique a pris le dessus.

Monsieur le président, je dois dire que je n'ai pas fait de déclaration politique. Je ne pense pas que c'est à moi de le faire. Mais si l'on doit prendre des mesures... et là encore, on a dit que l'on nous demande de subir des coûts économiques réels pour des avantages qui, selon moi, sont hypothétiques. Les coûts seront associés aux factures d'électricité et aux factures de chauffage de pauvres petits retraités comme moi, des pauvres en général. Je plaisante, mais ce sont les pauvres qui devront payer. Il faut donc y réfléchir sérieusement. Des coûts réels pour des avantages hypothétiques: c'est là la question.

Le président: Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Cet échange, monsieur le président, nous amène pratiquement à déplorer la pratique des mises à la retraite précoces.

Il y a quelques centaines d'années, il y avait consensus dans la communauté scientifique pour déclarer que la terre était plate, mais il y avait de temps en temps quelqu'un qui osait dire que la terre était ronde. Il passait pour un excentrique. Je me demande si nous ne sommes pas dans une telle situation maintenant: il y en un qui ose émettre d'autres points de vue et dire que la terre n'est peut-être pas plate.

Je voudrais demander à M. McBean de présenter un commentaire sur le fait que la thèse de M. Pocklington est basée sur une plus longue période d'observation. Je pense que, fait pour fait, par tranche de cinq ans, vous dites à peu près la même chose pour la période qui vous est commune. Mais la période observée par M. Pocklington est plus longue, ce qui l'amène à relativiser sa conclusion, alors que la période observée par les scientifiques et M. McBean est plus courte.

Monsieur McBean, pourquoi n'y aurait-il pas lieu de concéder au moins ce point à M. Pocklington, à savoir qu'il faut regarder le tout sur une plus longue période? Si les scientifiques que vous représentez ou dont vous exprimez le point de vue ne l'ont pas fait, est-ce parce qu'ils n'avaient pas intérêt à examiner le tout sur une plus longue période?

J'ai une question pour M. Pocklington. Nous faisons tout cet exercice parce qu'en décembre, il y aura une conférence internationale où l'on doit signer un accord. On a constaté que tous les différents pays, l'Europe, le Japon et les États-Unis, nous parlent d'une stabilisation au niveau de 1990. Ça peut prendre plus d'années pour les uns et moins d'années pour les autres. Les moyens peuvent changer, mais on nous parle de cet idéal de la stabilisation.

• 1710

Pourriez-vous faire un commentaire sur cet objectif de stabilisation au niveau de 1990? D'après vous, est-ce une bonne idée, malgré les conclusions que vous nous apportez? Par quels moyens pourrait-on contribuer à cette stabilisation au Canada?

[Traduction]

M. Gordon McBean: Je voudrais d'abord dire que même si le diagramme que j'ai montré commence dans les années 1860, le Groupe intergouvernemental est remonté plus loin. Vous remarquerez que dans l'une des mes diapositives, on dit que le XXe siècle est au moins aussi chaud que n'importe quel siècle depuis au moins 1400. Nous avons fondé cette affirmation sur plus de 600 ans de reconstruction climatique. Le troisième diagramme remonte en fait à 200 000 ans. Nous avons donc effectivement utilisé des périodes plus longues d'observation qui, je pense, sont suffisantes pour aller au-delà de la période dont M. Pocklington a parlé.

Les données sont moins fiables. Il y a moins d'observations dans les périodes plus éloignées et nous devons les reconstruire à partir des petites bestioles de l'océan dont M. Pocklington a parlé et qu'il a analysées.

Si vous me posez la question de la stabilisation à 1990, je dirais simplement que la stabilisation à 1990, selon nos modèles sur le carbone, indique que les concentrations atmosphériques continueront de grimper. Si chaque pays du monde stabilise ses émissions, la concentration atmosphérique continuera d'augmenter et sera près du double de la concentration de gaz carbonique d'ici l'an 2100, avec les changements climatiques correspondants.

Le GICC, dans son rapport de 1990 ou 1992, a énoncé que si l'on veut stabiliser la concentration atmosphérique de gaz carbonique, il faut réduire les émissions actuelles de tous les pays d'environ 60 p. 100.

Le président: Monsieur Pocklington, s'il vous plaît.

[Français]

M. Roger Pocklington: Je n'ai rien à dire sur la question de la stabilisation. Pour moi, la concentration d'oxyde dans l'atmosphère ne pose pas un problème. Pourquoi stabiliser quelque chose qui ne pose pas de problème?

M. Yvon Charbonneau: J'ai compris plus clairement en français qu'en anglais. Je n'avais pas compris que jusqu'à maintenant, ce n'était pas un problème. J'avais compris que ce n'était pas un problème aussi grave que les autres le disent. Mais là vous nous dites que ce n'est pas un problème. Est-ce bien ce que vous voulez dire?

M. Roger Pocklington: Ce n'est pas un problème parce que pour moi, la série des températures ne nécessite pas une explication séparée; c'est-à-dire que ce qui est arrivé entre la fin du XIXe siècle et maintenant n'est pas grand-chose.

Le président: Merci, monsieur Charbonneau.

Madame Kraft Sloan.

[Traduction]

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Monsieur McBean, j'aimerais simplement vous poser une question sur les études régionales qui ont récemment été entreprises dans l'ensemble du pays. Nous avons l'étude sur le Canada, qui sera publiée plus tard ce mois-ci. Il y a six rapports scientifiques régionaux sur la Colombie-Britannique, le Yukon, l'Arctique, les Prairies, l'Ontario, le Québec et l'Atlantique. Cet été, on a publié l'Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie.

Je me demandais si vous pouviez nous parler de l'Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie, si vous disposez de l'information. Il me semble en effet que grâce à cette étude, nous avons constaté des preuves de changement climatique dans la région du bassin du Mackenzie et que quelque 2 500 à 3 000 scientifiques de même que 300 économistes, qui ont examiné certains des effets du changement climatique, ont accepté le fait que cela est dû à une intervention humaine.

• 1715

Je crois comprendre également que les experts en sont arrivés à la conclusion que le réchauffement sera plus important dans les régions polaires et équatoriales et dans les régions continentales plutôt qu'océaniques.

J'aimerais que vous nous parliez de l'Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie ou toute autre étude du même genre.

M. Gordon McBean: Oui, merci. Nous pouvons fournir aux membres du comité le sommaire de l'Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie, si cela n'a pas déjà été fait. Je pense que nous vous l'avons déjà remis mais nous pouvons obtenir d'autres exemplaires.

L'Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie est une analyse qui se fonde sur des études scientifiques des changements locaux du pergélisol et des écosystèmes aquatiques, ainsi que sur un grand nombre d'entrevues avec des gens qui vivent dans cette région, y compris de nombreux Autochtones dont le style de vie est le même depuis très longtemps.

Nos propres données scientifiques montrent que le bassin du Mackenzie s'est réchauffé d'environ 1,5 degré Celsius. Comme on le voit sur cette petite carte que je vous ai montrée tout à l'heure, c'est l'un des endroits où le réchauffement est le plus prononcé au Canada. Cela est conforme aux prédictions des modèles de changement climatique planétaire. Nous avons également vu, comme l'ont souligné les études des écologistes, une évolution des écosystèmes. On a noté les effets sur le pergilisol, et les Autochtones eux-mêmes ont signalé—c'est une information anecdotique mais qui se fonde sur leur propre style de vie—de nombreux changements qu'ils ont observés dans les régimes climatiques de la région.

Nous avons publié le rapport au Québec l'autre jour pour cette région. Il s'agit d'évaluations qui se fondent sur des textes scientifiques traitant du genre d'effet qu'aurait le doublement du gaz carbonique dans l'atmosphère, le genre de changement climatique qui surviendrait. Ce ne sont pas des prédictions; ce sont simplement des évaluations scientifiques indiquant le type de changements sociaux, économiques et environnementaux qui correspondraient à ce climat, région par région au Canada. Nous devons être prudents en raison des difficultés qu'il y a à modéliser des changements à petite échelle, mais dans ce contexte, les études montrent les changements et leurs impacts—dont certains sont positifs et d'autres négatifs—sur les activités canadiennes.

Comme vous l'avez dit, l'étude officielle sur l'ensemble du Canada sera publiée plus tard ce mois-ci.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Monsieur Pocklington, avez-vous des observations à faire sur l'Étude d'impact du bassin du Mackenzie, sur les changements reconnus par les scientifiques canadiens comme étant un changement climatique réel qui se produit dans le nord du Canada et s'accompagne de modifications des écosystèmes? Connaissez-vous cette étude?

M. Roger Pocklington: Oui madame Kraft Sloan. En fait, M. Lincoln serait sans doute heureux de savoir que j'ai contribué au rapport sur la région de l'Atlantique. Certains des aspects dont j'ai parlé, les faits que j'ai présentés, ainsi que ceux de mes collègues, seront dans ce rapport. On y admet que dans la région de l'Atlantique, nous devons nous préparer à un changement climatique, un réchauffement ou un refroidissement, car la réalité est actuellement un refroidissement. Comme j'ai essayé de vous le montrer, cela aura également des conséquences économiques et sociales.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais je crois que c'est la raison pour laquelle on appelle cela un changement climatique.

M. Roger Pocklington: Oui, c'est un changement climatique.

Mme Karen Kraft Sloan: Cela s'appelle un changement climatique car nécessairement, il va faire chaud ou froid. Cela dépend de la partie du monde dont on parle...

M. Roger Pocklington: Oui.

Mme Karen Kraft Sloan: ... et il est certain que dans le nord du Canada, il existe des preuves bien documentées, tant sur le plan de la science occidentale que sur le terrain, grâce aux observations des Autochtones.

Je suis allée là-bas. Je sais que je fais de la politique et non des sciences. Je n'habite pas là-bas et je n'y passe pas beaucoup de temps. Mais j'ai parlé avec des Autochtones qui m'ont indiqué les changements qu'ils avaient constatés, des changements dans la présence de certains types de poissons, des changements dans les transports en raison du dégel des routes en hiver, du dégel des ponts de glace, de l'effondrement des rives de la rivière Mackenzie à la suite des glissements de boue et l'augmentation des feux de forêt. Les Autochtones constatent donc tous ces phénomènes dans le cadre du scénario de changement climatique.

• 1720

M. Roger Pocklington: Je suis sûr que toutes ces données locales existent.

J'aimerais aborder deux points. Le premier est qu'il n'y a pas tellement de gens qui vivent dans cette région. Combien y vivaient en 1895? Je crois comprendre que les traces de température à long terme dont nous disposons commencent vraiment avec une station, celle de Norman Wells je crois. J'aimerais donc que l'on tienne compte aussi de mon point de vue, qui est que nous disposons d'observations très limitées. J'admets que nous avons l'expérience des gens pour nous guider, mais nous avons également l'expérience des gens à Terre-Neuve, au Labrador et dans l'île de Baffin.

Si vous ne tenez pas compte de ce que je vous ai présenté sur l'Atlantique et l'Europe de l'Ouest sous prétexte que ce refroidissement n'est pas terriblement important, je pourrais dire la même chose de cette région dont vous parlez. Je pourrais vous dire que c'est atypique. Nous avons en fait un refroidissement et un réchauffement de certaines régions et, madame, c'est ce que vous devez accepter.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais ce n'est pas atypique puisque l'impact le plus important du changement climatique, c'est-à-dire l'augmentation de la température, va se produire dans le nord et le centre du continent, c'est-à-dire la région dont nous parlons.

Nous parlons de gens qui se transmettent des histoires de génération en génération, ce qui est également un type de science. Ils ont parlé eux aussi des changements qu'ils ont constatés dans les écosystèmes—de larges écosystèmes—de même que dans des espèces de poisson particulières et ainsi de suite. C'est ce qu'ils ont constaté. Et les conséquences de l'augmentation de la température dans cette région, comme M. McBean l'a souligné, d'un point de vue scientifique, correspondent au modèle de changement climatique.

Par conséquent, les résultats des travaux réalisés pour l'Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie, qui englobe plusieurs secteurs—puisqu'il comprend la communauté scientifique et les peuples autochtones—suggèrent tous qu'il se produit un changement climatique actuellement dans le nord du Canada.

Le président: Je suis désolé, mais veuillez répondre rapidement.

M. Roger Pocklington: Tel qu'on le voit dans l'Atlantique et les régions dont j'ai parlé.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Asselin, s'il vous plaît.

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Ma question s'adresse à M. McBean. On étudie présentement la problématique des émanations à effet de serre en vue de la rencontre qui aura lieu à Kyoto. Les ministères de l'Environnement, des Ressources naturelles et de l'Industrie se sont préoccupés de cette question. Tout à l'heure, on disait que plus ça changeait, plus c'était pareil. Je savais que cette affirmation était exacte en politique: on change de gouvernement et de ministres, et plus ça change, plus c'est pareil. On fait des études et des analyses, mais on ne pose pas de gestes concrets qui résultent en une diminution.

Quand je regarde les graphiques de 1900 jusqu'en 2001, je constate que plus ça change, moins c'est pareil. Et là en 2001... [Note de la rédaction: Inaudible]. C'est la même chose pour 1910 à 2040, et pour 1860 à l'an 2000.

Est-ce que le ministère de l'Environnement, en plus d'analyser et de pondre de beaux documents qui paraissent bien et qui vont sûrement bien paraître à la réunion de Kyoto, tente concrètement d'empêcher l'évolution de la courbe des graphiques pour l'an 2000? Est-ce qu'Environnement Canada, par l'intermédiaire de ses employés, est capable aujourd'hui, ou demain à la rigueur, de déposer des solutions concrètes en vue d'atteindre cet objectif de stabilisation?

Si nous sommes capables de diminuer ces émanations, n'attendons pas de nous retrouver comme en Corée du Sud ou au Mexique, où on doit marcher toute la journée longue avec un mouchoir ou un masque sur la bouche ou sur le nez, avant de commencer à réagir.

On a déjà des analyses et des études; ce qui manque, c'est tout simplement une bonne volonté d'appliquer des politiques environnementales qui donnent des effets concrets.

• 1725

[Traduction]

M. Gordon McBean: Merci.

Il est certain que plusieurs ministères du gouvernement fédéral sont très actifs et que de nombreux ministres travaillent à ce problème. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui quelle sera la position adoptée. Ce n'est pas à moi de tenter d'expliquer quelle serait cette position. Je peux dire simplement que l'on s'en préoccupe beaucoup. Le Premier ministre a déjà parlé à deux reprises la semaine dernière de ce sujet. C'est un sujet dont les gouvernements se préoccupent. Nous préparons une position qui sera présentée à Kyoto et qui fera partie d'un processus déjà en cours.

Je suis heureux que vous ayez parler du masque sur le visage car nous examinons également les effets sur la santé humaine de ce genre d'émissions dans le contexte de toute la question de la qualité de l'air urbain. Ces questions et celles du changement climatique sont très étroitement liées.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Asselin.

Nous pourrons faire un deuxième tour rapide, après une brève question du président. La question qui m'intrigue est la suivante.

On note un changement de température sur la carte du nord-ouest de l'Atlantique que vous nous avez montrée, monsieur McBean, une tendance à la baisse. C'est également la conclusion tirée des observations faites à l'île de Sable dont M. Pocklington a fait état. C'est donc dire que dans cette partie des océans, on en arrive aux mêmes conclusions.

A-t-on abouti à des conclusions semblables dans d'autres océans, dans d'autres parties du monde?

M. Gordon McBean: Je crois que oui. Je suis content que vous ayez attiré notre attention sur ce point. Ce genre de modèles de projections englobent l'océan ainsi que les effets d'un changement océanographique correspondant aux gaz à effet de serre.

Au début, comme l'indique ce diagramme, on note un refroidissement dû à une modification de la circulation thermique des eaux marines dans l'Atlantique Nord, dans cette région. A mesure que l'on avance, que l'on se rapproche de l'an 2100, que les gaz à effet à serre augmentent, cette région de refroidissement finit, après beaucoup de temps, par se réchauffer. Mais il y a d'autres secteurs où, bien sûr, les observations et les modèles concordent en ce moment, notamment dans certaines régions de l'Atlantique Nord et ailleurs.

M. Roger Pocklington: Monsieur le président, pourrais-je rapidement présenter ceci?

Le président: Oui.

M. Roger Pocklington: J'aurais vraiment aimé avoir davantage de temps. Après tout, cette présentation a été fascinante. Certains sont déjà partis, mais d'après ce que j'ai vu, personne ne s'est endormi.

M. McBean vous a déjà montré exactement la même chose, avec les mêmes données provenant de l'Université d'East Anglia qui, dans ce débat, peut se comparer au Vatican. C'est de là que proviennent les données et déclarations qui font autorité. Nous avons ici une bien meilleure projection équivalente, car il s'agit bien sûr d'une projection de haut en bas. Nous voyons notre planète de haut en bas.

Quant au commentaire de M. McBean sur les cartes de Mercator, quoi qu'il dise, c'est ce que l'on a présenté au public, dans cet autre exemple. Mais en tant que scientifiques, nous convenons qu'il vaut mieux utiliser des projections équivalentes.

Celle-là est très intéressante, car elle porte plus particulièrement sur l'automne. Lui vous a montré les données annuelles. Les rouges indiquent un réchauffement et les bleus un refroidissement. Vous pouvez ignorer les teintes intermédiaires, car les projections du GICC sont présentées non seulement en termes absolus, mais en fonction de la rapidité du changement. S'il s'agit d'un réchauffement à un rythme très lent, il n'en tient même pas compte. Non seulement faut-il qu'il y ait réchauffement de la planète, il faut également que ce soit à un rythme sans précédent, ce qui veut dire que vous pouvez vous contenter de tenir compte du rouge foncé et du bleu vif.

• 1730

Désolé, je parlerai à mon député pour qu'il fasse arranger le rétroprojecteur que vous avez là.

Les niveaux en degrés Celsius, par décennie, sont du même ordre pour le refroidissement. Nous avons moins six à moins cinq degrés Celsius, dans les couleurs rouges, alors que l'on nous affirme que dans les couleurs très rouges, on monte à un degré Celsius. Mais en gros, si l'on examine la situation en automne et que l'on convient qu'il s'agit d'une zone équivalente, on note autant sinon davantage de zones bleues de refroidissement: tout le continent nord-américain, la région dont je vous parlais, l'Europe de l'Est, et je n'ai même pas mentionné le Pacifique Nord. Une énorme masse d'eau a accusé une baisse de température dans le Pacifique Nord.

Oui, on observe toujours ce que l'on prétend être un réchauffement en Alaska et dans l'est de la Sibérie, et j'aimerais avoir davantage de temps pour vous en parler. Mais nous tenons cela de gens qui, comme je le disais, peuvent se comparer au pape et aux cardinaux dans ce débat sur le réchauffement, et ils doivent admettre que lorsqu'ils observent l'évolution de 1961 à 1990, et qu'ils isolent les données pour l'automne, ils ont du mal à noter un réchauffement—seulement dans cette région, et un peu ici.

De manière générale, vous pouvez chercher dans le rapport du GICC, vous ne trouverez aucune explication. C'est vraiment très étrange. Ce phénomène nous dit quelque chose sur notre planète, mais je n'ai trouvé nulle part d'explication satisfaisante. Depuis trente ans, on constate autant sinon davantage de refroidissement que de réchauffement sur notre planète.

Le président: Merci.

Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Merci.

Considérer la situation dans son ensemble est un vrai casse-tête. D'un point de vue d'océanographe, monsieur Pocklington, toute cette question du changement climatique part des pôles, le scénario étant qu'ils vont se réchauffer. Est-il vrai que si les pôles se réchauffent, la glace va fondre et le niveau des océans va monter? Est-ce un fait océanographique également?

M. Roger Pocklington: C'est exact. Mais, en fait, si vous voulez parler un peu du niveau de la mer...

M. Rick Laliberte: Et bien, oui. Vous n'avez pas du tout mentionné le niveau de la mer.

M. Roger Pocklington: C'est que vous m'aviez d'abord limité à dix minutes. Vous m'avez accordé bien davantage.

La question du niveau de la mer est réellement prématurée. Il y a du vrai, mais il faut savoir que compte tenu de facteurs comme la flottabilité de la glace notamment, la hausse du niveau de la mer est en fait provoquée par le réchauffement des eaux de surface de l'océan, qui augmente de volume. C'est de là que vient la hausse du niveau de la mer projetée ou proposée.

J'aimerais faire deux observations. Si vous pensez que la base de données sur les températures laisse à désirer, c'est pire en ce qui concerne les précipitations. Et quant aux données sur le niveau de la mer—la base factuelle dont nous disposons à divers endroits du monde où l'on a effectivement mesuré le niveau de la mer—est atroce.

Les Bermudes sont censées être parmi les endroits les plus fiables car elles sont constituées d'une calotte de corail recouvrant un volcan qui apparemment n'a ni monté ni baissé, comme de nombreuses régions du Canada. Mais je dois vous avouer que la courbe enregistrée, dont j'avais la responsabilité à l'époque, n'est pas fiable car la jauge elle-même a été déplacée. On dispose d'une très mauvaise base factuelle pour évaluer l'évolution du niveau de la mer. Selon les endroits, elle monte et descend, ou demeure pareille, et j'ai du mal à croire que l'on puisse faire des projections.

Que l'on calcule qu'en réchauffant les eaux de surface de l'océan de tant, on obtiendra une augmentation de son volume et que, toutes les autres données étant inchangées, cela entraînera une augmentation du niveau de la mer, d'accord. Il s'agit d'un simple calcul physique. Mais son expression en divers endroits...

Si je peux reprendre l'exemple des Bermudes, on entend sans cesse dire que le niveau de l'eau va augmenter et que les pauvres gens... En fait, ce ne sont pas de pauvres gens. Les Bermudes sont parmi les rares endroits qu'un Canadien peut visiter sans ressentir de pitié pour les indigènes, car ils sont plus riches que nous. Mais il y a quelques îles pauvres également, qui ont cette même base de corail, et en fait ces îles se trouvent là parce que le récif de corail parvient à croître plus rapidement que le niveau de l'eau n'augmente. Le niveau de la mer monte et baisse depuis toujours.

Encore une fois, cela ne m'inquiète pas, et je vis sur une île de corail.

• 1735

M. Rick Laliberte: On pourrait croire que ce que vous dites frise la théorie de la conspiration.

M. Roger Pocklington: Oh, certainement pas. Je ne pense pas avoir dit quoi que ce soit...

M. Rick Laliberte: Moi je peux le dire. Je suis un politicien.

Maintenant, si vous nous dites que nous n'allons pas, d'ici dix ou vingt ans, ce qui est l'objet de cette conférence... Si nous ne modifions pas nos habitudes et continuons à polluer le monde, si nous ne changeons pas nos styles de vie partout dans le monde, tout indique que les facteurs écologiques sont en place et la réalité écologique nous dit que nous sommes en train de commettre une grave erreur. Vous nous avez dit avec beaucoup d'aplomb qu'il ne faut pas se préoccuper du gaz carbonique, que les changements climatiques sont sans importance, tout juste un contretemps. S'il s'agit d'une erreur, êtes-vous prêt à en assumer la responsabilité?

M. Roger Pocklington: Voyez-vous, on suppose toujours que—j'entre à présent dans le domaine politique et parle donc en tant que simple citoyen—que si l'on ne fait rien, il y aura des conséquences épouvantables. Mais savez-vous ce qui serait le pire de tout cela? Ce serait de prendre des mesures préjudiciables à l'économie mondiale. Et, rappelez-vous, ce sont les plus pauvres qui seront les plus touchés, les plus pauvres chez nous et dans les autres pays, même si les pays en développement seront exemptés de ces règlements au début. Je suppose que nul d'entre vous n'ignore ce fait: ils seront exemptés. En fait, le pire serait que nous fassions tout cela et que le monde continue quand même à se réchauffer, car son réchauffement est peut-être dû à des raisons qui n'ont rien à voir avec le gaz carbonique.

Encore une chose: comment saurez-vous que vos mesures ont des effets? Imaginez ce que certains diront. Disons que vous prenez ces mesures, au grand détriment de l'économie mondiale. Si la planète continue à se réchauffer, ce sera parce qu'on n'a pas essayé assez fort; si elle continue, en moyenne...

Le président: Monsieur Pocklington, je suis désolé de vous interrompre. Vous abordez un domaine qui ne relève pas de votre compétence—l'économie.

M. Roger Pocklington: Vous avez raison, monsieur le président.

Le président: Vous êtes ici pour témoigner à titre d'expert scientifique.

M. Roger Pocklington: D'accord.

Le président: Aussi j'apprécierais que vous vous absteniez de faire des observations qui ne relèvent pas de votre spécialité et que vous répondiez à la question posée par M. Laliberte en vous servant au mieux de vos connaissances dans votre discipline.

Monsieur Laliberte, avez-vous d'autres questions?

M. Rick Laliberte: C'est à dire que certaines affirmations ont été faites à divers moments. Le long de la côte Est, avez-vous dit, la quantité de morue a diminué de 50 p. 100, cette diminution a été présentée en termes de pourcentage et vous n'avez pas dit qu'une bonne partie, ou même quelque partie que ce soit, soit attribuable aux chalutiers ou à l'activité humaine. Vous avez parlé de changement temporel.

M. Roger Pocklington: Monsieur le président, on me force à aborder certains de ces sujets.

M. Rick Laliberte: Mais non.

M. Roger Pocklington: Si vous lisez ce que j'ai dit, vous verrez que je cite Drinkwater. Ce que mes collègues scientifiques spécialistes de la pêche disent, c'est que lorsqu'on observe les poissons de l'année, lorsqu'on regarde les petits poissons qui auront la taille réglementaire pour être pêchés l'année prochaine, on constate un effet direct de la température de l'eau sur eux.

J'ai effectivement dit dans ma déclaration sur le déclin de l'industrie de la pêche à la morue du Groenland que, bien sûr, la température n'expliquait pas tout, que la surpêche y avait contribué. Mais que même si l'on prenait des mesures pour limiter la pêche, cette industrie ne pourrait vraiment redémarrer que lorsque ces eaux se réchaufferaient.

Le président: Monsieur Knutson, suivi par M. Lincoln.

M. Gar Knutson: Monsieur McBean, il me semble qu'il serait facile de se débarrasser de toutes les mesures de températures prises dans les aéroports, ou dans les villes autour des aéroports, et de ne tenir compte que des températures enregistrées dans le centre du Montana, ou n'importe où. Si nous éliminions toutes les données des stations météorologiques des aéroports, qu'obtiendrions-nous?

M. Gordon McBean: Je n'ai pas de carte à vous présenter pour l'instant, mais je puis vous dire que les scientifiques qui se sont penchés sur le sujet ont examiné la question des aéroports et de l'effet d'îlot de chaleur évoqué précédemment, et qu'ils en sont venus à la conclusion que la carte des températures que l'on obtiendrait globalement ne serait pas significativement différente. Nous aurions bien moins de stations, et dans certains cas les données porteraient sur des durées plus brèves; mais bien sûr la plupart des aéroports sont des innovations assez récentes.

• 1740

Si je pouvais m'exprimer de façon plus générale, je dirais qu'il ne faut pas faire une fixation sur la question de savoir si l'on assiste ou non à un réchauffement climatique. En tant que scientifique, je suis convaincu que nous avons une compréhension suffisante du fonctionnement du système climatique et je ne partage pas du tout l'opinion de M. Pocklington lorsqu'il affirme que le changement des concentrations de gaz carbonique est une affaire sans importance. A mon avis, le fait de modifier les concentrations de gaz carbonique, comme nous projetons de le faire dans l'avenir, aura un effet significatif sur le climat de notre planète et, à une plus petite échelle, sur les climats.

Ce qu'il faut savoir, en fait, c'est ce que nous attendons de l'avenir. A mon avis, l'analyse des données passées nous permet d'affirmer que nos projections sont justes; que ces modèles représentent le système climatique réel tel que nous le comprenons. Quant à savoir si telle ou telle station indique ceci ou cela, je trouve qu'il s'agit d'une perte de temps et que ce n'est certainement pas la meilleure façon de régler le problème.

M. Gar Knutson: Revenons donc au problème de la stabilisation aux niveaux de 1990: vous dites que compte tenu du taux d'augmentation de la quantité de gaz carbonique qui pénètre dans l'atmosphère et de la quantité qui en sort—non pas que je comprenne comment il peut en ressortir une fois qu'il y est entré—nous allons quand même avoir un taux d'augmentation très rapide. Cela fera-t-il une différence si nous réussissons à nous stabiliser aux niveaux de 1990?

M. Gordon McBean: Oui, cela fera une différence. Ce que je dis, c'est que si l'on se reporte au quatrième ou cinquième diagramme, si l'on ne fait rien, on est dans la courbe du haut, selon les estimations du GICC. Ce sera le cas si tous les pays continuent à ne rien faire. Si nous stabilisons la situation, c'est cette courbe inférieure qui est la bonne. Elle n'est pas vraiment calculée de la même façon, mais dans les faits, c'est cette courbe. On note une grande différence en l'an 2100.

Mais je ne veux vraiment pas vous donner l'impression qu'une stabilisation signifiera qu'il n'y aura aucun changement climatique, car il y en aura. Cela fera une différence. Nous verrons une grande différence dans la quantité totale de gaz carbonique contenue dans l'atmosphère.

M. Gar Knutson: Si nous nous stabilisons aux niveaux de 1990 d'ici 2010 ou aux alentours.

M. Gordon McBean: Oui, mais j'aimerais également insister sur le fait que nous devrions viser plus que la stabilisation au niveau mondial. Cette courbe inférieure correspond à une stabilisation au début, puis à une diminution de manière à atteindre un taux global de 60 p. 100 de ce qu'il est actuellement. Pour cela, il faudra réduire les émissions au cours du siècle prochain.

M. Gar Knutson: Monsieur Pocklington, je vais vous poser une question d'ordre économique. Je m'y entends davantage que dans le domaine scientifique.

Il me semble que le monde a beaucoup à gagner en réduisant sa consommation d'énergie, en utilisant moins de combustibles fossiles, en faisant durer... Je ne peux vous donner de référence, mais j'ai lu que nos réserves de combustibles fossiles seront épuisées dans 50 ans. Moins nous consommons aujourd'hui... Abstraction faite de toute la question du changement climatique, si nous pouvons faire durer nos réserves... Il y a eu une époque, avant que l'on ne commence à se préoccuper de changement climatique, où l'on parlait de réduire notre dépendance à l'égard du pétrole, de favoriser d'autres sources d'énergie... il y a beaucoup d'autres facteurs positifs de la sorte, comme prolonger l'utilisation du pétrole dans le monde, pour que nous ne retrouvions pas face à un arrêt de notre économie, d'ici une cinquantaine d'années, ou à une hausse énorme du coût du pétrole, à mesure que diminueront les réserves.

Cette idée selon laquelle il nous reviendra plus cher d'en faire trop, ou trop tôt: je ne crois pas que cela soit fondé, car je vois bien d'autres effets positifs, même sans tenir compte de la question du changement climatique.

M. Roger Pocklington: Monsieur le président, on m'a demandé mon opinion personnelle, mais j'essaierai d'être bref.

Je suis natif du Yorkshire. Savez-vous ce que cela veut dire? On dit qu'un Yorkshirois est un Ecossais auquel on aurait retiré toute sa générosité. Je suis un Yorkshirois, marié à une Néo-Ecossaise. Dans ma vie personnelle, je privilégie la frugalité, avec la propreté et la piété. Et je ne vous dis pas dans quel ordre.

• 1745

Rien de ce que je vous ai dit n'a de rapport avec ma conviction personnelle que tout usage abusif flagrant des ressources mondiales est évidemment stupide, tout comme toute croissance incontrôlée de la population, si vous voulez vraiment savoir, car ce que vous pouvez rajouter de mieux dans cette courbe du gaz carbonique, c'est la croissance de la population mondiale. Quoi qu'il en soit, je faisais simplement un commentaire spécifique sur le sujet. Pour l'instant, je ne vois rien qui prouve que ce qui est censé se produire soit réellement en train de se produire.

M. Gar Knutson: Je vous l'accorde, mais vous avez dit que nous allons en payer le coût aujourd'hui...

M. Roger Pocklington: Je suis porté à croire que les coûts économiques de ces mesures seront forcément importants.

M. Gar Knutson: A Toronto, nous pourrions agrandir le métro...

M. Roger Pocklington: Si vous me permettez, je vous donnerai l'exemple des Bermudes. Ces îles importent de grandes quantités de pétrole pour produire leur énergie électrique. La raison pour laquelle on n'y a pas davantage recours à, disons l'énergie solaire ou autre, c'est leur problème. Et je me charge de les encourager dans ce sens lorsque j'irai.

Mais si on leur impose une taxe sur le gaz carbonique, mes factures vont augmenter. Ce qui est proposé aura des conséquences sur les vrais gens, je suppose, et les gens auront alors l'occasion de dire... Je crois qu'au Royaume Uni, on a pris des mesures à propos du prix du kérosène, ce qui a eu des effets auprès des personnes âgées et elles se sont fâchées.

M. Gar Knutson: Mais comme je l'ai dit, à Toronto on pourrait construire d'autres lignes de métro.

M. Roger Pocklington: Je ne saurais vraiment pas dire.

M. Gar Knutson: Ce serait vraiment bien si nous agrandissions le métro. Nous avons probablement de 15 à 20 ans de retard par rapport à...

M. Roger Pocklington: Mais je n'ai vraiment pas défendu le gaspillage flagrant des ressources mondiales dans ce que je viens de...

Le président: Merci.

Merci, monsieur Knutson. Monsieur Lincoln, suivi de Mme Kraft Sloan.

M. Clifford Lincoln: Je dois avouer, monsieur le président, que je suis choqué par ce que j'ai entendu ici aujourd'hui. Je pensais que nous étions venus ici pour savoir si nous avions un problème sérieux de changement climatique. Je ne suis pas un scientifique et je sais qu'il est impossible de prouver à 100 p. 100 que le réchauffement climatique est entièrement imputable à l'activité humaine. Mais lorsque j'entends M. Pocklington nous dire que le niveau de la mer n'augmente pas aux Bermudes, j'ai envie de lui demander pourquoi ces îles, une quarantaine en tout, sont unanimes pour se battre avec énergie contre le changement climatique?

Il se trouve que j'étais aux Nations Unies en 1987, lorsque le président des Maldives, M. Gayoom, qui en est toujours le président, nous a décrit comment, pour la première fois, ils avaient été victimes de raz-de-marée en 1980. Il y en avait eu trois, et le troisième avait provoqué toutes sortes de dégâts et des décès. Il dit que le niveau de la mer augmente à une vitesse telle que les îles pourraient disparaître au cours du prochain siècle.

Je suis né dans une petite île, l'île Maurice. Lorsque j'y retourne, je constate que les plages ont complètement disparu. Je ne sais pas si je pourrais prouver à 100 p. 100 que ce sont les gaz carboniques produits par l'homme qui ont provoqué une hausse du niveau de la mer, mais d'ici à affirmer que le niveau de la mer n'augmente pas de nos jours, alors que nous perdons des sections entières de régions côtières, et que les habitants des petites îles sont morts de frayeur... Et je peux vous dire que j'ai parlé à de nombreux ministres de l'environnement et de présidents de petites îles qui voient monter le niveau de la mer. Posez-leur la question à la Barbade. Demandez-leur n'importe où. Ils sont terrorisés par ce phénomène, dans les îles Marshall et dans bien d'autres endroits encore.

J'ai lu aujourd'hui dans un livre—j'essaie de m'informer—que dans l'Antarctique on a trouvé une fissure de 40 milles de large où la neige a fondu, dit-on, en l'espace de deux mois; on avait prédit que cela prendrait plusieurs années.

D'accord, on peut se dire que ce n'est pas dû à l'activité humaine. Mais que fait-on? Faut-il attendre d'être convaincu à 100 p. 100 que le problème existe vraiment avant de commencer à faire quelque chose? Faut-il attendre comme dans le cas du tabac? On a dit qu'il n'y avait pas vraiment de lien entre le cancer du poumon et le tabac, et lorsque c'était trop tard, nous avons commencé à agir, et maintenant tous les gens sont à l'hôpital.

Monsieur Pocklington, je ne sais pas pourquoi vous êtes aussi inflexible, mais j'estime que si 2 500 des meilleurs scientifiques du monde, dont les travaux ont été soumis à l'examen de leurs pairs, me disent qu'il peut y avoir un problème, alors je crois qu'il est de notre devoir de dire aux autres qu'il y a un problème et qu'il faut faire quelque chose.

Et je trouve tout à fait regrettable que vous veniez me dire qu'il n'y a pas de problème, que les gaz carboniques ne posent pas de problème, que le niveau de la mer n'est pas en train de monter, que cela n'est pas dû aux activités des hommes et que tout le monde vivra heureux dans le meilleur des mondes. Je suis désolé, mais je dois dire que je ne vous crois pas.

M. Roger Pocklington: Monsieur, je suis également allé à l'Île Maurice, et dans les Maldives—seulement deux fois, mais c'est deux fois plus que le Canadien moyen.

• 1750

J'aimerais vous lire un extrait d'un article de Clive Wilkinson, qui coordonne le réseau mondial de surveillance des récifs de corail, paru dans le New Scientist du 4 octobre 1997: «Les effets de l'activité humaine sur les coraux représentent un danger plus grand que toute menace vague de futur changement climatique».

Si les récifs disparaissent, c'est parce que les gens les font sauter aux explosifs, qu'ils y déversent le contenu de leurs égouts, y déposent des sédiments. Lorsque le récif aura disparu, l'île n'aura plus de protection.

Ce que j'ai dit, c'est que les récifs, si l'on n'y touche pas, peuvent pousser, et ont poussé, à un rythme plus rapide que celui projeté pour l'augmentation du niveau de la mer. Mais laissez à M. Wilkinson, plutôt qu'à moi-même, le soin de dire tout cela.

Permettez-moi de rajouter cela à la documentation soumise avec ma présentation, monsieur le président.

M. Clifford Lincoln: Peut-être que M. Wilkinson devrait convaincre les présidents des îles qui mènent la lutte au congrès sur le changement climatique pour faire établir des objectifs valables. Ils sont très sceptiques. Ils estiment que l'on a affaire à des problèmes crées par l'homme.

Le président: Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: J'allais poser le même genre de question que M. Lincoln. J'ai rencontré le président de Micronésie à l'ONU au mois de juin, et il m'a imploré de l'aider car on a commencé à envoyer du riz aux îles voisines qui voient leurs rizières en terrasse inondées d'eau salée. Il était très préoccupé par les effets des changements de climat dans sa région.

Je voulais également aborder la question du coût. Je me demande si par hasard vous rédigez des questions pour le Parti réformiste pendant la période des questions, car nous n'avons pas parlé de taxe sur le carbone. Notre gouvernement n'a jamais parlé de taxe sur le carbone et je ne sais pas d'où vous prenez l'idée d'une taxe sur le carbone. Il existe quelque chose que l'on appelle la politique du sans reproche, ce sont des solutions que nous pouvons adopter, qui consistent à conserver l'énergie, à améliorer la gestion des déchets, à améliorer les ressources.

Un de mes collègues a dit «Abstraction faite du changement climatique, je pense qu'il faudrait envisager d'autres façons d'utiliser les ressources naturelles de notre planète». L'aspect économique nous importe certes, mais nous ne pourrons jamais oublier que notre richesse matérielle et culturelle dépend entièrement de nos richesses naturelles.

Quoi qu'il en soit, je voulais parler de ma conversation avec le président de Micronésie , car j'ai été très touchée par ce qu'il m'a dit. Ses collègues et lui-même sont persuadés qu'ils vont perdre leurs îles à cause des changements climatiques et parce que nous, dans le Nord, les avons ignorés.

M. Gordon McBean: Juste un bref commentaire sur l'aspect économique, même si je n'ai pas personnellement les qualifications requises pour me prononcer sur ce sujet, mais j'aimerais faire remarquer que le groupe de travail numéro trois du Groupe inter-gouvernemental sur le changement climatique, coprésidé par M. Jim Bruce du Canada, s'est de fait penché sur ces stratégies du sans reproche et a soumis un bon résumé, que nous pourrions mettre à la disposition du comité.

Je voudrais également noter qu'un grand nombre—je ne me souviens pas exactement combien, mais il s'agit de plusieurs centaines d'économistes américains de renom, dont plusieurs lauréats du Prix Nobel, ont écrit au Président Bill Clinton pour dire qu'ils appuyaient les conclusions d'ordre économique du troisième groupe de travail dans le compte rendu du GICC.

Mme Karen Kraft Sloan: J'ajouterais que la Union of Concerned Scientists, qui réunit de nombreux scientifiques à travers le monde, qui n'a pas de programme particulier ni de cause à défendre, a soumis de la documentation sur la conservation de l'énergie dans le passé.

J'aimerais également appuyer ce que M. McBean a dit à propos des quelque 300 économistes qui ont suggéré que les propositions avancées ici créeront des possibilités sur le plan économique.

M. Roger Pocklington: On a fait une remarque, monsieur le président, encore une fois un argument de nature personnelle qui d'une certaine manière reliait quelque chose que j'avais à dire à un des partis du Parlement, plus précisément l'opposition officielle.

• 1755

Je ne suis pas ici pour représenter quelque parti politique du Canada que ce soit. Je suis ici en tant que simple citoyen, car les travaux dont je vous ai parlé ont été financés par les citoyens du Canada. J'étais fonctionnaire, bien rémunéré et j'étais appuyé dans mon travail par les gens du Canada, et ils ont donc le droit de savoir que le problème a deux faces.

Les données que je vous ai présentées ont été réunies au cours des années par des employés assidus de ce qui est désormais le Service de l'environnement atmosphérique, et je suis désolé pour eux car leur ministère a décidé, en 1989, que le réchauffement climatique était une réalité et que ce phénomène allait être le fondement de la politique du ministère. J'ai dit à ce moment-là: je n'arrive pas à y croire; vous voulez dire qu'en tant que ministère du gouvernement canadien, vous prenez des décisions en matière de sciences naturelles? Ils ont mis fin au débat car ils ont jugé qu'ils en avaient suffisamment entendu et ils ont pris une décision. Depuis, celle-ci influe sur toutes leurs interprétations.

Merci.

Le président: Merci.

Avant de conclure, il nous reste du temps pour une dernière question.

[Français]

Monsieur Asselin.

M. Gérard Asselin: Je sais que la vérité choque. Toute vérité n'est pas bonne à dire. Malheureusement, elle a été dite, et cela par les deux partis. Comme vous le dites, il y a les deux côtés de la médailles.

Aujourd'hui, on n'a pas le choix. Il faut se mettre les yeux vis-à-vis des trous et poser des gestes parce qu'on a un problème. On parle des pluies acides. Les érablières au Québec en sont affectées. Les poissons, l'agriculture et certains animaux, qui sont en voie de disparition, sont en péril à cause de problèmes environnementaux.

C'est pour cela qu'on entend des témoins. Si on veut entendre des témoins et leur faire dire ce qu'ils ont à dire, c'est facile. Mais il serait dans l'intérêt du comité d'entendre les deux côtés de la médaille. Ensuite le comité pourra produira un document qui sera proactif.

[Traduction]

Le président: Très bien. Y a-t-il d'autres commentaires?

Au nom du comité, je vous remercie, messieurs McBean et Pocklington de votre présence aujourd'hui.

Nous reprendrons notre séance demain matin, à 9 heures, salle 269, bloc ouest.

La séance est levée.